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Une banque de photos qui se tient loin des stéréotypes, ça se peut

Éviter les clichés, un cliché à la fois grâce à une nouvelle initiative 100% québécoise.

Par
Laïma A. Gérald
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« 75 % des images utilisées dans les médias pour traiter de l’obésité sont stigmatisantes. », lance d’emblée Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste de formation et cheffe de projet chez ÉquiLibre.

« Notre mission est de prévenir et de diminuer les problèmes liés à l’image corporelle et au poids, ajoute la nutritionniste, en précisant qu’ÉquiLibre est le seul organisme à but non lucratif dont les programmes portent spécifiquement sur la problématique du poids et de l’image corporelle au Québec.

Récemment, Andrée-Ann Dufour Bouchard et l’équipe d’ÉquiLibre ont créé une banque de photos libres de droits, pour faciliter l’accès à des images représentant la diversité corporelle de façon positive, respectueuse et non stéréotypée. « Les photos, signées Julie Artacho, sont essentiellement destinées aux médias, puisque l’on considère que ceux-ci peuvent être des acteurs de changement importants en ce qui a trait à la représentation de la diversité dans l’espace public. » explique Andrée-Ann Dufour Bouchard, pour qui les banques de photos traditionnelles véhiculent encore trop souvent une image stéréotypée ou stigmatisante de la diversité culturelle, corporelle, etc.

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On a eu envie de plonger dans les coulisses du projet en posant quelques questions à Ariane Monzerolle, étudiante en techniques de gestion et d’intervention en loisir, militante et mannequin pour la banque de photos.

Crédit: Julie Artacho
Crédit: Julie Artacho

Parle-moi un peu plus de ce projet auquel tu as participé ?

«Dans les banques de photos traditionnelles, on voit souvent les personnes grosses sur une balance, mal habillées, en train de manger du fast food ou de rien faire sur un sofa.»

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C’est une banque de photos qui vise à représenter le corps des personnes qui n’entrent pas dans les standards de beauté imposés par notre société, mais d’une façon qui n’est pas clichée. Pour te donner un exemple, dans les banques de photos traditionnelles, on voit souvent les personnes grosses sur une balance, mal habillées, en train de manger du fast food ou de ne rien faire sur un sofa.

Là, on me voit en train de faire du sport, ce qui est vraiment représentatif de ma réalité. Dans la vie, je suis super active, je fais partie de la troupe de danse de mon CÉGEP et j’ai toujours beaucoup bougé. Ceci dit, l’activité physique n’est pas l’idée première qu’on se fait d’une personne grosse.

Aussi, je trouve ça intéressant parce que les photos sont regroupées en trois thèmes: “Alimentation”, “Activité physique” et “Art de vivre”. Ça permet d’aborder plusieurs situations de la vie quotidienne. Donc pour moi, la banque d’images permet d’illustrer des réalités plus diversifiées, qu’on associe pas souvent à des types de corps ou des types de personnes.

Crédit: Julie Artacho
Crédit: Julie Artacho
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Quand je vois des photos issues de banques d’images libres de droits, je me demande souvent qui sont les personnes qui y apparaissent. Comment t’es-tu retrouvée à poser pour une banque de photos?

Je suis étudiante en techniques de gestion et d’intervention en loisir au CÉGEP de Saint-Laurent et c’est une de mes enseignantes qui m’avait référé au programme ÉquiLibre dans le cadre de la semaine Le poids? Sans commentaire!, à l’automne dernier. Il avait été question que je fasse un témoignage sur le rôle du sport dans ma vie, en tant que femme grosse, mais finalement, ça n’avait pas fonctionné.

«J’ai dit oui tout de suite et j’ai même référé deux de mes amies.»

Quand le projet de la banque de photos est né, l’équipe d’ÉquiLibre m’a recontactée et m’a proposé d’être modèle. J’ai dit oui tout de suite et j’ai même référé deux de mes amies, qui apparaissent aussi sur les photos. On trouve ça le fun de se dire qu’on fait partie de ça ensemble!

Qu’est-ce qui t’a poussé à accepter?

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Personnellement, je n’ai jamais vraiment eu de complexes liés à mon apparence physique. Je me suis toujours bien acceptée telle que je suis. Je précise aussi que je n’ai pas particulièrement vécu d’intimidation liée à mon poids, je suis chanceuse. Par contre, depuis que j’ai 16 ans, je travaille beaucoup avec des jeunes, dans des écoles, des camps de vacances et dans le milieu communautaire. Ces expériences professionnelles m’ont fait prendre conscience que pour beaucoup de jeunes (et de moins jeunes), l’acceptation de son corps et l’estime personnelle liée à ça sont vraiment des enjeux importants. Donc en pensant à des personnes de mon entourage et à des jeunes auprès desquels je suis intervenue, je me suis dit « Pourquoi pas le faire! ». Je me suis aussi dit que si j’avais vécu de l’intimidation étant ado, ou si j’avais eu des complexes, j’aurais aimé avoir des modèles plus diversifiés auxquels m’identifier.

Crédit: Julie Artacho
Crédit: Julie Artacho

Comment se sont déroulées les séances de photos?

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Je connaissais déjà le studio de photos de Julie Artacho, Maison Gisèle, parce que je suis allée quelques fois aux ventes MALA, une friperie pour les personnes plus size fondée par Sandra Muñoz. J’avais déjà croisé Julie aussi, donc le fait de connaître le travail de la photographe et de connaître les lieux, ça m’a tout de suite mise en confiance.

«C’était vraiment bienveillant comme approche.»

J’ai trouvé que tout le déroulement du photoshoot était très humain. C’était une très belle journée en fait. J’avais deux amies sur place, Julie Artacho est merveilleuse et elle nous mettait vraiment à l’aise. Elle est elle-même une femme plus size et une militante anti-grossophobie donc c’était très bienveillant comme approche.

Crédit: Julie Artacho
Crédit: Julie Artacho
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Penses-tu qu’un projet comme ça peut contribuer à changer le regard des gens sur la diversité?

Je pense que c’est un bon début. On le sait, il y a beaucoup de compagnies qui utilisent la diversité (corporelle, sexuelle ou culturelle) pour se faire valoir, mais sans réellement poser de gestes pour être plus inclusives, donc c’est complexe.

Mais oui, je pense que de diversifier la représentation des corps, ça peut contribuer à changer les mentalités à long terme. J’espère aussi que les médias traditionnels vont embarquer et utiliser les photos, pour rejoindre des gens issus des générations souvent moins sensibilisées aux questions d’inclusion.

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