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Unbelievable: la série qui donne envie de croire que les choses vont changer
« On n’accuse [ou on ne sous-entend] jamais qu’une victime de vol ment, mais dans le cas d’agression sexuelle, c’est courant », dit un des personnages de la série. Cette phrase m’a rentré dedans comme un coup de poing au ventre. Et des coups de poing, j’en ai reçu beaucoup en regardant les huit épisodes de la série qui porte sur l’enquête d’une série de viols aux États-Unis.
Unbelievable
La série créée par Susannah Grant (Erin Brokovitch), est une mise en fiction de l’histoire de Marie, une jeune femme qui s’est fait poursuivre pour avoir changé son témoignage après avoir été violée par un inconnu entré par effraction dans son appartement.
Au départ, tout le monde croyait Marie. Ce qui fait que des doutes ont surgi, c’est sa manière d’être au lendemain du drame. Selon ses mères d’accueil — la protagoniste est une enfant qui a passé sa vie à valser de famille d’accueil en famille d’accueil — elle n’agit pas comme une femme qui a été violée. L’une d’elles décide de parler de ses doutes au détective qui convoque Marie au poste aussitôt.
Unbelievable fait office de rappel à tous ceux qui pourraient l’oublier : il n’y a pas qu’une seule manière de réagir à un traumatisme.
S’ensuit un interrogatoire douloureux où elle devra raconter les événements pour la énième fois. Bien sûr, sous la pression, elle omet des détails et contredit certains faits que le détective croyait établis. Qui a-t-elle appelé en premier? Avait-elle encore les mains liées quand elle les a appelés? A-t-elle bien signalé avec ses orteils?
Marie finit par craquer et douter d’elle même lorsqu’un des policiers sous-entend qu’elle a peut-être tout imaginé. « Je suis presque certaine que je me suis fait violer », dit-elle. « Certaine ou presque certaine? », répond le détective sceptique.
Pour ajouter à l’injure, dans une autre ville, une femme est attaquée exactement de la même manière. La détective Karen Duvall, responsable de l’enquête, collecte son témoignage avec patience et empathie.
Unbelievable fait office de rappel à tous ceux qui pourraient l’oublier : il n’y a pas qu’une seule manière de réagir à un traumatisme.
Une question de contrastes et de nuances
Les contrastes entre les deux enquêtes sont le filon conducteur de la série. On nous montre ce qu’une enquête de viol devrait réellement être par rapport à ce qu’elle a souvent été. Je ne vous cacherai pas que c’est parfois très difficile à regarder. Ça fait mal, ça fait peur ça enrage, mais c’est aussi porteur d’espoir.
Le blâme n’est pas porté que par les hommes de l’histoire. Si ça avait été le cas, les détracteurs de la série auraient pu dire que ça manque de nuances et ça aurait peut-être été vrai. Mais là, on dépasse souvent les conceptions du genre sans omettre qu’en effet, une victime d’agression sexuelle a peut-être plus de chance d’être traitée avec empathie si elle tombe sur une femme détective. Cette idée ne vise pas à rabaisser les capacités empathiques des hommes, ça ne fait que souligner que leur réalité n’est pas la même.
L’universalité du risque
En voyant les réflexes de survie de certaines victimes portés à l’écran, j’ai pensé que partout dans le monde, les femmes se préparent à la possibilité que le pire arrive. J’ai pensé au fait que je me suis souvent demandé ce que je ferais en cas d’intrusion à domicile. Est-ce que je me laisse faire? Est-ce que je me débats avec tout mon être? Est-ce que je porterais plainte ou je garderais tout ça pour moi dans l’espoir d’oublier plus vite?
Chaque femme a en tête un scénario de survie très bien ficelé sachant qu’il est susceptible d’aller à la poubelle devant ce qui est en fait imprévisible. Je pense que c’est ce qui déstabilise le plus dans la série : à la manière du #moiaussi, elle nous fait prendre à nouveau conscience de l’universalité du risque.
Culture du viol et #moiaussi
Unbelievable m’a fait revivre l’émotion qui nous a collectivement pris au ventre lors de l’éclatement du #moiaussi. Toutes ces histoires d’agressions — et de micro-agressions — que nous avons internalisées au point de les normaliser, qui font partie intégrante d’un système qui doute de la victime en premier. Je ne dis pas qu’un malentendu est impossible, je dis juste que ce serait le fun de vivre dans un monde où ce n’est pas à la victime de se remettre en question en premier.
On va s’excuser d’avoir porté une jupe courte. On va se culpabiliser d’avoir eu l’air « de dire oui » au début même si on a pourtant clairement dit « non » à la fin.
Évidemment qu’une allégation de viol, de harcèlement ou d’agression ne doit jamais être prise à la légère. Mais comme on l’a vu durant la vague de dénonciation, des fausses accusations il y en a très très peu. Alors la question que je me pose, c’est pourquoi a-t-on tendance à penser que chaque dénonciation sera d’abord traitée comme si elle était fausse? Pourquoi est-ce à nous de prouver — par notre façon de se rappeler de l’agression ou notre manière de montrer à quel point on est démolies — que le crime est bel et bien arrivé?
Les femmes doivent pouvoir avoir confiance en les autorités, doivent pouvoir sentir qu’il existe un « safe place » et que même si, au final, le fardeau de preuve n’est pas assez grand pour inculper qui que ce soit, elles seront au moins prises au sérieux.
Parce que oui, il est SI facile de nous faire douter. On a été élevées comme ça. On va s’excuser d’avoir porté une jupe courte. On va se culpabiliser d’avoir eu l’air « de dire oui » au début même si on a pourtant clairement dit « non » à la fin.
Ça prend un immense courage pour dénoncer un agresseur et c’est peut-être ce que la série montre le mieux. On célèbre la force des victimes au lieu de les affaiblir et ça fait du bien de voir ça. Ça fait du bien de voir des femmes prises au sérieux par tous les paliers et de croire qu’il y a au moins une possibilité que cet homme abominable se retrouve derrière les barreaux.