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Un zoo la nuit: sur le boulevard St-Laurent

Par
Zacharie Routhier
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Quand les bars ferment, la rue, elle, prend vie. À Montréal, un joyeux chaos se déverse sur le boulevard Saint-Laurent, épicentre du nightlife de la métropole. On a passé deux heures sur la Main afin de documenter sa faune nocturne en images.

2h

La rue s’est réchauffée toute la soirée et maintenant, elle bouille. Les cris, les rires et les sifflements font concurrence à la musique des clubs, qui résonne jusque sur le trottoir parsemé de déchets. Le trafic s’immobilise alors que la jungle traverse sans avertissement, migrant d’un bar à un autre au gré des effluves d’alcool. « Montreal babyyyyyyy! », hurle une fille. La ville lui appartient le temps d’une soirée.

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2h10

On dit que rien de bon n’arrive après 2h du matin. La pelouse sert d’oreiller à ceux déjà tombés au combat. L’odeur du vomi se mêle à celle des cigarettes. Plus loin, la foule redouble d’énergie. Grimpe, appelle, discute. « Where are you ? », les amies perdues sur le dancefloor se cherchent. La porte d’un karaoké s’ouvre et laisse échapper Take me home de John Denver. « C’est the place to be ! Mais il fait genre 42 degrés en dedans… », raconte un Ontarien en quête d’air frais.

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2h20

Sur les trottoirs, les lois deviennent approximatives. Les policiers observent néanmoins la foule tels des chiens de berger gardant un troupeau. Et parfois, ils mordent. « À cette heure-ci, on donne des tickets pour pas mal d’affaires », confie l’un d’eux, alors qu’il interpelle un skateboarder ayant poussé sa luck. « Good job, je t’apprécie », lance pour sa part un homme ivre aux agents. Ils l’ignorent, insensibles aux compliments comme aux railleries des passants en quête d’attention ou de défis.

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2h25

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VROUM. La Main n’a pas dit son dernier mot. Un flot de voitures étincelantes filent sur le boulevard, le rugissement de leur moteur capte l’attention des passants. Les chauffeurs multiplient les acrobaties pour attirer les regards. Clou de la soirée pour certains, bruit de fond pour d’autres, qui s’occupent plutôt à préparer des lignes de cruise toutes faites. La séduction prend tranquillement des allures de chasse. « Bro, ne fais pas ça! Laisse-la aller », prévient un frère à son compatriote trop insistant.

2h40

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Qui rentrera seul à la maison ? Dans les coins d’ombre, des couples se forment, s’enlacent, s’embrassent, à la recherche d’un compagnon jusqu’au lever du jour. Après, qui sait? On s’en fout. Leur tendresse est éphémère, mais immense.

2h50

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« Combien pour une rose ? N’importe quelle, je suis daltonien », lance un gars titubant à l’un des vendeurs d’amour de la rue. L’ultime effort de séduction n’a pas de prix. Ou est-ce le désespoir ? Les billets s’échangent et se perdent dans la nuit. « C’est en ce moment que c’est payant », confie le commerçant ambulant avant de filer vers le prochain groupe de fêtard.

3h20

Les bars se vident et les restos de fin de soirée se remplissent. C’est le last supper des gens sur la brosse. La dernière croix du chemin de croix. « On allait juste au McDonald’s… », désespèrent deux fêtards au fond de leur Uber pogné dans le trafic.

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3h50

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Les derniers acteurs quittent la scène. Leurs cris de début de soirée deviennent des murmures épars. Des confidences. Des secrets. Un « On bouge, allez ! » retentit dans la nuit. C’est qu’une cheffe de troupe a envie de rentrer chez elle. « J’ai pas envie de recroiser la gang de gars louches. »

Devant le Couche-Tard, les couche-tard s’échangent quelques high fives. Un peu plus loin, un homme déchire une contravention devant un policier. Son ami, moins baveux, se contente de tourner les talons : « Je vais aller travailler cinq heures au salaire minimum pour payer ça », laisse-t-il tomber en haussant les épaules. La ville reprend son souffle, alors que les derniers couchés croisent les premiers levés. Un court sursis avant que le cycle ne recommence.

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