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Un spleen froid nommé Omicron

Mais qu’est-ce qui se passe?

Par
Jean Bourbeau
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Quelle embardée que celle de notre condition actuelle. À la veille d’un temps des Fêtes qui s’annonçait réconciliateur avec une époque oubliée, nous voilà confronté.e.s à un vent de panique enflammant l’effroi collectif. Chaque jour, le tableau de pointage de l’équipe Québec inscrit un résultat bien pire que ce qu’on aurait pu oser imaginer. Une explosion silencieuse qui fait grand bruit.

Le paysage clément des derniers mois offrait pourtant un espoir engourdissant, mais sans prévenir, notre vieil ennemi des deux dernières années s’est muté avec la virulence d’une vendetta personnelle. Il est maintenant majoritaire dans la province.

D’un timing hollywoodien, il n’y aura pas de deus ex machina pour sauver Noël de ses griffes. Un rideau de fermeture s’est couché sur nos derniers loisirs. L’angoisse joue du pouce et fait vibrer l’intranquillité de nos poches. L’écran de nos cellulaires est devenu plus porteur de mauvaises nouvelles.

Combien sommes-nous à avoir été exposé.e.s à un ou plusieurs cas positifs uniquement la semaine dernière? L’amie d’un ami autour d’un dernier verre, le collègue au travail, la camarade de classe. Ces lignes sont écrites dans un appartement où j’entends ma coloc s’arracher les poumons.

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Cette époque omicronesque se révèle comme du jamais vu depuis le début du buffet pandémique. Positif, négatif, décortication des symptômes, isolement préventif, délestage; un lexique plus utilisé et maîtrisé que jamais.

Entre les files d’attente aux pieds glacés devant les centres de santé, les sites de pharmacies qui crashent, le manque de tests rapides, leur revente en ligne à des prix prohibitifs, l’attente insoutenable d’un résultat, les stratégies inventives pour contourner les délais, le retour violent au télétravail; on oublie que les tablettes de la SAQ sont encore désertes.

La nation fait réellement face à une adversité qu’elle n’avait pas prévue sur son radar de plaisir.

Devenir une statistique n’est plus une question d’imprudence, de malchance ou la faute du sacré cousin antivaccin. Car notre cher variant se propage plus vite qu’un potin de bureau et on ne sait vraiment plus dans quel coin se cacher pour ne pas l’attraper.

On entend que l’armée serait prête pour aider une éventuelle campagne massive de vaccination. Mais même selon l’avis d’expert.e.s, une triple dose ne nous protégerait pas entièrement contre ce monstre invisible.

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Alors que les éclosions explosent partout sur la planète, nos points de presse prennent la forme de messes apocalyptiques. 18 h, comme au temps des clochers. Les gens perdent espoir comme plusieurs leur emploi au moment où nos cartes de crédit sont engorgées.

Un portrait global idéal pour recommencer à fumer, car l’impensable semble réellement en train d’arriver : c’est pire qu’au début. La seule lumière semble résider dans cette plus grande protection contre la mortalité. C’est déjà une grande victoire.

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Saluons au passage un branding scientifique beaucoup plus effrayant que son prédécesseur Delta. The Omicron is coming aurait sa place au bas d’une affiche de film catastrophe. Dommage qu’il ne soit pas fiction.

Le faux bonheur du cocooning forcé est, avouons-le, périmé depuis un bon moment. Nous pouvions danser il y a à peine quelques lunes. Nous sommes allé.e.s trop loin dans notre semblant de liberté pour revenir paisiblement à écouter des vues les rideaux fermés en attendant que la tempête passe.

L’interdit laisse ici place à un goût de tragédie. Le temps des Fêtes 2021 sera un rendez-vous manqué avec un calme tant convoité.

Le grand retour du câlin, de la bise avec matante, se transformera en partys Zoom soporifiques rythmés aux coups de coude virtuels. Les aîné.e.s seront laissé.e.s à eux-mêmes, alors que nous savons tous et toutes au fond de notre cœur que la solitude est le pire des symptômes de cette crise.

Devant la gravité d’une fin d’année aussi black métal, cette habituelle période de célébration de la proximité et du feu familial prend la forme d’un anti-verglas. Pour ceux et celles ayant des souvenirs de cette obscure période de pénurie énergétique, c’était une crise froide, mais pleine de chaleur humaine. L’ère corona est tout le contraire; une crise fiévreuse où la chaleur humaine est la principale menace.

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Quels souvenirs ce noir chapitre du long voyage nous laissera-t-il en cadeau?

En honneur à la plus courte journée de l’année, ma plume fait office d’oiseau de malheur. Mais soyons francs, vous n’avez rien appris ici, ce texte ne souhaite qu’être le petit écho de la crainte impuissante que nous avons tous et toutes à l’intérieur de nous ces jours-ci.

Il fait parfois plaisir de lire que nous ne sommes pas seul.e au pays du spleen.

Surtout quand nos demains sont autant pavés d’incertains.

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