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Un serpent au paradis terrestre

Par
Aurélie Lanctôt
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Mon premier réflexe, quand Urbania spécial Anglos a été lancé, aura été d’en faire parvenir une copie à William Johnson, histoire de voir si on se ferait semoncer…

columnist
angryphone
Véhément détracteur de la Loi 101, malgré ses vénérables 81 ans, sa hargne envers la tyrannie francophone est intarissable. Les politiques linguistiques du Québec, il les juge injustes et discriminatoires. À l’entendre, le zèle français, au Québec, est une perversion odieuse et liberticide. Bon.
biculturalité
« Alors, z’en pensez quoi du magazine? » que je lui ai demandé.
Ah! Mais d’abord, il faut préciser un truc. Si Bill Johnson se contentait d’être un Angry Anglo, même avec son français impeccable et sa culture encyclopédique, le personnage serait somme toute un peu banal. Or, il incarne en réalité un paradoxe intrigant. Loin de l’anglo hargneux qui baragouine avec dédain un français approximatif, il embrasse depuis toujours la francophonie. Pas par adon, pas par contrainte, mais bien par choix; par amour de la langue… J’allais ajouter « de Molière », mais horreur! Pitié, qu’on purge notre écriture de cette périphrase quétaine et galvaudée! Tenons-nous en donc à « langue française ».
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Bref, Johnson a subi Brébeuf (l’emploi ici du terme « subi » est soupesé, en connaissance de cause), fait ses études supérieures en français à l’Université de Montréal et est aujourd’hui marié à une Américaine, docteure en littérature française, avec qui il ne communique… qu’en français! Il vit au Québec par choix, « même s’il doit payer des impôts plus élevés ». Et comme intellectuel, tel qu’il me l’écrivait dans un courriel, cet automne, il embrasse la devise « qui aime bien châtie bien ». Et ça, c’est le moins qu’on puisse dire! Parce que si j’avais été un brin plus susceptible, j’aurais eu tendance à croire que ce qu’il nous dit, au fond, c’est que le problème, au Québec… ce sont les Québécois!
troll
Alors voilà. Ça m’intriguait, moi, de savoir ce qu’il en pensait, du spécial Anglos.
pétage de bretelles
Le Québec – entre son passé et ses passages
Le serpent qui vint un jour troubler la béatitude de la colonie française en Amérique…
Comment conjuguons-nous réellement avec le fait anglophone? Bon, il s’agit-là d’un débat en soi. Personnellement, j’aurais tendance à nuancer l’indignation de Johnson.
Mais reste qu’il est vrai que nous tendons à avoir une vision linéaire et manichéenne de l’histoire. On nous l’enseigne, on la brandit partout dans les médias de masse, dans la culture… donc c’est bien normal! Mais est-elle la plus juste? La plus saine? La plus honnête?
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Combustible à bisbilles enflammées que ces interrogations. Certains diraient que cette conception historique est nécessaire à la sauvegarde de notre identité; d’autres en douteraient. À travers quelle lentille doit-on scruter l’horizon du passé? Ah! Éternelle question.
Mais chose certaine, en cultivant cette idée selon laquelle notre Histoire ne serait qu’une affaire de gagnants et de perdants, d’asservis et d’oppresseurs, de survivance et d’antagonisme, comment peut-on espérer réconcilier réellement « les deux solitudes » ?
Eh bien moi, je me le demande.
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