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Un Plateau sans embouteillage: un projet utopique?
URBANIA et Communauto s’unissent pour essayer de penser la ville autrement.
En tant que gars de région qui a appris à conduire dans une ville où un bouchon de circulation c’est « Scuse si j’ai trente secondes de retard, j’ai été obligé de faire mon stop vu qu’y’avait un autre char sur la rue », j’appréhendais un peu la conduite à Montréal. Et pour cause : des fois, se promener en voiture à Montréal, c’est comme essayer d’enfiler un fil dans une aiguille, si on remplace le fil par une Yaris pleine de vieux CD qui traînent, et le chas de l’aiguille par une horde de madames en colère dans leur VUS Mercedes.
Mais est-ce que ce « problème » de congestion est réel, ou est-ce juste le petit gars de région en moi qui capote pour rien? Et s’il y a vraiment un problème, comment y remédier? J’en ai parlé avec Tanya Gonzalez, responsable des campagnes transport, GES et aménagement du territoire au Conseil régional de l’environnement de Montréal, et Olivier Roy-Baillargeon, post-doctorant en aménagement à l’université de Waterloo et qui se spécialise entre autres sur la région du grand Montréal.
Un problème de congestion?
Il faut comprendre que le problème part aussi des banlieues.
Je demande tout d’abord à mes intervenants dans quels quartiers montréalais on observe davantage ces problèmes de congestion. Pour Mme Gonzalez, « c’est l’ensemble des quartiers centraux et ceux de la couronne nord qui sont les plus touchés à Montréal ». Oui, on pointe du doigt les coupables habituels, le Plateau et le Quartier Latin, mais il faut comprendre que le problème part aussi des banlieues : « Ça va être important de travailler le transport à la hauteur de la communauté métropolitaine de Montréal. Si on a beaucoup de trafic à Montréal, c’est aussi parce qu’il y a beaucoup de trafic en provenance des couronnes nord et sud de Montréal ».
- M. Roy-Baillargeon, lui, hésite à parler de problème de congestion : « Dans l’opinion publique, la conception populaire de la congestion, c’est que c’est quelque chose qui est intrinsèquement négatif, et que la façon de la combattre, c’est d’investir des sommes colossales pour rendre fluide la circulation des véhicules. […] c’est l’inverse même de la dynamisation d’un lieu de le rendre facile à traverser. Montréal s’est un peu bâtie sur la base d’une courtepointe de quartiers agréables, fréquentables, où c’est pas facile de se déplacer rapidement. C’est précisément pour ça que la dose de congestion qu’on doit subir est probablement à peu près la bonne, c’est un signe de vitalité ».
Comment diminuer la congestion?
Bon, si on ne s’entend pas sur le « problème », reste qu’on est d’accord que certains quartiers de Montréal (notamment le Plateau) sont spécialement congestionnés par les voitures. Qu’est-ce qu’on peut faire pour y remédier? Pour Mme Gonzalez, il y a un coupable principal : « Les causes fondamentales, c’est sûr, c’est l’auto solo. Les déplacements du travail au domicile […] qui sont fait individuellement causent une grande partie de la congestion ». Elle mentionne par exemple une étude qui révèle que ce sont 14, 8 millions de places qui sont laissées libres chaque jour dans les voitures dans la région de Montréal, alors qu’elles pourraient servir au covoiturage.
Avoir sa propre voiture, ça peut contribuer au problème, même si on l’utilise rarement.
Olivier Roy-Baillargeon souligne aussi que l’attrait qu’exercent ces quartiers centraux explique la congestion : « [Le Plateau Mont-Royal] est victime de son succès. Puisqu’il y a beaucoup d’attraits, il y a beaucoup de destinations, il y a beaucoup de gens qui y viennent qui arrivent de l’extérieur. Sa situation centrale, le fait qu’il se situe juste à côté du centre-ville et de Rosemont, qui sont aussi deux attracteurs de déplacement, ce qui fait que beaucoup de gens passent par là sans s’y arrêter ».
Qu’est-ce qu’on fait alors? Il n’y a pas de solution unique. Une partie de la solution passe sans doute par le transport collectif : « Pendant longtemps, le provincial […] a investi beaucoup plus dans les autoroutes que dans le transport collectif. Ça fait un déséquilibre et puis un avantage pour les voitures », nous dit Tanya Gonzalez. On parle déjà d’une partie des améliorations nécessaires : allongement du métro, voies réservées, SRB, REM, alouette!
« Il y une autre solution qui est pas très populaire, je vais l’appeler de son nom politically correct, l’écofiscalité. Mais en gros, ça veut dire du péage. Ça a vraiment des impacts directs à Londres, on parle d’une réduction de la congestion de 40 % dans la zone tarifée, et 10 % sur la région londonienne. Quand on doit payer pour la congestion, ça ramène les autres options en position avantageuse ».
Et finalement, pour Mme Gonzalez, la solution va passer par un mélange des modes de transport : « Il n’y a pas une option en soi qui va réduire la congestion, c’est un cocktail de plusieurs options ».
Et avoir sa propre voiture, ça peut contribuer au problème, même si on l’utilise rarement : « L’impact de la voiture, c’est pas seulement quand elle roule, c’est aussi tout l’espace urbain qu’elle utilise, quand elle roule, le stationnement sur rue… L’autopartage met la voiture au même niveau que les autres options de transport, ça permet de réduire l’espace que la voiture occupe en ville. Et en libérant du stationnement, ça libère de la place pour devenir des pistes cyclables, des voies réservées, et autres ».
Notre expert en aménagement a une solution étonnante à proposer : « Pour limiter la congestion dans les quartiers qu’on veut agréables à fréquenter, on a juste à fermer les rues avec des bonnes raisons de le faire. Automatiquement, on va voir les gens se reporter sur une autre manière de se déplacer. Si la raison pour laquelle la rue est fermée est assez bonne pour s’y rendre quand même, elle va faire l’effort pour s’en approcher le plus possible ».
Et pour les commerçants?
Souvent, on se demande si toutes ces belles initiatives pour réduire la circulation automobile ne risquent pas de faire mal aux commerces. Tanya Gonzalez se montre rassurante : « Les sociétés de développement commercial de Montréal se rendent compte que ce qui les distingue du Quartier Dix-30, ou du Carrefour Laval, c’est l’expérience de la rue, c’est ce qu’ils peuvent offrir à leur clientèle ».
Et les gens qui utilisent d’autres moyens de déplacement que la voiture personnelle sont peut-être une clientèle intéressante… « Comme un cycliste a pas besoin d’acheter une voiture ([…] ça coûte entre 7000 $ et 9000 $ par an), tu te ramasses avec un 7000 $-9000 $ que tu peux dépenser dans les commerces locaux. Et comme tu circules au niveau de la rue, tu peux t’arrêter sur un dix cennes parce que tu as vu un petit quelque chose dans la vitrine ».
Souvent, on se demande si toutes ces belles initiatives pour réduire la circulation automobile ne risquent pas de faire mal aux commerces.
Et si vous utilisez l’autopartage, vous risquez de pouvoir laisser votre voiture dans des quartiers intéressants : « Il y a une corrélation forte entre la bonne congestion, qui est la congestion des gens qui se rendent dans un quartier pour consommer dans ses commerces, pour prendre un repas dans ses restos, pour déambuler dans ses rues et profiter de son ambiance, et la disponibilité des véhicules Communauto, parce que souvent, les stationnements des véhicules Communauto sont à proximité de ces générateurs de déplacements là, comme un petit café de destination pour lesquels on est prêts à se déplacer loin, une librairie… C’est une congestion qui est bonne pour la ville. C’est beaucoup de gens qui veulent aller au même endroit au même moment, c’est une congestion dont on devrait pas chercher à se débarrasser, c’est une congestion qui est un signe de vitalité pour un quartier ».
Bref, oui, il y a beaucoup de voitures sur le Plateau. Mais heureusement, il y a aussi une foule d’autres options disponibles pour parcourir ses boutiques. Et si plus de gens s’y mettent, qui sait, peut-être qu’un jour le trafic ne sera qu’un vestige du passé…
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Pour rendre votre quartier encore plus vert, il y aussi l’option Communauto!