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Le 30 novembre à 22h – Chai latté à la main, je suis à quelques minutes de relever un audacieux défi : passer un mois complet sans boire ne serait-ce qu’une once d’alcool. Résumé de cette expérimentation qui aura été frustrante et éclairante. Mais surtout frustrante.
Je voyais là l’occasion de trouver réponse à cette question qui brûle toutes mes lèvres : ai-je un problème d’alcool.
C’est un ami qui m’a suggéré d’effectuer ce test d’abstinence. Et il m’a fait la recommandation en connaissance de cause. C’est que Séb est bien au courant que j’aime boire. Pis qu’historiquement, le mois de novembre m’en est un difficile. Possiblement en raison de ses amas de neige qui m’encloisonnent peu à peu.
Question de pas sombrer dans une déprime mélanalcoolique et automnale, il m’a proposé ces règles bien claires : pas une maudite goutte d’alcool. Pas de bière, pas de vin, pas de spiritueux.
Plus aucun soir de scotch, aussi enchanteurs peuvent-ils être.
J’étais pas certain de vouloir. J’aime vraiment ça la bière. C’est mon rituel de fin de soirée. Je bois devant Microsoft Word. Ou devant le hockey. Pis on dirait que j’écris mieux. Que le Canadien gagne plus souvent.
Pis ça m’aide à m’endormir. J’étais à l’aise dans cette routine houblonnée. J’aimais la subtile ivresse qu’elle me procurait. Cette espèce de filtre altérant nos idées et impressions. Qui rend la musique d’ins écouteurs encore meilleure.
J’ai tout de même accepté lorsqu’il m’a offert de mener ce douloureux pèlerinage à mes côtés. Le périple s’annonçait pénible. Et le mois de novembre pas mal plate. Je me suis demandé si j’étais pas en train de commettre un suicide social. À 24 ans, le pourcentage d’activités dans mon réseau n’incluant pas la boisson est particulièrement faible.
Mais je me disais que ça aurait nécessairement aussi des impacts positifs. Parce que peu importe la saison, j’ai effectivement tendance à boire beaucoup.
En fin de compte, ce fut un succès. J’ai réussi à accomplir ce piètre exploit. Je me suis même abstenu de manger un chocolat parce qu’il y avait du Jack Daniel’s dedans. Ce fut un joyeux trente jours avec un taux d’alcoolémie en deçà de 0,00.
La première étape afin de réussir ce défi a été de m’outiller en conséquence. Je me suis débarrassé de toutes mes bouteilles vides, pour éliminer l’envie. Et surtout, je me suis équipé d’un moussoir à lait.
À CENT FUCKING PIASTRES.
C’est probablement l’affaire qui a le plus de valeur dans mon appart après mon laptop. Un méchant investissement, mais je me disais qu’il me fallait absolument quelque chose pour remplacer l’alcool. Et que s’il existait un goût capable de rivaliser avec celui d’une IPA froide, c’est bien celui du chai latté.
Mon faramineux bourdon du pèlerin
La première semaine s’est bien déroulée. J’étais même surpris de constater que je dormais mieux. Pis que j’étais plus souvent à l’heure. Alors que je voyais arriver du coin de l’œil le premier week-end, j’anticipais les premières sorties. Pour amoindrir le choc, je me préparais mentalement à commander un Virgin Ceasar. C’est dégueulasse.
Le plus difficile c’est de désamorcer les vieux réflexes. Passer tout droit dans le rayon de la SAQ à l’épicerie. Demander à la serveuse le menu de ses boissons non alcoolisées. Recevoir un «t’es certain?» lorsque tu commandes un milkshake alors qu’il fait -10° dehors. Ce fut aussi l’occasion de tester les fameuses bières sans alcool qui méritent certainement la note de passage. Cette option permet aussi de passer incognito sa sobriété, et d’éviter toutes ces questions genre pourquesséfaire que tu bois quelque chose avec un céleri dedans.
J’en ai tu vraiment retiré des bénéfices? Je suis pas sûr. Concrètement non. Je pense pas avoir perdu de poids. J’ai pas vraiment économisé non plus.
Mais je dormais mieux, c’est vrai. Et je peux surtout statuer que j’ai pas un problème d’alcool. En tout cas pas au sens décrit par le poète Damien qui essaye d’arrêter. Avoir «un problème d’alcool», c’est une locution normalement réservée à ceux qui vivent l’enfer. Qui sont incapables de se départir de cette envie d’en caller une grosse. Ma dépendance à moi est plus affective que pathologique. Mon amour pour l’alcool me parait plus gustatif que maladif.
Je préfère donc dire que j’ai un problème avec l’alcool. Ça sonne moins grave. Je bois parce que j’aime la saveur et non pas «pour oublier» (toute façon, j’oublie déjà en masse d’affaires comme c’est là).
À l’inverse, j’ai pas constaté beaucoup de désavantages non plus lors de cette petite expérience. J’ai continué à voir les mêmes amis et environ à la même fréquence. Le monde a continué de tourner. J’ai continué à écrire.
Pis le Canadien continue de gagner.