.jpg)
Un gars qui déteste les voitures visite pour la première fois le Salon de l’Auto
Je déteste les voitures.
Peut-être que vous vous dites « Bon, un petit montréalocentriste qui chie sur les chars » et je vous répondrais que même si j’habite bel et bien à Montréal, j’ai grandi en région, à Rimouski, une ville où la possession d’une voiture était aussi essentielle que celle d’un rein; tu peux t’en passer, mais ça risque de faire mal.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je déteste les voitures. Nos villes sont construites autour de cet instrument du diable, tant pis, si ça pollue et que ça nous étouffe, tant pis, si ça nous pousse à la sédentarité nous faisant mourir de maladies du cœur bien trop jeunes, tant pis, si c’est bruyant pis que ça pue, tant pis, si on donne à tout le monde des engins de métal capables de broyer le crâne de n’importe qui. On aime nos chars, pis on n’aime pas marcher.
Je vous ai dit que je déteste les voitures?
Mais quand mon petit frère de 15 ans passionné de voitures qui habite toujours à Rimouski m’a demandé s’il pouvait venir me rejoindre à Montréal en autobus voyageur pour qu’on aille faire un tour au Salon de l’Auto, j’ai tout de suite dit oui. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour les gens qu’on aime, hein?
Voici donc le petit récit d’une visite à la grande messe des voitures.
Un parcours qui nous fait marcher pas mal
C’est donc un samedi après-midi qu’on s’est rendus au Palais des congrès en transport en commun, ce qui est sûrement un peu ironique (je ne sais pas, demandez à Alanis Morissette).
À ce moment, j’ai pu constater que mon frère était passionné par les véhicules en général, parce qu’il m’a posé une panoplie de questions sur les autobus accordéon de la STM :
« – On a-tu le droit, de se tenir sur la partie en accordéon, au milieu?
– Oui.
– Mais comment c’est renforcé? S’il y a une collision avec une voiture, j’ai l’impression que l’espèce de toile entre les deux parties du bus ne protégerait pas beaucoup les passagers.
– Je sais pas, mais je te remercie de m’avoir débloqué une nouvelle peur. »
On est ensuite débarqués au métro Place-d’Armes, qui débordait de gens qui, comme nous, se rendaient au Salon de l’Auto. Encore une fois, j’imagine que c’est ça, l’ironie (Alanis ne répond toujours pas à mes DMs).
Je vais vous avouer que dans ma tête, le Salon de l’Auto, c’était un immense plancher rempli de voitures. C’est plus ou moins vrai. Comme il manque d’espace au Palais des congrès de Montréal pour mettre toute l’exposition sur le même étage, on nous présente plutôt un parcours qui nous fait passer entre plusieurs salles plus ou moins grandes, avant de terminer avec la salle principale, où l’on retrouve la plupart des fabricants.
Tout au long de ce parcours du combattant (sérieusement, on marche pas mal avec une petite foule compacte), on croisait souvent les grandes fenêtres du Palais des congrès, ce qui m’a donné ma joke préférée de la visite : en désignant frénétiquement les fenêtres qui donnaient sur l’avenue Viger, je pointais les voitures qui roulaient dans la gadoue en m’exclamant à mon frère: « REGARDE, REGARDE! DES VOITURES! »
.jpg)
La première fois, il a souri poliment (il couchait chez nous, après tout), mais après la 8e fois, il a commencé à regarder les billets d’autobus sur son téléphone pour devancer son départ.
La première salle nous présentait des voitures de collection un peu rares (en tout cas, selon mon frère qui connaît ça plus que moi), alors que les salles suivantes nous présentaient des voitures modifiées par des amateurs.
Blague à part, j’admets avoir été impressionné par le travail de ces passionnés.
Je ne suis peut-être pas un fan de voitures, mais la passion, c’est la passion. Voir quelqu’un passer des milliers d’heures à pratiquer une activité qui lui tient à cœur, et à en peaufiner sa maîtrise, c’est toujours un peu inspirant. Inspirant, même si ce n’est probablement pas ces autos-là que je prendrais pour aller faire mon épicerie:
.jpg)
Mais je ne vous mentirai pas, je suis vieux, j’avais mal dans le dos, et j’ai finalement trouvé le kiosque que j’ai le plus apprécié : celui des dossiers de voiture massants. Enfin, un produit pour moi.
.jpg)
Luc Poirier, le collectionneur de légende (ou quelque chose comme ça)
À ma grande surprise, mon petit frère passionné d’autos gardait un rythme quand même assez soutenu au fil de notre visite. Je m’attendais à ce qu’il s’arrête devant chaque voiture pour en inspecter la moindre couture, mais non, il maintenait une cadence assez rapide. Même que lorsqu’on est passé devant un kiosque qui nous proposait de faire une course de voiture en réalité virtuelle, il m’a répondu :
« Pourquoi je regardais des voitures en réalité virtuelle quand y a juste ça, ici, des voitures? »
Touché.
Mais j’ai vite compris les raisons de son empressement. Il était surtout venu au Salon de l’Auto pour une raison précise : voir les bolides du collectionneur privé Luc Poirier.
Luc Poirier, c’est un homme d’affaires, ex-candidat d’Occupation Double, qui a fait fortune dans l’immobilier. Son dernier gros coup, c’est d’avoir vendu le terrain de l’usine Northvolt au prix de 240 millions. Ça fait pas mal de Ferrari, ça.
On va vous laisser juger vous-mêmes de l’éthique du personnage et de sa vocation, mais une chose est sûre; il a une sacrée collection de voitures. Au Salon de l’Auto, Poirier a choisi de mettre de l’avant sa collection de Ferrari, parmi laquelle se retrouve la voiture préférée de mon frangin, la Ferrari F50.
.jpg)
De mon côté, j’ai eu un kick pour une autre voiture de la collection de M. Poirier, mais pas parce que je me suis converti au monde automobile. Je suis juste un gros nerd, et j’ai tout de suite reconnu la voiture du jeu Out Run de Sega.
Chacun ses intérêts, OK?
.jpg)
Et là, mon cher frère a pris son temps. Il a regardé les voitures sous tous les angles, avec une attention presque chirurgicale. Il les observait, pas tant pour découvrir quoi que ce soit, mais pour confirmer ce que ses nombreuses heures de recherche lui avaient appris.
C’est à ce moment que je me suis réconcilié avec le Salon de l’Auto. Est-ce que j’en suis ressorti passionné d’automobiles? Absolument pas. Je continue de croire que les voitures sont d’infernales machines à tuer, et j’ai hâte au jour où l’offre de transport en commun sera tellement abondante que les voitures ne seront qu’une étrange relique d’une époque révolue, au même titre que la calèche.
Mais cette passion dans les yeux de mon frère, je l’ai reconnue. C’est la même qui m’habite quand je vais à un salon qui met à l’honneur les jeux vidéo, et que je m’enthousiasme de voir dans sa boîte un jeu paru il y a plusieurs décennies. C’est la même qui habite mon ami passionné d’ébénisterie quand il trouve un outil ancien dans un marché aux puces. Et c’est la même passion qui habitait mon autre frère, fan de basket, quand je l’ai amené voir l’Alliance de Montréal jouer à l’auditorium de Verdun.
Voir un être humain être passionné par quelque chose, peu importe la passion, c’est beau. C’est ce qui donne un sens à nos existences souvent misérables.
À la sortie, il y avait un kiosque du SPVM, et, je l’avoue, ça m’a pris de court. Après tout, je pensais que les fans d’autos aimaient ça aller vite, et que les policiers étaient comme leur ennemi naturel.
Ça, j’ai pas besoin d’Alanis Morissette, je suis sûr que c’est ironique.