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Certains craignent qu’une créature sous-marine ne leur agrippe les jarrets quand ils plongent dans un lac. D’autres, requièrent un sac de papier brun pour rattraper leur souffle le moment venu de demander un petit verre d’eau à la serveuse. Puis il y a ceux qui craignent de se faire tâter l’organe.
Sachez que j’empathise tout en courbettes, messieurs. Beaucoup.
C’est que, dans le cadre de Nœudvembre – une initiative de PROCURE – on m’a chuchoté mandat de vous parler de prostate. De prévention. De choses PLAISANTES. Voyez plutôt:
Je dis un jour, parce que c’est probablement pas tout de suite. Vers 40 ans, et juste si t’as des antécédents familiaux, qu’ils disent. Sinon, c’est 50. Mais ça, c’est comme quand tu te dis, à 20 ans, que t’auras des enfants vers tes 30 ans parce que c’est encore loin et que ça te donne un petit jeu pour te gérer l’angoisse. Et la première affaire que tu sais, t’as 33 ans, pas de condo, certainement pas de p’tits, t’achètes encore des marionnettes quand tu les trouves de ton goût et ces dix années-là ont passé ben trop vite. Alors autant s’entretenir le grain que tôt ou tard, l’examen de tous les examens arrivera.
Le TR, qu’ils l’appellent, sur les grands sites savants. Parce que « toucher rectal », ça n’a pas la même poésie. Et ça a surtout ce mystérieux effet de faire se refermer à jamais tout orifice ayant pignon sur l’extérieur. Le TR. C’est moins confrontant. Et ça sonne comme un transport en commun qui nous mène vers une crique ou un hôtel de Québec où un gars est engagé pour jouer des bongos près de la piscine exotique.
Une petite affaire plus de parté que « le doigt dans les fesses ».
À part toutes les images en stroboscope d’épouvante avec mains gantées qui se dandinent vers tes canaux, pourquoi est-ce si effrayant, donc? La légende a-t-elle pris le dessus sur la vraie affaire? Eh bien si je m’en remets à la crise d’angoisse aiguë que j’ai vécue juste avant de subir mon tout premier examen gynécologique, I can relate, gentlemen.
Je m’en souviens comme si c’était hier. Un feu follet. Je voulais mourir. Me faire carpette. Et je voulais aussi tellement bien faire que je me revois encore, prostrée sur mon tiroir à fantaisies, à essayer de choisir les petites culottes adéquates pour un Pap test. Une folle.
Loin de moi était l’idée de séduire quiconque, mais comme un inconnu allait non seulement exiger de voir ma fourche, mais surtout l’inspecter comme on tâte les gencives d’un pur-sang pour en vérifier la valeur, il était hors de question de réaliser, une fois sur place, que j’avais mis des culottes un peu sexées ou encore celles à travers lesquelles on pouvait me deviner l’écureuil.
Je vous le dis, jamais culotte n’a été si soigneusement sélectionnée. Un peu sport, pas de motif affriolant, mais pas beige, non plus. Pas beige parce que je voulais pas que l’inconnu me juge EN PLUS le dessous. Oui.
Mais ça, c’était l’étape facile.
Parce que quand tu entres dans le bureau du gynécologue, il te dit – ou ne te dit pas tant – un petit bonjour de tenancier de dépanneur et te demande illico de te swinger le pantacourt sur la chaise. Juste là, là. Puis il referme le petit rideau qui fait office de grand séparateur entre ta nudité et la pas-sienne, sans plus de consignes. T’es prête, t’as passé une heure à choisir tes tchulottes. Mais astheure que t’es assise comme une dinde sur la table d’examen recouverte du grand papier qui signale À L’ÉTAGE ENTIER chacun de tes petits gestes nerveux, tu réalises que ça ne fonctionne pas.
Ça ne colle pas.
Parce que logiquement, le petit monsieur (ou la dame, mais j’ai le chic de ne remonter que des monsieurs au bout de ma ligne gynécologique) doit t’inspecter le précieux. Et t’auras beau t’être greyée de la plus fantastique des panties, à un moment donné, va falloir que tu l’enlèves.
Mais quand? DEVANT LUI?
Personne ne m’avait dit quand. Le gynéco était probablement après se chercher une recette de salade de pâtes aux olives en attendant que le papier cesse de grouiller, signal ultime que la petite mère est prête à se faire inspecter. Moi, j’étais en panique, level Amber.
C’est que la soudaine perspective d’attendre un homme en sarrau assise sur un meuble, vulve tous azimuts, m’a paralysée. Et en petite fille qui voulait pas avoir l’air de vivre ça pour la première fois, je commençais à me demander s’il fallait que je l’attende couchée, écartée comme c’est pas permis dans mes étriers fictifs.
Eh, oh; PERSONNE NE M’Y AVAIT PRÉPARÉE.
Et je vous certifie que ce moment où t’as le bijou à l’air MAIS que t’as encore ta blouse et ton veston de job sur le dos, il est confus. J’ai donc choisi la judicieuse option de me coucher sur le dos avec la confiance d’un guerrier, mais de tout de même me couvrir le vulnérable avec mes petites mains lilas. Calvaire que je devais avoir l’air épaisse. Ou attendrissante. Mais davantage épaisse, je pense.
Là, t’as beau avoir fait tes sciences pures et t’être révisé le latin pour faire sûr de saisir toutes les subtilités du mot speculum, tu vis le plus grand moment d’inconnu de ta sainte vie. Le monsieur entre. Il semble pas plus excité qu’il faut. Puis il te dit de t’écarter. Ça fait que, doux Jésus, ben tu t’écartes. Timidement. Et à ce moment précis, tu te demandes ce qu’il est après se dire, s’il n’est pas après siffler, comme le mien (un genre d’amalgame slamé de « oh boy / ça sent drôle / la pauvre fille / quel travail gratifiant / jamais vu un vagin de même / j’ai hâte à ma salade de pâtes »).
Le silence.
Et quand t’as l’impression d’être offerte à tout le pâté de maison et que la femme qui habite en face de l’hôpital est en mesure de lire sur tes lèvres, tu peux être sûre qu’il te demandera cinq fois D’ÉCARTER PLUS (quand la hanche te déboîte, il te remet un collant doux).
Il te demande aussi de te détendre. Plus. Détends-toi plus.
Parce que ce moment-là, ça devrait se passer dans la détente. Dans l’abandon, la ripaille et les huiles essentielles, sous le cri strident des néons et la froideur de l’affaire en métal qu’on est après t’insérer dans la genitalia.
Ça fait que messieurs, ne vous en faites pas. JE SAISIS VOTRE ANGOISSE.
Mais comme moi, vous vous relèverez de la table, le grand papier collé aux fesses et vous constaterez avec surprise que c’était pas si pire, finalement.
Que vous marcherez en cowboy pour la prochaine heure, certes, mais que c’était vraiment pas tant l’chiard.
Ça fait qu’allez-y donc.
P.S. TENDRESSE :: messieurs; le toucher rectal ne dure que 15 secondes, comparativement à un examen gynécologique qui dure UNE ÉTERNITÉ (surtout quand y’a une petite infirmière comme témoin silencieux derrière le bon docteur, qui ne fait rien d’autre que te fixer le carrefour). Vu de même, le TR, c’est un tour de Super Manège.
La bise.