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Cours d’autodéfense

Un cours d’autodéfense pour reprendre confiance

Athéna propose des cours d’autodéfense réservés aux femmes.

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« J’aimerais apprendre à me défendre. »

Dans un gymnase rempli de punching bags rouges, une quinzaine de filles patientent en tenue de sport. D’âges et d’origines variés, elles échangent des sourires timides en attendant le début du cours d’initiation à l’autodéfense.

Quand elle a vu l’annonce sur Instagram, Christina, une esthéticienne de 22 ans, a décidé de saisir l’opportunité. Elle a toujours voulu suivre un cours d’autodéfense, sans trop savoir où chercher. Quant à Shan, elle est infirmière, et fait déjà partie d’un club de boxe. Elle était curieuse d’apprendre de nouvelles techniques de défense pour renforcer son sentiment de sécurité.

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L’instructeur ne tarde pas à arriver, saluant ses nouvelles recrues une par une. Émil, la vingtaine, est l’instructeur et fondateur d’Athéna, une école d’autodéfense pour femmes. Boxeur de formation, il a créé cette école il y a un peu plus d’un an pour « aider les femmes qui veulent apprendre à se défendre », après que plusieurs personnes de son entourage ont subi des agressions.

Depuis, il offre des formations qui s’étendent sur plusieurs semaines et des cours d’initiation gratuits, qui rencontrent énormément de succès.

L’insécurité au quotidien

Émil invite les participantes à le rejoindre sur le parquet. Après s’être présenté, il demande : « Qui a déjà pratiqué des arts martiaux ? » Deux mains se lèvent. « Qui s’est déjà senti en insécurité ? » La majorité des participantes se manifeste.

« C’est difficile de se sentir en sécurité dans les rues, surtout quand il fait noir. On a l’impression de se faire suivre », me confie Shan. La Montréalaise de 26 ans préfère parfois s’habiller « plus comme un homme » pour avoir « moins de chances de se faire agresser ».

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Christina admet également qu’il n’est pas toujours facile de marcher seule dans l’espace public, surtout lorsqu’elle entend les « histoires d’agression » rapportées par les médias. « C’est l’une des raisons pour lesquelles je veux apprendre des techniques pour me défendre », explique-t-elle.

Si certaines participantes viennent par « prévention », d’autres se rendent au cours après avoir vécu une agression ou du harcèlement.

Face à ses élèves, Émil explique que l’objectif est qu’elles repartent du cours avec « trois gestes bien effectués et faciles à retenir ». Contrairement à ce que l’on voit dans les films, « un ou deux coups peuvent suffire à mettre fin à une agression », avance le coach.

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Pour commencer, Émil montre la bonne position à adopter avant de frapper. « C’est la garde, c’est super important », insiste-t-il. Plaçant son pied droit en arrière et son pied gauche en avant, les participantes l’imitent. « C’est ce qui va permettre de donner de la force à un coup. »

L’instructeur effectue ensuite le premier geste, un coup de la paume vers le visage d’un assaillant. Après quelques répétitions dans le vide, Émil propose aux participantes de s’exercer à deux sur les sacs de frappe disposés à travers la salle.

Les filles se dispersent dans l’espace avec un enthousiasme bruyant. Aux sons des sacs frappés se mêlent leurs éclats de voix, elles qui ne se connaissaient pas il y a quelques minutes à peine. Avec ma partenaire de frappe, nous alternons les coups dans une joie partagée. « C’est tellement satisfaisant ! », lance-t-elle avec un grand sourire.

Découvrir sa force

Beaucoup de participantes n’avaient jamais frappé quelque chose auparavant. « Au début, je me retenais un peu », admet Maïté, étudiante en journalisme à l’UQAM. « J’ai l’impression que c’est réservé aux hommes de se servir de sa force », ajoute-t-elle.

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Il s’agit aussi d’une découverte pour Christina, qui ne « pensait pas avoir autant de force ». L’esthéticienne dit avoir été surprise de l’intensité qu’elle mettait dans ses coups, y allant de « plus en plus fort ».

Pendant ce temps, l’instructeur circule parmi les rangs pour s’assurer que le geste est bien effectué par les participantes. Muni d’un coussin sur l’épaule, il demande à ses élèves de le frapper « aussi fort qu’elles le peuvent ». « Encore, encore », les encourage-t-il, alors que certaines craignent de lui faire mal. « Au début, j’avais peur de lui taper dessus, mais après, je me suis dit qu’il a fait ça toute sa vie », s’amuse Christina.

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« C’est sûr que certaines participantes se restreignent dans leur force, parfois en raison d’un petit blocage mental », observe Émil. Souvent, l’instructeur constate une grande évolution entre le début et la fin de la formation : « L’intensité qu’elles mettent est vraiment différente », se réjouit-il.

« Moi, j’aimerais qu’elles sachent c’est quoi, frapper vraiment fort pour que si jamais ça arrive, elles puissent le faire sans problème. »

User d’une force nouvelle semble plaire aux participantes : « Ça fait tellement du bien de se sentir puissante », exulte Maïté en se défoulant contre le sac de frappe. Christina opine dans le même sens : « Ça m’a permis de dégager ma rage intérieure et de me vider l’esprit. C’est vraiment soulageant. »

Après une pause, Émil propose de montrer un nouveau geste.

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« Quelle autre partie du corps peut-on frapper pour se défendre ? », demande l’instructeur. Silence. « Un indice : seuls les hommes en ont ». Rires étouffés. Une participante ose timidement : « Les couilles ? ». Émil acquiesce : « Oui, les testicules », déclenchant l’hilarité générale. Le coach montre alors comment frapper avec le pied, avant que les participantes ne retournent à leur punching bag pour s’exercer.

Gagner en confiance

Interrogé sur l’efficacité de ces cours d’initiation, Émil avance que « même si les gestes ne sont finalement pas utilisés, les participantes gagnent en confiance ». Dans d’autres cas, les techniques apprises peuvent servir en situation réelle, comme c’est déjà arrivé à d’anciennes élèves.

« Étant petite de taille, je ne pensais pas que je pouvais me défendre », raconte Christina. « Mais j’ai appris que certaines techniques existent, et qu’il est possible de ne plus avoir peur. »

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Shan rappelle toutefois que la capacité à se défendre dépend de chacune. Tandis que certaines seront en mesure de riposter, d’autres pourront tout aussi bien paralyser, un mécanisme de protection courant face à une agression.

Il ne faut pas oublier que les « agresseurs sont les principaux concernés », rappelle Christina. Le meilleur moyen de lutter contre les agressions reste « l’éducation au consentement et au respect de l’autre », estime également Shan.

Après avoir appris comment sortir d’une saisie du poignet, le cours se termine sur un exercice « un peu plus le fun » : une prise de judo. Si le geste n’est pas vraiment adapté à l’autodéfense, il s’inscrit dans la démarche de prise de confiance, explique Émil. « C’est un mouvement technique et impressionnant, et je veux qu’elles réalisent qu’elles sont capables de le faire. »

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Une volontaire s’avance sur le tapis, saisissant l’instructeur par l’épaule et le bras comme il le lui a indiqué. Lorsqu’elle le projette au sol en le faisant passer par-dessus son dos, un court silence s’installe, suivi des rires et des applaudissements de toute la salle.

Après deux heures de cours, les participantes quittent le gymnase, satisfaites. « J’ai vraiment, vraiment adoré », se réjouit Christina, heureuse de s’être défoulée et d’avoir fait des rencontres. Maïté repart avec une image forte : « Voir toutes ces filles frapper ensemble dans des sacs, c’était une scène que j’avais besoin de voir. »

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