Nouvel exemple du manque d’écoute chronique des gouvernements vis à vis la culture indépendante montréalaise; on apprenait cette semaine que plusieurs disquaires indépendants du Mile-End avaient reçu des amendes de plusieurs milliers de dollars pour être restés ouverts après 17h.
Phonopolis, Sonorama, La Rama, tous sur la rue Bernard dans le Mile-End, ainsi que La Fin du vinyle, rue St-Laurent, ont en effet reçu le 13 avril dernier (jour du Record Store Day) tout juste passé 17h la surprenante visite d’un inspecteur du Gouvernement du Québec. Sans avertissement préalable, ils se sont vus remettre près de 3000$ d’amendes chacun.
Petit rappel : le Record Store Day c’est une journée annuelle de promotion célébrée par des centaines de magasins de disques partout en Amérique et en Europe, avec la participation d’artistes et de maisons de disques, et qui vise ironiquement à valoriser le travail des indépendants dans une industrie en difficulté devant la montée du téléchargement et des ventes sur internet.
Comme l’explique Jordan Robson Cramer, propriétaire du Phonopolis, disquaire émérite et accessoirement membre des groupes Magic Weapon, Miracle Fortress et Sunset Rubdown, « présentement notre plus grand compétiteur c’est Amazon; ils sont toujours ouverts et ne paient pas de taxes ou de loyer. Spotify ne paie même pas les musiciens! S’acharner sur nous maintenant c’est vraiment ridicule. »
« Ces inspecteurs appliquent des règles qui ont étés écrites à une autre époque pour HMV ou d’autres grosses corporations alors qu’on est un disquaire indépendant. En plus, tu peux aller chez Archambault ou Renaud-Bray jusqu’à 22h pour acheter des vinyles; ils sont considérés comme des librairies donc ces règles ne s’appliquent pas à eux. »
Le timing de tout ça semble en effet on ne peut plus mal choisi; Montréal nage dans une crise de prédation immobilière qui voit ses commerces indépendants autant que ses petites salles de concerts tomber comme des mouches. La Ville de Montréal est d’ailleurs en train de tenir des consultations publiques à ce sujet en réponse au grand nombre de locaux vacants sur ses artères commerciales, dont la rue Bernard fait évidemment partie. « On a beaucoup d’interrogations sur le timing de tout ça. Le quartier connait une grande crise des loyers, des promoteurs reprennent un paquet de baux et vont jusqu’à tripler les loyers, y’a plein d’évictions… ça semble ciblé un peu. »
Pour Jordan, tout ceci est en effet un non-sens complet. Ouvert depuis 2011, il n’avait jamais entendu parler d’un tel règlement. Lui et tous les autres commerces concernés ont plaidés non-coupable, et comptent porter la cause devant les tribunaux. « Nous allons contester la loi. Pour des disquaires indépendant c’est même pas une question de profits, vraiment juste une question de survie. Au printemps et en été on fait souvent la moitié de notre chiffre d’affaire du jour après cinq heures; ce serait même physiquement difficile de fermer le magasin à cette heure, il est plein, c’est le moment où les gens débarquent!
De toute façon, on peut pas payer les effraction. Pour un petit commerce comme le nôtre ça constitue une dépense énorme. Ça nous couterait nos emplois. Et en même temps, comme notre entreprise au complet c’est moi et deux autres employés, aller contester une loi devant les tribunaux c’est beaucoup de temps et d’énergie qu’on n’a pas. »
Seule lumière au bout de ce tunnel de bureaucratie kafkaïenne; la loi en question pourrait ne pas s’appliquer aux disquaires. Elle comporte en effet des exemptions pour les commerces qui vendent des antiquités et des œuvres d’art, ainsi que pour ceux se trouvant dans une zone considérée touristique. Des statuts dont les commerces concernés vont chercher à se prévaloir.
Autre développement positif : Ruba Ghazal, députée de Mercier pour Québec Solidaire, a sommé le gouvernement Legault de se préoccuper de la question hier. La mairesse Valérie Plante a fait de même sur son compte Twitter, et compte profiter des consultations en cours pour se pencher sur le problème.
Petite suggestion en attendant: Noël approche.
Encourageons nos disquaires indépendants.
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