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Un clip magnifique et énigmatique pour Mon Doux Saigneur

«Hook bleu» pour vos oreilles et vos yeux.

Par
Barbara-Judith Caron
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On a pu le voir (« voir »… c’est évidemment une façon de parler si vous étiez installés quelque part passé la deuxième rangée et mesurez moins de 6 pieds 8) au bar Le Saint-Graal, la fin de semaine dernière à Santa Teresa. Mais aujourd’hui tout le monde aura une vue imprenable sur Mon Doux Saigneur et son nouveau clip Hook Bleu. Beau et énigmatique.

À défaut d’avoir un accès facile à un lac ou une rivière, URBANIA a mangé un scone aux BLEUets un peu gras (mais délicieux) avec Emerik St-Cyr Labbé et Charles-André Coderre, réalisateur spécialisé en cinéma expérimental contemporain à qui on doit aussi le visuel du dernier spectacle de Jerusalem In My Heart où il fait un solo… de pellicules. Rencontre avec deux pas plates.

Comment vous êtes-vous rencontrés? J’aimerais ça que ce soit une histoire romantique, du genre « Quand j’ai vu Désert [long-métrage de Charles-André Coderre et de Yann-Manuel Hernandez], j’ai tout de suite su que je voulais travailler avec Charles…» !

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Emerik : Ben tu vas être contente, c’est pas mal ça en fait! J’ai vu le travail de Charles dans un show de Jessica Moss au bar Le Ritz PDB il y a quelques mois, il travaillait avec 4 projecteurs, il faisait spinner des pellicules 16mm dans les airs, pis c’était super touchant. Les images projetées sur le backdrop allaient tellement bien avec la musique! J’étais trop gêné pour aller lui parler, j’avais bu du vin, mais ça m’a donné envie de faire un clip. Et quand j’ai discuté de ça avec ma gérante, elle m’a dit : pourquoi tu lui écris pas?

Charles : Quand il m’a contacté la première fois, je venais d’avoir mon enfant, mais il m’a relancé un peu plus tard et j’ai senti que c’était mon call pour me remettre au travail!

Emerik : Quand j’ai compris que pour Charles, l’utilisation du 16mm ce n’était pas juste un stunt, que c’était un choix, je me suis dit que ça ressemblait un peu à nous autres en musique, quand on parle de guitare, d’équipement et de micro des années 30 et qu’on trippe ben raide de savoir que ce matériel-là a deux fois notre âge. J’aimais l’idée que la personne qui s’occupe du clip allait le faire avec le même esprit.

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Ça tranche pas mal avec l’esthétique hyper léchée, du HD sur les stéroïdes…

Emerik : Moi faire des clips où je dois faire du lypsinc, j’ai de la misère à trouver un enthousiasme dans ça, alors ça renforçait aussi la volonté de faire un clip hors-norme. Les images du clip sont très photographiques, ça rappelait les photos qu’il y a dans la pochette de l’album, qui sont des photos de mon père. Tu (Charles) te serais sûrement bien entendu avec mon père d’ailleurs. J’étais content que la toune fasse parler le clip et que le clip fasse parler la toune.

Charles, quand votre film Désert est sorti, tu disais en entrevue avoir particulièrement apprécié le travail d’Andrew Beaudoin, le concepteur sonore, parce qu’il était arrivé à se coller à votre univers. Là tu te retrouves dans la situation inverse. Sentais-tu la pression?!

Charles : Comme c’est Emerik qui a communiqué avec moi pour le clip après m’avoir vu avec Jessica, ça m’a mis en confiance. Il m’a vu faire de l’expérimental avec une artiste qui navigue dans les mêmes eaux sur de la musique instrumentale. Mettons que je savais que c’était quelqu’un d’ouvert d’esprit (rires). Il savait dans quoi il s’embarquait! Il m’a vu évoluer dans mon élément, je sentais qu’il me faisait confiance.

Et ton premier flash pour le clip, c’était quoi?

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Charles : L’idée c’était de jouer avec l’anonymat, de créer un personnage à l’image de Mon Doux Saigneur qui a un masque…

Emerik : … oui un masque de chat!

Charles : Alors il y avait cette idée de cacher son visage. Ce que la directrice artistique a fait en créant le masque du clip. Un beau défi! Dans le fond, moi j’ai accroché sur certaines paroles de la chanson, au final ça n’a pas vraiment rapport avec ce qui est dit dans le texte, mais je voulais recréer un univers à partir de là, ce qui a donné le masque avec des boîtes de conserve, des hameçons. Un genre de leurre finalement.

Emerik : Dès le départ, on a abordé la question de l’anonymat. Cette toune-là dans ma tête quand on l’a commencé, avant même que je joue de la guitare dessus ou que j’ai une idée des paroles, je voulais que ce soit plein de pep comme toune. J’avais fait un beat et appelé le fichier « wannabe disco », j’avais besoin d’une toune de bonne humeur! J’étais triste, j’avais perdu mon père et ce que j’écrivais c’était vraiment dark. J’avais le goût de penser single, d’essayer ça. C’est quand même resté une toune champ-gauche, mais ça reste la plus colorée de l’album! Pis finalement, ça vire en espère d’afro-beat.

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Tout ça pour dire qu’une fois que ta toune est faite, après tu dois la présenter, en show ou en clip. Mais j’ai toujours un peu de misère avec ça. Souvent quand tu regardes un.e artiste qui présente ses affaires, tout ce que tu vois c’est sa face! Là je voulais qu’on s’arrête à l’art. Le masque du clip c’est de l’art, la guitare c’est de l’art, la musique c’est de l’art, les graffitis c’est de l’art! Je voulais que ce soit ça qui soit mis de l’avant, pas ma face! On voit quand même des flashs de ma face, pour moi c’était suffisant. Une manière de rappeler qu’il y a un artiste derrière la toune.

Des boîtes de conserve, de l’art, des flashs de face. De quoi d’autre t’es-tu inspiré?

Charles : J’ai évidemment écouté la chanson plusieurs fois. J’ai lu des trucs sur le projet, regardé des photos. Mais j’avais aussi certaines idées que je voulais tester depuis longtemps. Une lentille que je voulais essayer et qui était parfaite pour ce projet, mais aussi à propos du masque. Il y a un film que j’adore de Ben Rivers [NDLR https://vimeo.com/143020621] dans lequel un gars porte un costume en boîte de conserve et il se fait tirer dessus partout au Maroc… En tout cas, c’est un film un peu obscur! Ce masque-là, ça faisait un bout que je l’avais en tête et je trouvais que ça fittait avec cette idée d’anonymat et que ça fonctionnait bien avec le médium du 16mm. On parlait aussi d’une surface qui réfléchit la lumière, le masque métallique était parfait pour ça. Ça allait bien fonctionner aussi avec le côté granuleux de l’image. Avec une image ultra nette HD, on aurait vu toutes les coutures du masque, j’ai l’impression que ça aurait sonné faux.

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Tu fais du cinéma dans la vie, aimes-tu ça faire des clips?

Charles : C’est sûr! Ce sont de petits courts métrages. Tu réunis une équipe, c’est intense de courte durée, c’est quelques semaines et après tu passes à autre chose. Ça te donne l’occasion de te frotter à l’univers de quelqu’un d’autre. Ça c’est l’fun

Emerik : Et c’était l’fun aussi de mon bord. On part un matin, on va à Verdun et… ben… on se dit on verra ce qu’on va faire avec ça!

T’es pas un control freak! Tu t’es abandonné on dirait…

Emerik : Il y avait une structure, mais on a aussi improvisé. Tsé au au début j’avais eu l’idée d’être tout nu avec un feu dans la neige et de pitcher du sang partout. Mais finalement je me suis dit : ben voyons, c’est pas moi ça! J’ai vu le dernier clip de Childish Gambino, j’aurais aimé que ce soit quelque chose dans cet esprit, mais je ne peux pas driver un projet comme ça. Je voulais que ça fesse, mais je ne savais pas comment. Je voulais un crucifix avec un bout cassé en faisant une danse avec des singeries autour. Finalement, je suis immobile, masqué, mais c’est tellement plus moi! Alors tu vois, il n’y a jamais eu de truc fixe à 100%. Jusqu’à ce que quelqu’un crie «action»!

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Charles : C’est pas mal mon contexte général de travail! C’est rare que je travaille dans un cadre très strict, quoique ça ne me dérange pas de le faire quand ça se présente.

Emerik : En tout cas, je peux te dire que tout le monde était focus, sauf moi. Moi j’étais celui qui jouait avec l’arc à flèches!

Mon Doux Saigneur sera en spectacle aux Francofolies de Montréal le 9 juin au Club Soda en première partie de Canailles.

D’ici là, on l’écoute ici.

On peut le suivre ici ou ou .

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