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Le congrès d’Option nationale s’est prononcé il y a quelques jours en faveur d’une rémunération pour son chef (que je trouve personnellement plutôt bon chef). C’était une évidence pour certains, ça demeure une interrogation pour d’autres. Scandale éhonté ou bonne idée? Voyons voir.
Combien vaut un chef de parti, voilà une question sans réponse unique. Ça dépend du chef et du parti. Et de la partisanerie à laquelle il est impossible d’échapper dès qu’on parle politique. Pour ma part, je considère que certains chefs mériteraient juste une bonne tape dans le dos et un retour à leur occupation d’avant la politique. Pour ceux qui n’ont fait que de la politique toute leur vie, juste la tape (un peu plus forte d’ailleurs).
La question qu’un parti doit se poser, quand son chef ne siège pas à l’Assemblée nationale, est plutôt simple: préfère-t-on un chef qui gagne sa vie en travaillant dans un autre domaine et qui ne s’occupe du parti que dans ses temps libres, ou un chef qui se consacre à temps plein au parti et qui en fait en quelque sorte sa profession en attendant d’être élu? Avec son appartenance au groupe sélect des cinq partis politiques nationaux au Québec, Option nationale a décidé que la deuxième option était préférable.
Ne pas comparer des pommes avec des citrons
La pratique en soi n’est pas nouvelle pour les chefs qui ne sont pas élus et qui travaillent néanmoins à temps plein pour leur parti. Le Parti québécois l’a fait dans le passé et le Bloc québécois le fait actuellement.
Mais là où certains fins observateurs ont erré, c’est dans les comparaisons avec le salaire que Jean Charest a reçu de son parti pendant plusieurs années, salaire que j’avais moi-même dénoncé à l’époque. Soyons sages et analysons les deux cas.
Cas 1: Un premier ministre qui reçoit « discrètement », pendant 10 ans, un salaire additionnel d’une source autre que les fonds publics. Quand la nouvelle sort par accident, le malaise immense qu’elle crée le force à renoncer à son salaire additionnel (du moins, nous a-t-il dit).
Cas 2: Un chef de parti qui ne siège pas à l’Assemblée nationale, qui fait entériner son salaire par le congrès national du parti avant de toucher le moindre sou, et qui le fait ouvertement devant les médias présents au congrès. On y spécifie aussi que le salaire cessera d’être versé dès que le chef retrouvera son siège à l’Assemblée nationale.
Si quelqu’un trouve encore que les deux cas sont vraiment comparables, je pourrais parier avec d’assez bons odds sur ses allégeances politiques.
Et que dire d’un député en poste qui fait des conférences à 20 000$ pour parler… de politique? Ça c’est autrement discutable. Je fais le tour des universités et collèges du Québec pour parler de politique et jamais il ne me serait venu à l’esprit l’idée de charger le moindre dollar pour ces conférences. Ni même demander un remboursement de déplacement. Ah Justin, Justin, Justin. J’espère qu’il donne un good show au moins.
Le fameux salaire minimum
Le symbole sur lequel mon salaire en tant que chef a été basé est celui d’une personne qui travaille à temps plein en politique active, i.e. un député. Dans l’explication de la chose, j’ai utilisé une métaphore qui disait qu’au nombre d’heures travaillées, on parlait presque du salaire minimum. Vous pensez bien que les plus curieux se sont mis à calculer.
Capsule linguistique: Une métaphore est un procédé de rhétorique par lequel on transporte la signification propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue (Larousse). Fin de la capsule.
Au salaire de base de député, il faut travailler pratiquement 24 heures par jour pour parler du salaire minimum. D’où le terme métaphore qui visait davantage à souligner le fait que les heures sont nombreuses, de jour comme de soir, en semaine comme en fin de semaine, lorsque l’on est chef de parti qui ne refuse aucune occasion de faire connaitre sa plateforme. Et pour satisfaire les curieux ci-mentionnés, le véritable salaire horaire à l’aune du temps investi se rapproche davantage des 20 dollars que du salaire minimum (qui passera à 10,15$ dans quelques semaines).
J’avoue, il y a des métaphores meilleures que d’autres. Comme par exemple: le Québec doit faire son LIT (Lois, Impôts, Traités). Ça c’est une bonne métaphore.
Se donner les moyens
Quand un parti politique en montée veut mettre toutes les chances de son côté, il se doit d’avoir certaines personnes qui en font leur occupation première, à commencer par la chefferie, la direction générale, et la direction des communications. Au milieu de sa deuxième année d’existence, Option nationale a déjà parcouru un chemin phénoménal compte-tenu des moyens limités à sa disposition et il lui faudra au cours des prochaines années agrandir son équipe permanente et salariée. Le militant demeure certes à la base de la vitalité d’un parti, mais il faut aussi une administration et une organisation minimales qui viennent du personnel employé. Des bénévoles qui étudient ou travaillent ailleurs ne peuvent tout faire, c’est bien normal.
En bout de ligne, la meilleure façon de convaincre les gens que c’est une bonne idée de payer un ou une chef pour qu’il ou elle se consacre au parti à temps plein en attendant son élection, c’est qu’il ou elle en donne pour son argent et fasse avancer les idées du parti. Sur ce plan, je pense ne pas me tromper en disant que je mets tout ce que j’ai pour mériter ce signe de confiance. D’ailleurs, je dois vous quitter, je suis attendu aujourd’hui en Estrie pour quelques entrevues, une ou deux rencontres, deux conférences devant des étudiants et une activité militante en fin de journée avant de revenir chez moi tard ce soir.
Oui c’est plus que le salaire minimum, mais c’est tout de même beaucoup de travail. Et quand on aime ce qu’on fait, tout le monde en sort gagnant.