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Un chariot pour les sans-abris: est-ce une bonne idée?

Protéger ses biens personnels, ça peut être difficile quand on vit dans la rue. Mais un chariot de luxe est-il la bonne solution?

Par
Pier-Luc Ouellet
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On a tous en tête le cliché de l’itinérant qui se promène avec son panier d’épicerie. C’est d’ailleurs pour ça que les épiceries tendent à faire les maudits paniers dans lesquels il faut mettre 1$, et comme je suis un jeune homme moderne qui paie habituellement avec son téléphone, je me retrouve à transporter toute mon épicerie en équilibre dans mes mains, genre le Cirque du Soleil version Maxi.

Évidemment, les chariots d’épicerie ne sont pas idéaux pour les besoins des personnes en situation d’itinérance. C’est pourquoi des étudiants de la University of British Columbia travaillent depuis 2016 sur une version conçue avec ces besoins en tête. Ils présentaient récemment leur prototype : fait de bois et de matériaux composites, le chariot possède des freins, ainsi qu’un espace de rangement à serrure. L’idée, c’est de permettre aux itinérants de ranger leurs biens sans avoir peur de se les faire voler, et dans un véhicule qui leur appartient, contrairement au panier d’épicerie qui peut être saisi à tout moment.

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Mais est-ce que c’est une si bonne idée que ça? Et la gestion des biens personnels, est-ce vraiment un enjeu pour les personnes en situation d’itinérance? J’en ai parlé avec Guillaume Legault, organisateur communautaire au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).

Protéger ses biens quand on vit dans la rue

La première des choses que Guillaume Legault met au clair, c’est qu’on ne peut pas parler au nom de toutes les personnes itinérantes : «La gestion des biens, ça peut varier dépendamment du vécu de chaque personne, des ressources qu’elle utilise.»

Ceci étant dit, la gestion des effets personnels peut être complexe quand on est sans domicile fixe : «C’est sûr qu’il y a un certain nombre de personnes qui doivent vivre ce problème. C’est un enjeu qui se vit à Montréal également.»

Quand on doit dormir dans la rue, ou même quand on fréquente des centres qui n’acceptent pas nécessairement les gros sacs à dos ou les chariots, on court toujours le risque de se faire voler ses biens par d’autres itinérants, mais aussi par de simples passants… et parfois aussi par les policiers.

Quand on doit dormir dans la rue, ou même quand on fréquente des centres qui n’acceptent pas nécessairement les gros sacs à dos ou les chariots, on court toujours le risque de se faire voler ses biens par d’autres itinérants, mais aussi par de simples passants… et parfois aussi par les policiers.

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Car il y a une judiciarisation des sans-abri, explique Guillaume Legault. «Certaines opérations policières peuvent mener à des confiscations de biens ou au déplacement des personnes. Lorsque des personnes en situation d’itinérance occupent l’espace public, voire certains espaces vacants sur des terrains privés, et qu’ils se font interpeller ou déplacer par les autorités suite à une plainte ou autre, ils n’ont pas toujours la possibilité d’amener leurs biens avec eux. Ceux-ci sont alors à risque d’être jetés par les services de la Ville ou des sous-traitants privés chargés du nettoyage.»

Et ça, même le meilleur des chariots ne pourrait arranger ça.

Le chariot, une bonne solution?

Est-ce que ce chariot pourrait quand même être utile? Guillaume Legault préfère ne pas se positionner formellement pour ou contre, mais convient qu’il peut combler un besoin. Mais, il y a aussi des inconvénients: «Ces chariots-là permettent d’entreposer des objets d’une certaine valeur. Ils pourraient devenir une cible.»

«Ça doit faire partie d’une discussion plus large sur le droit des personnes en situation d’itinérance de se retrouver dans l’espace public. […] Au-delà des biens, ce que le RAPSIM revendique, c’est de donner accès à des endroits sécuritaires.»

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Il y a beau y avoir une serrure, il y a aussi des roulettes. Quelqu’un pourrait très bien partir avec un chariot et prendre tout son temps pour forcer la serrure à l’abri des regards.

Et nécessairement, c’est le genre d’initiative qui pourrait donner plus d’indépendance aux personnes en situation d’itinérance. Mais on prend aussi le risque que les personnes fréquentent moins les centres, ayant moins besoin de leur sûreté.

  1. Guillaume Legault mentionne d’ailleurs l’organisme le Sac à dos : «Eux, ils offrent un service de casiers pour que les personnes en situation d’itinérance puissent déposer leurs effets en sûreté. Ils offrent également un centre de jour, un service de boîte postale pour la correspondance…» Encore mieux que le chariot, et avec des vrais humains en plus!

Au final, le chariot des étudiants de l’UBC pourrait être une bonne idée. Mais il y a des problèmes plus larges à régler avant : «Ça doit faire partie d’une discussion plus large sur le droit des personnes en situation d’itinérance de se retrouver dans l’espace public. […] Au-delà des biens, ce que le RAPSIM revendique, c’est de donner accès à des endroits sécuritaires, que ce soit des centres de jour ou de soir, des sites d’injection supervisée dans certains cas, mais des lieux sécuritaires, particulièrement pour les femmes qui vivent beaucoup d’insécurité et des situations de violence assez tristes».

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