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Un appartement, deux locataires et presque trois ans de déboires
Le premier juillet arrive à grands pas, votre bail est fraîchement signé, vous le sentez dans toutes vos fibres: entre votre prochaine demeure et vous, c’est une véritable histoire d’amour qui se dessine.
Moi aussi c’est ce que je croyais en 2018 quand j’ai décidé d’emménager avec mon chum. Mais le conte de fées s’est vite transformé en cauchemar locatif. Et nous n’en sommes pas sortis sans égratignures.
Poqué, mais potable
On a commencé notre recherche assez tôt dans la saison. On a visité des dizaines d’appartements et un beau jour de mars, on a enfin trouvé l’endroit qui allait devenir notre chez nous. Le logement avait visiblement besoin d’un peu d’amour, mais avec l’aide de nos ami.e.s et un peu de peinture, ça allait faire la job.
Notre balcon arrière était plus magané que la présidence de Trump.
Une fois bien installés, ce «besoin d’amour» s’est finalement révélé être un problème de dépendance affective. Notre balcon arrière, caché par la neige lors de notre visite, était plus magané que la présidence de Trump, mais on s’est dit qu’on vivrait avec. Le reste de l’appartement était bien correct. Un balcon en moins, ce n’est pas la fin du monde.
Deux semaines à peine après avoir emménagé, nos proprios nous avisent que notre douche coule chez les voisins d’en bas et qu’ils doivent faire des réparations «mineures». Pas grave, on se trouvera un endroit pour se laver quelques jours… Ce n’est qu’une fois le bain arraché qu’ils nous ont appris qu’ils manquaient de liquidités pour en acheter un nouveau.
Au bout de deux semaines à squatter la douche d’un ami, on a finalement avancé le loyer pour avoir un bain chez nous. Ça partait mal, mais on se disait que ça ne pouvait pas vraiment être pire.
Ça peut toujours être pire
On a coulé des jours heureux pendant quelques mois, mais l’hiver nous réservait d’autres surprises.
Par une nuit bien froide, alors qu’on s’apprêtait à plonger dans un sommeil profond, on s’est mis à entendre des grattements. Grattements n’est probablement pas le mot juste, on aurait plutôt dit qu’il y avait un chantier de construction avec beaucoup de marteaux-piqueurs juste au-dessus de nos têtes. Des écureuils avaient installé leur pénates dans le plafond et étaient fermement décidés à nous empêcher de dormir. La nuit d’après, et pendant les quatre mois qui ont suivi, ce petit manège a continué sans relâche et nous a forcés à condamner notre chambre à coucher.
On s’est mis à entendre des grattements. ou plutôt un genre de chantier de construction avec beaucoup de marteaux-piqueurs.
Ça aura pris quatre mois de colocation non consentante avant que nos propriétaires finissent par accepter de contacter un exterminateur. C’est donc à bras ouverts qu’on l’a accueilli à quelques reprises avant qu’il ne décide de faire un trou dans le plafond de la chambre pour avoir accès au comble. La manoeuvre n’a pas eu l’effet escompté et il n’est jamais arrivé à atteindre la famille d’animaux à relocaliser. Plutôt que plancher sur un plan B, nos proprios ont tout simplement tiré la plogue en nous disant d’attendre que nos copains à fourrure quittent par eux même à l’arrivée des beaux jours. «Quand ils partiront cet été, on va condamner l’accès au toit».
La nature étant ce qu’elle est, les écureuils ont effectivement sacré leur camp avec la chaleur. L’accès au toit et au plafond, par contre, n’a jamais été fermé. Pas plus que l’immense trou dans le plafond n’a été réparé. Résultat? L’hiver suivant, nos amis sont revenus avec un accès VIP à notre appart. Inutile d’ajouter que le trou dans la chambre était une source intarissable de brises glaciales.
Et parce qu’un malheur n’arrive jamais seul, c’est à cette même époque qu’une des fenêtres s’est brisée et m’est tombée sur les mains, telle une guillotine sur le cou de Marie-Antoinette.
Là, me suis-je dit, ça va faire.
SOS
À ce stade-là, on se sentait pas mal démunis. Le pire, c’est qu’on est malgré tout privilégié. Des taudis 100 fois plus exécrables existent au Québec, des gens doivent vivre dans des lieux insalubres et dangereux avec moins de ressources et moins de soutien que nous, bien souvent sans connaître leurs droits. Si mon chum et moi étions à bout, je n’ose même pas penser à la détresse dans laquelle ces personnes peuvent être plongées.
Dans notre quête de résolution, on est finalement tombé sur le centre d’entraide logement de notre quartier. Ce sont eux qui nous ont éclairés le plus dans nos premières démarches. Ils ont même rédigé, sans frais, une mise en demeure (la première étape à toutes procédures légales) pour inciter nos proprios à agir.
La réponse de nos proprios? Ils nous ont demandé de quitter notre appartement prétextant une reprise de logement et leur attitude envers nous est devenue particulièrement amère.
Peu importe, rendu là nous n’avions plus rien à perdre alors à l’échéance de la mise en demeure, on a enclenché les démarches: ouverture d’un dossier au Tribunal administratif du logement (a.k.a. la Régie du logement) et dépôt d’une plainte à la ville. On ne pouvait pas être représenté par un avocat pour ce dossier, cependant Justice Pro Bono nous a épaulés gratuitement dans toutes ces questions en préparation à l’audience. Le juge nous a donné raison et a ordonné à nos propriétaires de faire les réparations.
À l’usure
Notre aventure ne se termine évidemment pas là, sinon ce serait trop facile, t’sais.
Nos proprios ont déposé officiellement une demande d’expulsion au tribunal.
Non seulement les travaux n’ont jamais été effectués, mais en plus, nos proprios ont déposé officiellement une demande d’expulsion au tribunal. Cette fois-ci, on a eu besoin de l’aide juridique pour avoir accès aux services d’un avocat et garder notre toit (même s’il était troué.) Une fois ce dossier réglé, nous avons dû déposer une nouvelle demande à la régie pour non-respect de l’ordonnance pour les travaux.
Les travaux ont ENFIN été effectués. L’appart a été remis en état, juste à temps pour recevoir notre deuxième demande officielle en reprise de logement. Une demande parfaitement légale qu’on a quand même reçue, dans les circonstances, comme une claque au visage qui résonnait de mépris.
Ils vécurent heureux… ailleurs.
J’aurais aimé que cette histoire aie une fin héroïque, que David gagne contre Goliath au terme d’une lutte acharnée. La vérité, c’est qu’après deux ans de gentilles demandes, de négociations corsées, de passages au tribunal éreintants, de plaintes, de paperasse, d’angoisse et de gros stress, on a flanché et on a tout simplement déménagé. Si l’objectif était de nous épuiser, ça aura été terriblement efficace. C’est fou d’en arriver là juste pour faire valoir ses droits.
À travers tout ça, on a tout de même beaucoup appris sur nos droits en tant que locataire, sur toutes les ressources disponibles, sur notre réseau de soutien. On ne regrette rien. Aujourd’hui, chaque fois qu’on voit une histoire qui ressemble à la nôtre dans les journaux (et mettons qu’on a été servis cette année), on a envie de crier à tous les David: vous n’êtes pas seuls! On est avec vous! Des histoires à succès, il y en a.
Et on vous souhaite de tout notre coeur d’en faire partie.