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Un aller simple Québec-Longueuil pour Catherine Fournier

Rencontre dans le Vieux-Longueuil avec l'aspirante mairesse.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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«J’ai l’impression qu’il manque de choses qui nous rassemblent présentement», lance la députée indépendante Catherine Fournier, devant la magnifique église patrimoniale St-Mark située à l’ombre des arbres du parc du même nom dans le Vieux-Longueuil.

C’est ici que m’a donné rendez-vous l’ancienne péquiste, qui a récemment officialisé sa candidature à la mairie de Longueuil aux élections municipales de novembre prochain. Une première rencontre, même si elle a collaboré à URBANIA à plusieurs reprises.

J’ignore donc tout de ses habitudes en caféine, ce qui ne m’empêche pas de gentiment lui amener un latté du Péché matinal l’autre bord de la rue.

Une première bonne nouvelle m’attend en garant ma rutilante Matrix en face du parc: pas besoin de payer le parcomètre. «Stat. gratuit, mesure d’allègement reliée à la pandémie», peut-on lire sur la machine.

Bravo Longueuil, on te pardonne d’avoir donné ton nom à une horrible coupe de cheveux!

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Bravo Longueuil, on te pardonne d’avoir donné ton nom à une horrible coupe de cheveux!

Catherine Fournier accepte le latté et prend place à une distance sanitaire de moi, sur une marche de la rotonde verte au milieu du parc.

Comme un article nuancé et plus «éthique» m’obligerait à passer un coup de fil à son adversaire à la course à la mairie, l’ancien président de la CSN Jacques Létourneau, l’entrevue ne portera pas trop sur ses engagements et ses ambitions pour la Ville de Longueuil.

L’idée est surtout de connaître les motivations de la jeune femme de 29 ans, qui se lance dans une nouvelle arène politique, à l’heure où plusieurs la désertent pour diverses raisons, incluant le climat toxique sur les réseaux sociaux.

La principale intéressée ne cache toutefois pas qu’à six mois d’une élection à date fixe, les équipes politiques commencent à s’activer. «On s’organise, on monte une équipe. Ça devient une précampagne», résume-t-elle.

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Le parc est achalandé en matinée. Le décor est bucolique, avec le soleil radieux et cet enfant qui s’amuse avec une piñata suspendue à un arbre tout près. Seule ombre au tableau: l’assourdissante tondeuse en action sur la pelouse de la Maison de la culture de l’autre côté de la rue.

Et c’est un départ

«Il y a un conflit qui perdure à l’hôtel de ville, le climat est très difficile.»

Même si le départ de la mairesse Sylvie Parent l’a un peu prise par surprise, Catherine Fournier ne cache pas avoir amorcé une réflexion pour lui succéder dès l’automne dernier. «Il y a un conflit qui perdure à l’hôtel de ville, le climat est très difficile. Quand je voyais ça comme citoyenne, j’étais préoccupée», admet-elle, en lien avec la guerre ouverte entre la mairesse et son opposition, qui a même forcé l’intervention de Québec il y a quelques années. «J’arrive avec une nouvelle formation politique, ça peut être perçu comme dérangeant par certains», ajoute l’aspirante mairesse, au sujet de sa Coalition Longueuil-Équipe Catherine Fournier.

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Néophyte dans l’arène municipale, la plus jeune femme élue députée de l’histoire de l’Assemblée nationale (elle avait 24 ans) se défend de débarquer avec ses gros sabots en terrain méconnu. «Avant d’être députée, je ne comprenais pas trop le rôle des élus municipaux. Je m’y suis intéressée et je comprends mieux leurs enjeux grâce aux interactions que j’ai eues avec eux au fil des années», explique-t-elle, soulignant côtoyer de près les organismes locaux depuis son élection dans Marie-Victorin en 2017.

Cette proximité lui a d’ailleurs, selon elle, permis de faire sa marque dans le comté et d’être réélue en 2018, au terme d’une chaude lutte contre la CAQ. Elle était d’ailleurs la seule péquiste élue dans la grande région de Montréal, avant de devenir indépendante en 2019, jugeant que le PQ «n’est tout simplement pas le véhicule adéquat pour permettre au Québec de devenir un pays».

«Je ne vis pas dans un monde de licornes non plus, mais je rêve d’une politique de coalition pour vraiment faire avancer des idées.»

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Même si elle s’apprête à faire un deuil de la politique provinciale (sans trop s’ennuyer des allers-retours Longueuil-Québec), Catherine Fournier déplore la partisanerie ambiante dans le salon bleu. «Être indépendante m’a permis de prendre un pas de recul, de revenir à la base. Certains jours, je me demande ce que je fais là. Les débats sont stériles, en plus des chicanes et du tirage de couvertes. J’adore mon expérience, mais je suis très critique sur la façon de faire», avoue Catherine, qui s’engage à faire de la politique sans tomber dans la partisanerie ou en personnalisant le débat. «Je sais que c’est un spectacle, mais on n’est pas obligé de déchirer sa chemise et monter un scandale en épingle. Je ne vis pas dans un monde de licornes non plus, mais je rêve d’une politique de coalition pour vraiment faire avancer des idées.»

Pour montrer l’exemple, elle a d’ailleurs tendu la main à son ancien adversaire aux élections provinciales (l’ex-solidaire Carl Lévesque) pour un poste de conseiller au sein de son équipe.

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Retour aux sources

Toute aide sera la bienvenue, puisque les chantiers seront nombreux. À commencer par la base: intéresser les gens à la politique municipale, particulièrement à Longueuil, où le taux de participation en 2017 était un des plus bas à travers la province (33%). «Ça concerne pourtant 70% des services que les citoyens utilisent, c’est extrêmement concret», souligne Catherine, qui aimerait voir les municipalités se prononcer davantage sur des enjeux comme l’environnement, même s’ils ne relèvent pas directement de leurs compétences. «Les citoyens ne sont pas assez conscients des répercussions de la politique municipale dans leur vie. J’espère contribuer à démystifier cette réalité.»

Même si la ville est dirigée par deux mairesses depuis plus de dix, il reste selon Catherine beaucoup de travail à faire pour intéresser les femmes en politique municipale. «Il y a seulement 18% de mairesses au Québec. C’est pourtant le palier politique le plus propice pour la conciliation travail/famille, puisque tu dors chez toi», note-t-elle.

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Selon Catherine, les guerres de clocher, la corruption et les boys club qui se perpétuent ont sans doute pour effet de rebuter les femmes — voire les jeunes en général — à plonger en politique municipale. «Certains préjugés sont encore là, comme des concitoyens qui disent: ben là, on est tannés des femmes? A-t-on déjà entendu le contraire?», demande la députée, sans attendre la réponse.

«Je ne cache pas ressentir parfois de petites poussées (de cynisme), mais ce qui m’empêche de m’y abandonner, c’est l’espoir de changer les choses.»

Elle promet aussi de s’attaquer à l’absence de personnes racisées au sein du conseil municipal, loin de refléter une portion importante (20%) de la population issue de la diversité. «Il y a quatre femmes dans le conseil de ville au complet et aucune personne issue de la diversité. Pour moi, c’est juste anormal», tranche Catherine.

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Inspirée par des personnalités politiques comme René Lévesque, Christine Labrie (QS) et Véronique Hivon (PQ), Catherine Fournier veut faire sa part, en conservant une saine distance avec le cynisme. «Je ne cache pas ressentir parfois de petites poussées (de cynisme), mais ce qui m’empêche de m’y abandonner, c’est l’espoir de changer les choses.»

En dehors de la politique

La tondeuse vient d’arrêter. Ça fait du bien d’entendre le gazouillis des oiseaux. Un vieil homme s’approche de nous, tenant sa canne d’une main et sa clope de l’autre. «Est-ce que je peux t’adopter toi, je te trouve belle comme un cœur!», lance-t-il à Catherine. Celle-ci réplique avec aplomb avoir déjà des parents, jase un peu avec le monsieur, puis ce dernier repart content. «J’aime ça faire ça, je trouve ça l’fun. Je suis capable de jaser avec pas mal tout le monde», admet Catherine, qui n’est pourtant pas tombée dans la politique à la naissance.

«Avoir des ami.e.s à l’extérieur de la politique m’aide aussi à conserver une distance.»

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Elle a grandi à 20 kilomètres d’ici à Sainte-Julie, d’un père entrepreneur-électricien et d’une mère en hôtellerie. «Je suis l’aînée de la famille. Mon petit frère travaille avec mon père et mon autre frère est menuisier-charpentier. Avoir des ami.e.s à l’extérieur de la politique m’aide aussi à conserver une distance», avoue-t-elle.

Elle est aussi très proche de ses grands-mères, dont Clémence, une férue d’histoire de 81 ans qui a influencé ses champs d’intérêt. Son autre grand-maman a habité 13 ans avec elle et sa famille avant son décès, ce qui a assurément contribué à la sensibiliser à la réalité des personnes âgées.

On se quitte au moment où des employés des commerces avoisinants s’amènent pour profiter du soleil durant leur heure de lunch.

Avant de partir, je l’interroge sur la polarisation ambiante, notamment sur les réseaux sociaux. Un sujet qui la préoccupe grandement d’ailleurs. «C’était déjà latent, mais la pandémie a exacerbé tout ça. La ligne est de plus en plus mince entre l’opinion et la nouvelle, les médias traditionnels ont une responsabilité sociale», affirme-t-elle, ajoutant être en mesure de comprendre que plusieurs vivent des moments difficiles présentement et se servent peut-être des réseaux sociaux comme une soupape.

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Et parlant de pandémie, la jeune députée recevra son premier vaccin le 31 mai prochain. «J’ose croire qu’on approche d’une fin», espère-t-elle.

Une fin qui amorcera peut-être un nouveau début pour Catherine Fournier.