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Je vante souvent les vertus du « tas », celui qu’on fait avec des p’tits, le tout chaud du collé, des câlins; celui formé des autres qui nous poutrent, nous portent, font ce que nous sommes.

Y’a le tas amoureux, aussi, évidemment. Ce gluement avec l’autre, cœurs qui battent à l’unisson, papillons dans le ventre, harpe dans les oreilles et grand sourire cave sur la face [tu peux vomir dans ta bouche]. Le tas collectif. Tous ces autres grâce à qui on est ce que l’on est et où l’on est. Grâce à qui l’on peut. Des gens qui nous ont précédés, que l’on connaît ou pas.

Je suis reconnaissante de ces tas. Leur fonction, leur nécessaire. Ce que je leur dois et le bien qu’ils me procurent. Je les ai en tête en quasi permanence, même. Y’a eu beaucoup de fois, de longs moments de vie, en fait, où je les ai mis devant et tout autour de moi. Parce que nécessairement plus grands, plus importants. Parce que sans eux, je ne voyais pas tant ce que je serais. Ce que j’étais.

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J’ai aussi toujours eu un-peu-beaucoup peur d’un certain tuseul. Bien que ça ait ses vertus, là, le tuseul. Et de grandes. C’peut-être parce que j’en ai connu pas mal, de l’esseulement. Du creux, dans le fond de corps. Du vide. Du j’me tombe dedans. Et dans le tuseul, dans ce moment où tu te vois indépendamment de tous les tas du monde,
y’a juste toi.

Je sais, c’est une évidence de chez évidence, mais c’est bien parfois de se le dire à voix haute. Faut que tu te regardes, que tu chill avec ce que t’es. Mais quand tu sais pas trop ce que t’es, quand c’est ta pertinence à exister que tu questionnes et ne comprends pas, le problème, c’est que le tuseul y renvoie à rien. T’es rien. Une courroie de transmission des événements, au mieux. Quelque chose au travers duquel s’agitent des affaires, mais sans plus.

Alors. L’un des avantages du tas, c’est notamment de pouvoir se perdre un peu dedans. Ton unicité, tes frontières, ça se fond. Ça flou. Ça fait un lieu où se cacher. Sans que ça paraisse trop. Même toi, ça se peut que tu te le caches un peu que tu veux te cacher. Déni, on dit. L’affaire, c’est que quand ledit déni s’applique à tout ce que t’es, c’est pas évident, la vie. Son sens, ce que tu y fais, pourquoi tu y es. Ça ajoute un petit quelque chose à la chienne qui t’habite en permanence.

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Du coup, j’ai longtemps été une partisane de la fuite. Il y a plein de bonnes raisons de fuir, de ne pas s’obliger d’endurer. Sauf que. Se fuir soi-même, ça fait son temps. Pis c’est un peu difficile. Même si tu vas ailleurs, tu t’apportes, t’sais. Même si tu dors, tu te réveilles. Immanquablement. Même si tu te noies dans le travail, les à-faire, vient ce moment où tu la vomis encore plus, ta vie, à force de t’étourdir. Même si tu essaies de disparaître, de fondre en ne mangeant rien, ça fond pas vite de l’humain. T’es là. Tu restes là.

J’imagine que c’est possible de s’esquiver toute la vie. De ne pas se voir, de se fondre dans des tas, de les porter tout le temps au-dessus de sa tête pour éviter d’avoir à dealer avec soi. J’étais vraiment bien partie pour ça. Vraiment.

Mais je me suis tannée. De ce moi. Ou non-moi, c’est selon. De ne pas comprendre comment je pouvais prendre soin d’autrui, carer autant, m’inquiéter, mais tellement rarement pour moi. J’avais peur de prendre de la place, d’occuper mon bout d’espace humain. Je respirais à peine. D’un coup que j’aurais volé de l’air à quelqu’un, d’un coup que j’en aurais pris plus que ce à quoi j’ai droit.

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Ça fait que. Ça ne m’est pas tant clair comment, mais j’ai fait un tas de moé. J’me suis légitimée l’existence. Dans mes yeux. La phrase qui m’était la plus abstraite du monde « prends soin de toi » et qui référait juste à la question « faut-tu que je prenne un bain avec de la mousse? » s’est mise à signifier de quoi. A veut dire mange des affaires qui te font sourire en-dedans, prends du temps pour te bouger le corps, en fait, sacre ce temps dans ton horaire, dis « non » aussi, des fois, c’est ok que t’aies des limites. Dors plus que cinq heures par nuit. C’correct, y’a rien qui vaille vraiment la peine que tu sacrifies ça, à part whatever qui concernent les p’tits. Trouve-toi de quoi qui te fait du doux, à toué jours. C’est encore tellement frais comme manière d’être que je l’écris même avec un genre de retenue, de malaise, de peur que ça crisse le camp. Je mesure aussi le petit ridicule à pas être trop confortable et compétente avec des fonctions humaines de base. Mais fuck ça, le ridicule. J’ai du solide dans le fond d’être au lieu d’un trou. Y’a du beau pis du calme qui m’habitent. Je me suis même surprise à dire des choses comme « quand je vais être vieille ». Je n’y serais pas arrivée sans « les autres », les tas qui m’ont essentiellement protégée de moi et qui m’aidaient à me pulser le cœur quand j’y arrivais pas tuseule, quand j’en aurais raté un peu trop, des battements. Mais avec pas d’humilité du tout, je dois reconnaître qu’au final, c’est moé. Qui s’est ancrée. Qui s’est déployée. Qui a quand même tenu un journal du mange-dors-doux. Qui s’habite pis qui en est contente, au final. J’ai le tuseule un peu plus attrayant, le goût d’être là avec moi sur mon divan, de ne plus me fuir.

Pis sérieux, j’ai les yeux fermé serrés, le sourire large et juste parfait innocent, tellement c’est fun. Je pourrais écrire « vive la vie », mais j’irai pas jusque-là, quand même, ish, naon.

Chu proche, par exemple. Ben proche.

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