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Dans la nuit du 8 au 9 novembre, on l’a vu arriver.
Donald Trump: le nouveau voisin d’en bas. Un choc terrible. On scrute ses faits et gestes de la fenêtre d’en haut. Paraîtrait qu’il veut clôturer le jardin, jeter la trousse de premiers soins puis interdire la visite. Oh ben hey!
Ça fait qu’on tripote notre bonnet pis on se demande (d’une voix chevrotante): « Puis nous autres? Qu’est-ce qu’il va se passer avec nous? » On appelle donc l’ami de l’ami de l’autre, soit : Maxime Minne, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire de recherche Raoul-Dandurand.
Les réseaux sociaux nous parlent de catastrophe, de fin du monde de défaite de l’humanité. Au Québec, cette peur est-elle justifiée, nous concerne-t-elle concrètement? Le Québec est-il drama-queen ou lucide?
– Obama s’est exprimé justement pour calmer les esprits et laisser décanter les choses. Ce sera de voir ce qu’il va se passer après, à savoir quelle équipe il va y avoir autour de Donald Trump, comment la transition va se passer. Il ne faut pas non plus être trop apocalyptique. Il faut attendre de voir ce qui va être fait. Le Canada a des liens très étroits avec les États-Unis donc, forcément, les relations vont être regardées à la loupe à la lumière de ce que Donald Trump dit.
(Dans le fond, faut aller se faire un bon thé puis attendre qu’il défasse ses boîtes.)
À quel point Trump pourra-t-il faire ce qu’il veut? J’aimerais que vous nous résumiez la structure politique dans laquelle il arrive. En d’autres termes, s’il part sur une balloune, qui peut l’arrêter?
– Il faut voir la relation qu’il va avoir avec le congrès. On a Paul Ryan comme président de la chambre qui lui a un point de vue complètement différent de celui de Donald Trump. M. Trump est beaucoup plus proche des questions de protectionnisme que M. Ryan. Là encore, il va falloir voir comment la maison blanche et le congrès vont s’entendre. Ensuite, il faudra observer comment d’autres républicains au sein du congrès vont composer avec le nouveau président. Car rappelons-le, Trump a réussi à gagner son élection sans l’establishement du parti républicain. Dans le fonctionnement américain, il y a poids et contrepoids. Le président ne peut pas être un président tyrannique comme le congrès ne peut pas être tyrannique non plus, en théorie. Et je rappelle que dans deux ans on aura de nouvelles élections, les fameux « mid-terms », et là on va avoir la chambre des représentants qui va être complètement renouvelée et le tiers du sénat. Donc dans deux ans, il se peut très bien qu’on ait un congrès qui soit démocrate si Trump fait des erreurs.
(Bref, le voisin d’en bas: il va avoir des colocs)
Donc s’il a un projet en tête, ce serait quoi les étapes pour le concrétiser?
– Il faudrait déjà que ça aille en commission, en chambre, que ce soit débattu, qu’il y ait le vote, que ce soit renvoyé à l’autre chambre, que ce soit voté dans les mêmes conditions, puis ensuite que ce soit envoyé à la maison blanche en cas d’accord entre les deux chambres. Dans ce cas-là, quand il y a accord, le président a deux choix : accepter la loi ou poser son veto (ce qui ramène le dossier devant le congrès).
Donc le veto de Trump ne serait pas la dernière étape?
– Oui, ça se pourrait si Trump et le congrès ne s’entendent absolument pas mais alors ça créerait une crise politique très grave.
Quelles sont les promesses de Trump qui vont concrètement affecter le Québec et ont-elles des bonnes chances de se réaliser? Y’a-t-il une promesse qui pourrait être bénéfique pour le Québec? (insérer de l’espoir ici)
– Oh boy. Les promesses de Trump au niveau du Canada et du Québec… Eh bien le protectionnisme déjà c’est un danger. Prenons l’épineux dossier du bois d’oeuvre (secteur qui représente 5% de l’économie québécoise): depuis le 12 octobre 2016, l’accord datant 2006 concernant le bois d’oeuvre a pris fin. Tout est de savoir quelles vont être les négociations, sachant que si on n’aboutit pas à une négociation, on sera toujours dans une augmentation des tarifs douaniers pour les produits. La question va être de savoir comment faire en sorte que protectionnisme et nouvelles re-négociations des traités de libre-échange s’accordent.
Mais je suis vraiment désolé: je n’ai aucune note positive.
Aucun espoir?
Ce n’est pas qu’il n’y a aucun espoir, c’est que Donald Trump est imprévisible, on ne sait pas exactement ce qu’il va se passer. Le camp Trump n’était pas prêt à cette victoire-là, personne n’était prêt. Quand on voit que dans son camp on se préparait à rédiger un discours de défaite plus qu’un discours de victoire, ça donne un peu le ton.
Pour finir, Justin Trudeau a annoncé qu’il collaborerait avec Trump. Si dans les prochains mois Trump fait des sorties et des déclarations aberrantes, pourrait-on voir notre Justin national mettre son pied à terre au détriment de la bonne entente entre le Canada et les États-Unis?
– C’est une bonne question. C’est vrai qu’on peut se poser cette question-là dû au caractère imprévisible de Trump. Comme l’écrit Frédérick Gagnon (directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand) dans L’Incorrigible, un article que je vous conseille: il y a le candidat Trump et l’incorrigible Donald, les deux facettes du personnage. Donc là, Donald Trump doit cesser les frasques de l’Incorrigible et devenir ce qu’il est maintenant: président élu. Il doit donc endosser les responsabilités d’un chef d’État qui négocie avec les autres puissances mondiales, qui doit s’entendre sur un certain nombre de choses. Ce serait impensable pour un leader mondial de déferler de nouveau sur Twitter et lancer des tweets acerbes comme il a pu le faire pendant des années. L’important est de créer une transition qui soit saine et qu’ensuite la présidence des États-Unis deviennent la présidence de tous les Américains. Il faudra que Donald Trump s’exprime non pas pour lui ou pour le parti républicain, mais bien au nom de tous les Américains dans un dialogue apaisé pour adresser les dossiers qui se trouveront sur son bureau le 20 janvier 2017.
Pour en apprendre plus sur notre nouveau voisin d’en bas, même si on a déjà hâte que son bail finisse:
Mardi le 15 novembre à la BAnQ, la Chaire de recherche Raoul-Dandurand clôturera sa série d’événements liés aux présidentielles par une conférence intitulée « Changement de garde à Washington : À quoi s’attendre au cours des quatre prochaines années? » La conférence gratuite affiche déjà complet mais surveillez des places ou dates supplémentaires, sait-on jamais!
Pour continuer de lire sur l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche: « What the fuck, Trump? (8 articles à consulter pour mieux comprendre le drame électoral.) ».