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True Detective et le plaisir exquis de revoir une série encore et encore
Quand j’étais petit, ma mère refusait catégoriquement d’acheter des films en cassettes VHS.
«On l’a déjà vu ce film-là. Ça sert à rien de le revoir,» me répétait-elle sans cesse, de plus en plus éreintée par l’insistance de son p’tit dernier. «Garde donc ton argent pour des choses plus importantes». On avait un magnétoscope à la maison, mais c’était uniquement pour la location et les films de famille.
De 0 à 18 ans, j’ai trouvé la logique de son argument implacable. Au CÉGEP, j’ai arrêté d’attendre ce je ne sais quoi d’important sur lequel investir mon argent et j’ai acheté deux films usagés en VHS au club vidéo du coin: Fight Club et American Psycho. J’ai dû regarder le premier une cinquantaine de fois avant que la bobine rende l’âme et le deuxième à une quinzaine de reprises. Je suis vite devenu cette personne de votre entourage avec une large collection de films en DVD. J’en possède encore quelques-uns:
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Aujourd’hui, je regarde tous les films et séries que j’aime au moins deux fois. La série True Detective est devenue une tradition semestrielle pour moi depuis sa sortie en 2014. C’est un peu tout ce que je recherche dans une émission de télévision: sombre, atmosphérique, complexe, merveilleusement bien rendu par la distribution, etc. Il y en a pour qui c’est Dirty Dancing, d’autres pour qui c’est deux flics déprimés qui enquêtent sur des meurtres rituels. ¯\_(ツ)_/¯
Alors que je suis au milieu de mon énième marathon de l’oeuvre de Nic Pizzolatto, laissez-moi vous expliquer en quoi certains films ou séries ne font que s’améliorer à chaque visionnement. Alerte aux divulgâcheurs si vous n’avez pas encore vu cette géniale série.
tout revivre sous une autre perspective
Lorsqu’on regarde une série télévisée le moindrement complexe (au fond tout ce qui n’est pas tourné sur le même plateau semaine après semaine), c’est impossible d’assimiler toute l’information qu’elle nous balance au visage au premier visionnement.
Dans la première saison de True Detective, les enquêteurs Rust Cohle et Marty Hart se penchent sur le meurtre rituel d’une travailleuse du sexe en Louisiane. Ils arrivent très vite à connecter le crime à la disparition d’une enfant cinq ans plus tôt et entreprennent des recherches dans le voisinage qui, à première vue, ne mènent à rien.
Sauf que si vous avez vu la série plusieurs fois…
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…vous remarquerez peut-être que dans ce court plan (qui dure à peine 3 secondes), Rust cogne à la porte de la maison d’un témoin important qu’il n’aura finalement la chance de questionner que 17 ans plus tard. Il y prend LA photo qui lui permettra ultimement de résoudre l’affaire. À la première écoute, on cherche le tueur dans chaque plan comme Rust, mais à la troisième, quatrième, cinquième, on commence à mieux apprécier à quel point il est excellent dans sa job.
Si au premier visionnement on vit les événements au rythme du protagoniste, au deuxième on les vit en temps réel comme un conspirateur.
Un autre exemple moins subtil: la présence de l’influent révérend Billy Lee Tuttle dans le premier épisode change complètement de signification au deuxième visionnement. Si au départ, Tuttle se présente comme un habile politicien essayant de se servir d’un drame pour faire avancer ses intérêts, un visionnement éduqué nous révèle qu’il essaie carrément d’étouffer l’affaire. Si au premier visionnement on vit les événements au rythme du protagoniste, quand on en connait déjà les nuances, on les vit en temps réel comme un conspirateur.
Une parfaite gestion des attentes
Regarder un film ou une série pour la énième fois recèle un autre avantage : celui de revivre constamment ses moments préférés. Le buzz n’est peut-être pas identique à celui de la première fois, mais il est tout aussi agréable.
regarder un film ou une série pour la énième fois recèle un autre avantage : celui de revivre constamment ses moments préférés.
Par exemple, la fin du troisième épisode de la première saison The Locked Room (disponible dans la vidéo ci-dessus) est un de mes moments préférés de la série parce qu’il démontre à quel point Rust est différent des personnages de policiers qu’on voit plus habituellement à la télévision. À quel point il est psychologiquement détaché du monde des vivants depuis la mort accidentelle de sa petite fille. Les éléments de son discours sont illustrés par des flashbacks et des photographies, expliquant implicitement que sa philosophie nihiliste le rend particulièrement compétent dans son boulot. Ses élucubrations philosophiques sont la manifestation de son super pouvoir de détective.
«Je peux pas dire que la job m’a rendu comme ça. C’est plutôt le fait que je sois comme ça qui m’a rendu parfait pour la job », explique-t-il aux enquêteurs plus tôt dans la série.
J’ai juste à peser sur play et à recommencer la série pour que ce moment me frappe de plein fouet chaque fois. Peut-être qu’un jour, il cessera d’avoir autant d’effet sur moi, mais ça voudra simplement dire que mes goûts ont changé.
Désolé maman, t’avais pas raison.
Revoir son film fétiche ou sa série préférée, c’est important (après tout, j’en ai fait plus ou moins une carrière) et c’est plus facile que jamais à l’époque du streaming. Ça nous assure que même s’il y a rien de bon à la télé et qu’on est seuls à se tourner les pouces à la maison devant cette damnée pandémie, il y a toujours moyen de revivre de bons moments sous une nouvelle perspective.
Faites-vous donc plaisir en fin de semaine et retappez-vous votre série fétiche au complet!
Ou pas, si c’est Game of Thrones. C’est un peu long pour un weekend!