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Trouver l’amour, c’est plus dur à la campagne

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– « Hey salut, t’as l’air sympathique! Un verre ce soir, ça te tente? »

– « J’aurais aimé ça, mais… faut que je me lève à 5h demain matin pour faire le train. »

Trouver l’amour, c’est pas facile pour personne. Par contre, si vous êtes en ville, la probabilité qu’il y ait des célibataires dans un rayon de 5 km autour de vous est très élevée. Mais en campagne, quand les 5 km autour de vous représentent essentiellement vos terres agricoles, et qu’il y a nettement plus de poules que de poulettes dans votre code postal, le challenge monte d’un cran…

Pour un agriculteur, changer de région, c’est très difficile… surtout que dans certains cas, l’entreprise s’est passée de génération en génération.

C’est en constatant les difficultés que rencontraient les campagnards célibataires, et plus particulièrement les agriculteurs, que Luc Gagnon a lancé en 2001 le site Agrirencontre. Ça marche de façon assez standard: une photo, un profil. Mais il y a un prérequis à l’inscription : être agriculteur, ou être un amateur de la campagne et de son style de vie.

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Le webmestre précise qu’il n’y a pas que l’isolement géographique qui rend la séduction difficile. « Un agriculteur, en partant, sa mobilité est à peu près nulle parce que son entreprise est à un endroit précis. Pour lui, changer de région, c’est très difficile… surtout que dans certains cas, l’entreprise s’est passée de génération en génération. Il y a aussi la méconnaissance du métier d’agriculteur; on ne sait pas trop c’est quoi, ça fait un peu peur. Pourtant, la profession a changé considérablement: c’est encore beaucoup de travail, mais il y a des équipements qui permettent de faciliter les choses. La quantité de temps libre n’est pas énorme, mais ça aide à le dégager. »

La vie hors des villes dépend beaucoup de la météo.

Un exemple : aller au cinéma, en ville, ça peut être un plan de dernière minute. En campagne, ça implique une toute autre logistique…

Et bon, la vie hors des villes dépend beaucoup de la météo. Si les vacances étaient prévues pour juillet, mais que la pluie a repoussé les travaux pendant des semaines, adieu Cancun : il faut rester faire les foins.

Ça fait quand même de plus belles images que les Club Med.
Ça fait quand même de plus belles images que les Club Med.
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L’émission L’amour est dans le pré est l’une des plus écoutées au Québec, et apparemment, elle inspire quelques vocations. « J’ai remarqué qu’il y avait un peu plus de femmes plus jeunes qui s’inscrivaient sur Agrirencontre pendant la période de l’émission. On voit les agriculteurs d’une façon sympathique à travers celle-ci, et il faut dire qu’il y a une méconnaissance générale, on ne sait plus ce que c’est un agriculteur aujourd’hui. Si on remonte de deux générations, pratiquement tout le monde en avait au moins un dans sa famille! »

Le site célébrera cette année son 15e anniversaire avec une mise à jour. Avec un ratio d’hommes et de femmes près de 50-50 et des membres répartis sur toutes les tranches d’âge, les rencontres se multiplient et le bouche-à-oreille fait son oeuvre.

Véro + Nico

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Véronique est originaire de Sainte-Catherine-de-Hatley, se décrit absolument comme une fille de campagne, mais pas vraiment comme une fille du genre « site de rencontre ». À la mi-trentaine, avec deux enfants et le travail (des shifts de 12h de nuit)… on n’a pas le temps de niaiser, comme dirait l’autre.

Mais puisque ses amis et sa famille insistaient, elle s’est créé il y a quelques années un profil sur Agrirencontre. Elle a choisi ce site-là pour deux raisons : on lui a confirmé que les gens qui s’y trouvaient cherchaient quelque chose de sérieux, mais surtout… que c’étaient vraiment des gens de campagne.

« Je ne voulais pas rencontrer du monde de la ville qui passent beaucoup de temps devant le miroir le matin et pour qui l’apparence c’est ben important… Du linge pour sortir, j’en ai pas gros! Je suis quand même féminine, je suis une belle jeune femme, mais j’aime avant tout le travail physique et aller dehors. »

Elle a joué cartes sur table: sur sa photo de profil, elle portait le dossard qu’elle met quand elle travaille sur l’équipe de déneigement du ministère des Transports. Sa biographie était claire et complète.

«Les gens de la campagne, c’est deux types de personnes complètement différentes.»

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Et ç’a marché. En août 2015, elle commence à parler avec Nicolas. Des courriels, des téléphones, et finalement une rencontre. « Ç’a cliqué tout de suite. On s’est mariés au mois de mai dernier. »

Leur mariage champêtre était loin de l’image traditionnelle dont on s’en fait: oubliez les paniers d’osier et les couronnes de fleurs, et imaginez plutôt un mélange de steampunk, de quatre roues… et de robe de mariée qui finit trempée de boue. (Chouette vidéo si vous êtes curieux comme moi.)

C’est pas parce que c’est le jour de son mariage qu’on peut pas s’amuser.
C’est pas parce que c’est le jour de son mariage qu’on peut pas s’amuser.
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Une chose me frappe pendant que je parle avec Véronique: pour elle, c’est clair que les gens des villes et les gens de la campagne, c’est deux types de personnes complètement différentes.

« Selon ce que j’ai observé, les gens des villes n’agissent pas de la même façon quand ils cherchent à rencontrer, parce que pour eux, tout est trop facile. S’ils se chicanent avec une personne, il y en a 10 autres au coin de la rue qu’ils n’ont jamais rencontré de leur vie. En campagne, si quelque chose ne fonctionne pas, tu vas prendre le temps de régler les choses, tu n’abandonnes pas quelqu’un pour une banalité. Les gens savent que c’est rare et important une relation, et travaillent dessus. »

En campagne, apprendre à travailler sur une relation peut devenir plus nécessaire.

J’ai envie de renchérir, parce que je connais plusieurs citadins qui travaillent sur leurs relations et qui ne s’encombrent pas d’apparences chaque jour de leur vie. Mais je veux comprendre ce qui laisse cette impression, et en regardant quelques profils sur Agrirencontre, c’est vrai que j’en ressors avec l’impression que les biographies sont franches, et les photos, comment dire, honnêtes. C’est loin d’être péjoratif : j’ai pratiquement toujours l’impression d’avoir la personne en face de moi. Y’a pas tellement d’angles, de filtres, de poudre aux yeux.

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Et je comprends aussi qu’en campagne, apprendre à travailler sur une relation peut devenir plus nécessaire. Dans un village, on te dit chaleureusement bonjour au dépanneur et on s’arrête pour t’aider si tu as une crevaison, mais on cancanne aussi sur tes histoires amoureuses…

Ç’a l’air dur, l’amour à la campagne, mais des histoires comme celle de Véronique et Nicolas, il y en a beaucoup, faut pas se décourager.

Après le décès de son conjoint, il y a quelques années, Véronique avait mis une croix sur l’amour, s’estimait déjà chanceuse d’avoir vécu quelque chose de beau. « Mais maintenant, je vois que si ça n’était pas arrivé ma rencontre avec Nicolas, je ne serais pas comme je suis aujourd’hui. Pouvoir être toi-même tout le temps avec quelqu’un, c’est tellement un cadeau rare! C’est important de rester authentique. Être dans un couple solide, c’est le plus beau cadeau que j’ai eu. »

Faits divers sur l’univers du dating en campagne

«L’homosexualité en campagne, ça fait encore partie des tabous.»

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  • C’est plus difficile pour la communauté LGBT. Les utilisateurs d’Agrirencontre recherchant un partenaire du même sexe qu’eux mentionnent parfois à Luc Gagnon qu’ils n’ont pas beaucoup de choix sur le site. « L’homosexualité en campagne, ça fait encore partie des tabous. Il y a plus d’ouverture qu’il y en avait, mais ça demeure difficile. Il y a une certaine gêne de s’afficher qui persiste », dit-il.
  • Les commissions scolaires vous empêchent peut-être de rencontrer l’amour de votre vie. Eh oui: en campagne, les gens que tu côtoies sont souvent déterminés par… les zones scolaires! Heureusement, ces unions ne sont pas impossibles pour toujours… « Deux membres d’Agrirencontre habitaient deux rangs parallèles, mais ne s’étaient jamais côtoyés avant de se rencontrer sur le site… c’est probablement parce qu’ils étaient pas dans la même zone scolaire! »

Pour lire un autre texte de Camille Dauphinais-Pelletier: « Être célibataire, ça coûte cher ».

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