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Justin Bieber, Camila Cabello, Shawn Mendes et compagnie virent à l’envers l’univers émotionnel de leurs fans adolescents. Mais les idoles des jeunes font aussi chavirer des cœurs adultes. Et n’allez pas croire que c’est une affaire de vieux pervers et de « cougars ».
En mai, Catherine Dufort a fêté ses 43 ans. Le jour de son anniversaire, elle a reçu un message vidéo de Justin Bieber lui chantant Happy Birthday. Comme l’an dernier. « J’étais tout énervée ! »
Bien connectée, la Montréalaise ? Non. Juste membre de la fanbase officielle du chanteur canadien de 24 ans.
« Les gens me disent : “Tu pourrais être sa mère”. Je m’en fous ! » lance-t-elle.
Catherine est une vraie de vraie groupie. Avec casquette, chaussettes, bracelet, tuque, couverture et fond d’écran de cellulaire à l’effigie de Justin pour le prouver. Sauf que, démographiquement parlant, elle n’est pas la Belieber typique.
« Les gens me disent : “Tu pourrais être sa mère”. Je m’en fous ! » lance-t-elle.
Catherine n’est ni la première ni la dernière adulte majeure et vaccinée à « capoter » sur une jeune star. Sur Facebook, le One Direction Adult Fan Group — créé en l’honneur du boy band et de ses chanteurs, qui avaient en moyenne 17 ans à leurs débuts — rassemble 47 000 personnes. L’administratrice du groupe est une grand-mère australienne de 70 ans tombée dans la marmite One Direction grâce à sa petite-fille !
SE LÂCHER LOUSSE À L’ÂGE ADULTE
Certes, la passion n’a pas d’âge. Sauf que si personne ne s’étonne d’un boomer encore accro aux Stones ou à Led Zep, l’amour dévorant d’un trentenaire (ou plus) pour un chouchou des ados a de quoi surprendre. Comment expliquer ça, docteur ?
« Ça peut être un désir de retrouver sa jeunesse », dit Gabriel Segré, enseignant chercheur à l’Université Paris Nanterre et auteur du livre Fans de… : Sociologie des nouveaux cultes contemporains. « Une volonté de revivre l’exaltation et la ferveur propres à l’adolescence, poursuit-il. D’adopter à nouveau des attitudes et pratiques plus libres et entières, qui s’autorisent à être excessives. »
Elle échange continuellement sur le web avec d’autres « Directioners ». La plupart ont entre 16 et 20 ans, et certains l’appellent « maman », étant donné leur différence d’âge.
Parlez-en à Mélanie Lapierre, 35 ans. Cette employée d’un centre d’appels et animatrice à CISM se dit « fan finie » du groupe One Direction. Au bureau, son espace de travail est tapissé de photos des membres de cette formation. Son fil Twitter est une enfilade ininterrompue de gifs animés et de messages consacrés aux boys du band. Elle échange continuellement sur le web avec d’autres « Directioners ». La plupart ont entre 16 et 20 ans, et certains l’appellent « maman », étant donné leur différence d’âge.
« Regarde, j’ai besoin de motivation dans la vie, pis ça s’adonne que c’est ça ! » avance-t-elle pour expliquer son irrésistible attirance pour One Direction. « Pis j’avoue que les gars sont cute… Ça aide ! »
Ce qui mène à l’éléphant dans la pièce : le sexe.
PLUS QU’UN BODY FRINGANT
Comme Mélanie, Catherine Dufort trouve son préféré sexy. Dans un monde où tout serait possible, Justin Bieber serait son chum. (Dans le monde réel, elle vit, heureuse, avec le même homme depuis 25 ans. Entre eux, Bieber n’est pas l’objet de tensions, mais de blagues.)
Caricaturer ces deux fans en « cougars », ce serait toutefois ne rien comprendre de ce qu’elles ressentent. « C’est tellement plus que “ah mon Dieu, il est beau !” » insiste Catherine.
« Généralement, il y a un attrait autre : quelque chose à propos des qualités réelles, fantasmées ou projetées de l’artiste. »
Justin est vraiment « important » pour elle. Sa musique l’intéresse. Son entourage la fascine. Sa « marginalité » l’impressionne. Son style vestimentaire l’intrigue. C’est drôle à dire, mais elle se sent « buddy, buddy » avec lui.
Jamie L. Goodwin ne s’étonnerait pas d’entendre ça. Cette docteure en psychologie et professeure à l’Université Monmouth, au New Jersey, a eu de nombreuses interactions avec des « superfans », soit des fans « intensément engagés ». Elle a constaté que l’attirance physique est bien insuffisante pour faire perdurer leur intérêt. « Généralement, il y a un attrait autre : quelque chose à propos des qualités réelles, fantasmées ou projetées de l’artiste. »
Bref, le fan adulte ne se pâme pas simplement devant un body fringant.
POURQUOI, MAMAN ?
Au jour le jour, Catherine ne sonde pas le pourquoi du comment de sa « Biebermania ». Elle se contente de la vivre, intensément. N’empêche : elle sait que ses goûts sont plus proches de ceux des enfants de ses amies que de ceux de ses amies elles-mêmes.
Catherine était « très axée sur le sport, la jeunesse et la vitalité ». Elle rêvait même d’être agente d’athlètes. De sérieux problèmes de santé ont stoppé ses ambitions et l’ont même longtemps gardée à la maison. Vivre au rythme de Bieber, serait-ce alors pour elle une façon de regoûter à cette énergie volée ?
« C’est libérateur ! C’est le mot qui me vient », lance-t-elle en guise d’analyse. Il faut dire que, plus jeune, Catherine était « très axée sur le sport, la jeunesse et la vitalité ». Elle rêvait même d’être agente d’athlètes. De sérieux problèmes de santé ont stoppé ses ambitions et l’ont même longtemps gardée à la maison. Vivre au rythme de Bieber, serait-ce alors pour elle une façon de regoûter à cette énergie volée ? « Peut-être », croit-elle.
Il faut dire aussi qu’il y a une vingtaine d’années, sa propre mère était elle-même éprise de… Leonardo DiCaprio ! « Je lui disais : “Ben voyons, maman, il me semble que l’écart est trop grand !” » Faut croire que l’essayer, c’est l’adopter.