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Traverser l’Amérique à vélo avec le sourire
« Je vais cuisiner un risotto aux champignons ou une lasagne, avec une bouteille de rouge », se promet Hélène Baumont, à la veille du départ d’un périple de 28 000 kilomètres à vélo d’environ deux ans qui la mènera avec son amie Manon Evrad de l ’Alaska à la Terre de Feu.
J’ai rencontré Hélène, une Montréalaise d’adoption à l’instar de sa camarade, dans un café de Saint-Henri, où elle m’a résumé cet intense projet né en plein spleen pandémique.
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Hélène, une prothésiste dentaire de 27 ans, et Manon, une infirmière puéricultrice de 32 ans, se sont connues il y a quelques années à Montréal dans un club de jogging. « Ensemble, on a décidé d’unir nos forces et de rendre ce voyage humanitaire », souligne Hélène. Les deux femmes ont alors mis sur pied une association baptisée «La Traversée du sourire».
Avant d’aller plus loin, quelques mots sur la cause. En gros, les deux femmes souhaitent rouler hors des sentiers battus dans les quinze pays qu’ils croiseront durant leur itinéraire pour faire de la prévention sanitaire liée à l’hygiène bucco-dentaire.
«L’idée des brosses à dents est surtout un prétexte pour aller à la rencontre des gens dans des endroits reculés, et même pouvoir travailler avec des dentistes locaux.»
Kesséça? « Il s’agit d’infections comme des caries et des abcès touchant selon l’Organisation mondiale de la santé une personne sur deux, soit 3,5 milliards de personnes. Dans plusieurs endroits dans le monde, les gens n’ont même pas accès à une brosse à dents », explique Hélène.
Un volet important de leur expédition consiste d’ailleurs à distribuer des brosses à dents en bambou (pour des raisons écologiques), que les deux cyclistes transporteront dans leurs sacoches et se feront envoyer à l’occasion durant leurs escales. « L’idée des brosses à dents est surtout un prétexte pour aller à la rencontre des gens dans des endroits reculés, et même pouvoir travailler avec des dentistes locaux », souligne Hélène. « Ce sera surtout de la prévention, mais si j’ai la chance de travailler avec des dentistes pour parfaire mon expérience, tant mieux», souhaite Hélène.
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Le tandem prévoit aussi visiter des écoles pour parler de leur expérience et faire de la prévention. « Comme Manon est spécialiste des soins à la petite enfance, elle s’occupera davantage de ce volet », souligne Hélène.
«On est hyper excitées, mais on est consciente que ça ne sera pas que du bonheur. Mais on aime l’idée du dépassement de soi et on aime les défis»
Leur itinéraire s’amorce lundi à Fairbanks en Alaska, avant de traverser le Canada, Les États-Unis, le Mexique, le Guatemala, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica, le Panama, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili et l’Argentine (jusqu’à Ushuaia sur la Terre de Feu). Le tracé suit la mythique panaméricaine (ou transaméricaine), la route la plus longue au monde. Une aventure extrême qui ne fait pas peur à ces deux femmes tenaces. « Ce sera notre premier trip de vélo, on est plutôt des coureuses sinon. Manon fait des triathlons », explique Hélène, originaire de Franche-Comté en France, qui redoute surtout les trajets en haute altitude, notamment en Bolivie, où le trajet passera à environ 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Les deux jeunes femmes accumulent quelques expériences, mais rien d’aussi grandiose. Elles prévoient rouler à un rythme de quarante-cinquante kilomètres par jour, du moins au début, et passer environ un mois par pays. « Le plus stressant c’est l’attente. On est hyper excitées, mais on est consciente que ça ne sera pas que du bonheur. Mais on aime l’idée du dépassement de soi et on aime les défis », assure Hélène, qui a obtenu cette semaine son statut de résidente permanente au Canada.
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Hélène et Manon (née dans la région de Lorraine en France) se connaissent pour l’instant assez peu, mais se savent déjà très complémentaires. Hélène est consciente qu’une telle aventure risque d’éprouver parfois le duo, « comme dans un couple ».
Les deux cyclistes comptent sur le soutien de leurs proches pour se lancer dans cette ambitieuse expédition, même si c’est d’abord un projet personnel. « J’ai perdu mon père il y a sept ans et c’est aussi pour ça que je me lance dans le projet. Il était marathonien et il aurait approuvé », croit Hélène.
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En plus des sept kilos de brosses à dents en bambou et prothèses dentaires offertes en dons prévues dans leur bagages, Hélène et Manon devront trimballer un imposant attirail pour s’assurer d’avoir l’essentiel. « On a deux vélos faits sur mesure (reliés à une batterie pour recharger lumières/cellulaires en pédalant), huit sacoches, deux matelas, deux sacs de couchage, un réchaud, trois t-shirts, slips et shorts (chacune), sans oublier nos brosses à dents », énumère Hélène, en train probablement de boire son dernier bon latté avant 2024. « On vise à dormir dans des campings, chez l’habitant et dans des auberges de jeunesse », souligne Hélène, mentionnant que le voyage se fera sous le signe de l’austérité, d’abord pour être en phase avec leur mission humanitaire.
Côté argent, les deux aventurières ont amassé 18 000 euros (environ 25 000$ canadiens) grâce à une plateforme de sociofinancement.
Sans même avoir donné son premier coup de pédale, Hélène appréhende déjà le retour. « Ça me fait un peu peur déjà, mais une chose à la fois », résume la jeune femme, qui cultive déjà quelques projets d’expansion pour leur association.
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Ne leur reste qu’à leur souhaiter de mordre à pleines dents (j’avais résisté à ce jeu de mots jusqu’ici) dans cette formidable aventure et à se croiser les doigts pour sa réussite. « Je vais le faire jusqu’au bout, sinon je vais décevoir mes proches et moi-même et j’aurai un sentiment d’échec. Et je ne suis pas du genre à abandonner », prévient-elle avec assurance.
Bonne ride les filles, un coup de pédale à la fois.