.jpg)
Travail des policiers et COVID : Moins d’excès de vitesse, plus d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet
«L’effet COVID-19» se fait sentir sur le travail des policiers et influence à la baisse la criminalité ambiante.
Sans trop s’avancer sur les chiffres, plusieurs corps policiers ont accepté de partager quelques tendances des deux derniers mois, à commencer par le Service de police de l’agglomération de Longueuil qui remarque une diminution drastique de ses interventions depuis le confinement.
Si on compare les chiffres de mars 2019 et de mars 2020, on remarque une baisse de près de 21% des crimes contre la personne et la propriété sur le territoire longueuillois.
.png)
Source: SPAL
Et si on compare avril 2019 et avril 2020? Les crimes de même nature ont chuté de 62% « Évidemment il faut tenir compte du fait que le mois d’avril n’est pas terminé encore », note l’agente Marie Beauvais-Lavoie, porte-parole du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL).
Si le nombre de crimes sexuels et de voies de fait est demeuré plutôt stable en mars, on observe une baisse significative de ces mêmes méfaits en avril. L’effet « Restez chez vous » se fait par ailleurs sentir du côté des vols en mars alors que les établissements commerciaux ont souffert plus qu’à l’habitude. « Avec les commerces fermés et les travailleurs confinés dans leurs domiciles, il est probable que les individus commettant des introductions par effraction modifient leurs lieux ciblés », observe l’agente Beauvais-Laporte du SPAL, ajoutant que ses collègues portent une attention particulière aux commerces et industries déserts.
Le gros bon sens
Du côté de la Sûreté du Québec (SQ) et du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) , on invoque le gros bon sens pour expliquer les tendances observées.
Comme il y a moins d’automobilistes sur les routes, la SQ remarque évidemment moins d’infractions au Code de la sécurité routière. « On note effectivement une baisse dans le nombre contraventions, mais on en donne encore et les radars fonctionnent toujours. Les policiers sont encore là! », assure le lieutenant Hugo Fournier, ajoutant qu’il est prématuré de tirer des conclusions hâtives en lien avec la crise. « Environ 500 000 constats d’infraction sont donnés chaque année. On va devoir attendre avant de définir des tendances », souligne-t-il.
Même chose au chapitre des meurtres et des collisions mortelles, où les chiffres obtenus ne permettent pas encore de percevoir de lien avec le COVID-19. « On a eu 13 dossiers de meurtres depuis le début de l’année et deux depuis le 13 mars (date du début du confinement). On avait un gros début d’année, c’est difficile d’établir si ce bilan sera revu à la baisse », explique le lieutenant Fournier.
«On a eu 13 dossiers de meurtres depuis le début de l’année et deux depuis le 13 mars (date du début du confinement). On avait un gros début d’année, c’est difficile d’établir si ce bilan sera revu à la baisse.»
Fait surprenant, le nombre de collisions mortelles était plus élevé en date du 19 avril cette année qu’à pareille date l’an dernier, soit 40 en 2020 contre 37 en 2019. « L’année 2019 a été une année exceptionnellement basse », relativise le policier, ajoutant qu’on sera quand même toujours à des années-lumière des statistiques d’antan. « En 1971 par exemple, on avait eu 2200 collisions mortelles durant l’année. »
Son collègue, le sergent Claude Denis, signale pour sa part une légère hausse du nombre de signalements en violence conjugale depuis le début du confinement, en comparaison de la même période en 2019 et 2018. « Ces informations sont basées sur nos cartes d’appels seulement et les enquêtes n’ont pas encore été approfondies », nuance, prudent, le sergent Denis.
Exploitation sexuelle des enfants sur Internet en hausse
Il s’inquiète par ailleurs de la hausse de 50% des signalements en matière d’exploitation sexuelle des enfants sur Internet par rapport à pareille date l’an dernier. « On demande aux parents d’être vigilants et on rappelle que tout contenu à caractère sexuel impliquant des mineurs est illégal », martèle le sergent Denis.
Les policiers de la SQ et du SPVM au sein d’équipes de lutte à l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet ont d’ailleurs lancé un appel à la population le 9 avril dernier pour demander aux parents de rester à l’affût des comportements de leurs enfants sur Internet à l’heure du confinement.
Redouter le beau temps
Le SPVM préfère également prendre un pas de recul après la crise, avant de tirer des conclusions sur ses interventions en période de crise. « Mais ça sera normalement à la baisse. Les vols qualifiés dans les commerces et les vols à domiciles, ça va de soi et il n’y a pas de trafic dans les rues. », admet André Durocher, inspecteur à la Division des communications.
L’inspecteur Durocher appréhende maintenant le retour du beau temps. Avec l’arrivée du printemps, les gens seront sans doute nombreux à vouloir profiter du soleil. « Là, on a été “chanceux” puisqu’il ne faisait pas beau. La dernière fois qu’il a fait chaud, on a dû fermer l’Île Notre-Dame », rappelle le policier, d’avis que le confinement fait moins mal quand la météo est maussade.
L’inspecteur Durocher ne s’attend pas non plus à voir la criminalité grimper en flèche dès la sortie de crise. « On parle d’un retour graduel. On va sans doute voir le comportement des gens changer de façon générale. On l’observe déjà. On début, on devait beaucoup éduquer les gens sur la distanciation sociale et là les gens sont conditionnés », constate-t-il.
Constats de distanciation
En plus de leurs interventions de routine, les policiers doivent aussi donner des contraventions à celles et ceux qui ne respectent pas les mesures de distanciation sociale imposées par le gouvernement. Des amendes salées – 1 546$ pour les majeurs, 560$ pour les mineurs – visant à décourager les rassemblements.
Selon les derniers bilans disponibles, le SPVM rapporte avoir distribué 1448 constats, contre 1156 à la Sûreté du Québec.
Selon les derniers bilans disponibles, le SPVM rapporte avoir distribué 1448 constats, contre 1156 à la Sûreté du Québec. « Les policiers ont toujours un pouvoir discrétionnaire. Les gens qui en ont reçu sont récalcitrants. On ne s’attend pas à ce que les gens espionnent leur voisin, mais on intervient auprès de ceux qui se foutent de tout et organisent des partys avec 20 chars devant chez eux », illustre l’inspecteur André Durocher du SPVM, encourageant la population à alerter au besoin les policiers en ligne pour désengorger le 911.
À Longueuil, où une cinquantaine de constats ont été émis jusqu’ici, une escouade à moto vient d’être déployée en renfort pour appuyer les 25 policiers attitrés uniquement aux appels reliés au coronavirus. « Nous avons en moyenne entre 60 et 100 appels par jour concernant la COVID-19 et plus de 400 questions via nos réseaux sociaux depuis le début de l’état d’urgence », calcule l’agente Marie Beauvais-Lavoie.
De son côté, le Service de police de Laval a préféré de pas s’avancer sur l’impact du confinement sur le taux de criminalité. « Toutefois il s’agit d’une préoccupation pour notre service de police compte tenu de la situation et de l’angoisse chez la population », a-t-on simplement souligné par écrit.
Morale de l’histoire : même s’il faudra encore attendre plusieurs mois avant de tirer des conclusions, force est d’admettre que la crise force tout le monde à s’adapter, même les criminels et les chauffards.