Cet été, Isabelle et Jacob se sont lancés dans un projet fou : transformer un autobus en studio pour faire la route des festivals. Et comme c’est pas tout le monde qui peut se permettre de prendre trois mois de congé, ils nous ont fait une place aux premières loges de leur aventure. Embarquez à bord du Mixbus, le road trip commence ici.
Les jours se suivent et se ressemblent selon Joe Dassin, mais pas pour le Mixbus Studio qui s’évade de festival en festival cet été.
Après Thetford Mines, notre road trip musical nous projetait dans un décor diamétralement opposé avec Beside aux Îles-de-Boucherville. On échangeait des collines d’amiante par de grands chênes chargés de pollens, l’écho des éoliennes par celui des roseaux qui se balancent au vent et les Thetfordois en quad contre des cerfs de Virginie en balade. Légèrement plus relax.
Le weekend s’annonçait reposant, mais j’entretenais une certaine appréhension puisque la température s’annonçait diluvienne. Justement vendredi matin, je me suis réveillée par le tintement des gouttes d’eau sur la toiture du bus. TA TA TAN… Il pleuvait. L’augmentation d’athées chez les milléniaux fait aussi qu’il y a moins de chapelets sur la corde à linge. J’imaginais le pire sur place comme une foule dissipée, étouffée par des ponchos Niagara Falls en sac à poubelle.
Dans les faits, une telle météo ne pouvait pas mieux tomber pour un événement de plein air. On oublie que ces gens-là sont toujours prêts à tout. Ils sortent de belles phrases comme : « Il n’y a pas de mauvaises températures, juste de mauvais équipements ». Ils n’ont jamais froid, jamais trop chaud, et gardent leurs bas en mérinos plus secs que des raisins Sun-Maid. Pendant que Jacob et moi avions l’air de nous être fait trahir par nos imperméables, les festivaliers de Beside bravaient la pluie à coup de Goretex et de grands sourires en santé. Ça donnait le goût de lâcher Netflix et chiller dehors.
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En comparaison avec le gear des festivaliers, mon chum hippie avait l’air de ramasser les canettes au parc Jarry.
Changer le mal de place
Lancer un festival payant en même temps que les Francos de Montréal avait un petit « je ne sais quoi » d’audacieux. Même si les deux organisations ne possèdent pas un créneau semblable, ça reste courageux de proposer des concerts sur une SÉPAQ à près d’une heure en transport en commun de la métropole. La première journée s’ouvrait entre autres avec La Bronze et Qualité Motel. Solide.
« Ça fait changement de Place des Arts. Il y a moins de sirènes d’ambulances et d’îlots de chaleur » — Un festivalier cartésien.
Lorsque le soleil s’est couché, les essaims de mouches autour des spots de la scène pouvaient faire rougir l’Abitibi. Justement, Rouyn-Noranda était bien représentée par cette programmation en collaboration avec le FME. La soirée s’est enflammée lorsque l’ancienne formation de Valaire a invité la foule à monter sur scène. Les marmottes de Boucherville ont vu leur premier body surfing.
Sous le chapiteau
Le lendemain, on s’est levés avant midi (un exploit) pour assister aux divers ateliers. Sous les petites installations de bois, les festivaliers se regroupaient afin d’enrichir leurs connaissances de la nature. À la base, Beside nous avait accrochés par ses propositions de concerts intimes. Impossible de ne pas tomber sous le charme de ce type de spectacles. Cependant, c’est rare que l’on puisse observer autant de gens s’intéresser ensemble aux solutions de demain comme la permaculture, les entreprises circulaires ou les modes de consommation minimalistes. J’ai aimé, la planète aussi.
Revenons à la musique. Après avoir appris à faire pousser des pleurotes dans le Mixbus, j’ai accouru vers la grève. Beyries jouait sous un immense saule (pour consoler cet arbre le plus désemparé). Derrière la chanteuse, la rivière servait de transit pour les canots, paddle board et kayaks. Un rabaska plein à craqué d’enfants est passé en s’égosillant « oh pagaie, oh pagaie ». Mes ovaires capotaient.
J’avais de bonnes raisons. Le festival débordait de petites familles. Il n’y a rien de plus cute qu’une fillette qui fredonne à un show de Philémon Cimon. Lui-même projetait une image adorable, en chantant, sur la pointe de ses bottes à eau, les paroles des comptines de son enfance.
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Philémon Cimon qui s’envole
Sa gérante m’a donné une bière gratuite parce que je me suis faufilée sur le côté de la scène. Dans un autre contexte, on m’aurait sorti par le cou de la salle de spectacle. L’album Pays, tout comme le déluge à l’extérieur de la tente, portait à la camaraderie. Il fallait se serrer les coudes sous le chapiteau pour pouvoir y accueillir tout le monde.
Bouette et frissons
Pour le reste du fun, on retournait dehors à l’averse. Le problème avec la pluie en nature c’est qu’elle te réduit un dancefloor en bouette assez vite. Puisque les gens de plein air ne poppent généralement pas du speed sous la gouverne work hard play hard, on n’a malheureusement aperçu personne tenter le worm dans la gadoue.
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La piste de danse digne d’un facial désincrustant à la vase
La boue s’oubliait assez vite, surtout lorsque sur scène Elisapie se positionnait sur la question des femmes autochtones au Canada. La puissance de sa musique te ramène à l’essentiel sur un méchant temps. J’avais des frissons même sous mes huit couches de laine.
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Le chanteur de Foreign Diplomats adopte le look de la famille Slomeau de Rock et Belles Oreilles
On est allés au lit de bonne heure parce que la journée du dimanche nous demandait de nous lever tôt, aka les premiers bonhommes à la télévision. On s’est lancé vers 7 am en SUP sur les restes du flushgate. Au loin, on pouvait entendre Emilie Kahn et sa harpe réveiller les campeurs. Je crois bien que personne ne l’a snoozé.
Plus tard dans la journée, c’est Philippe Brach qui nous a surpris avec une perfo 100 % acoustique à même le sol. Sans micros et haut-parleurs, sa voix défonçait le quatrième mur. Pour faire tomber la dernière brique, il a livré Bonne journée a capella au travers des spectateurs. Les oiseaux l’accompagnaient comme quelques courageux fredonneurs. Le dimanche s’est clos aux battements des tambours Mohawks tout près du stand « Le partage ». C’est d’ailleurs cet esprit de communion qui m’a habité tout le weekend, comme le témoigne cette récap vidéo.
En proposant une programmation rassembleuse, paritaire et diversifiée, Beside nous a fait vivre plus que du plein air. Je dirais un vent de fraîcheur.
Prochain arrêt de bus, on se fait venter la couenne à Carleton-sur-Mer pour Bleu Bleu!