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Tout un cirque

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Depuis la décision de la cour suprême tombée vendredi dans la cause de Lola vs Éric, les appels à une réforme du code civil se font entendre. On invoque la protection des femmes, en particulier de celles qui ne comprennent pas l’implication légale d’être en union libre et qui décident de consacrer plus de temps à la famille qu’à un emploi bien rémunéré. Ceci rappelle l’époque où l’on considérait les femmes incapables de se prendre en charge elles-mêmes.

On réclame donc maintenant une protection supplémentaire pour les conjoints de fait sans le sou suite à une séparation.

Une réforme du Code civil pourrait être de mise, mais il importe de souligner que ce nouveau discours, quoique souvent relayé par des femmes, semble fair fi de l’origine de la situation actuelle, fruit de la longue lutte des femmes québécoises pour l’égalité.

Le contrôle de l’État sur la chambre à coucher a été grandement décrié pendant la Révolution tranquille, même par l’ancien premier ministre Pierre-Elliott Trudeau. Jusque dans les années soixante, le contrôle patriarcal des hommes sur les femmes était assuré entre autres au mariage.

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Avec son arrivée massive dans les années soixante-dix, l’union libre se voulait l’expression du désir de définir en couple le caractère de sa cellule familiale.

Devant ces nouvelles pratiques sociales, le gouvernement québécois a inséré au Code civil en 1981 une protection pour les enfants issus de couples non-mariés. Un couple séparé doit partager les frais et l’autorité parentale des enfants, peu importe qui a la garde.

Près des deux-tiers des enfants québécois sont aujourd’hui nés hors-mariage et cette protection du Code civil est d’autant plus importante.

La gestion des impôts en est un autre exemple : après deux ans de cohabitation, les conjoints de fait sont reconnus devant le fisc au même titre qu’un couple marié.

Aujourd’hui, argumentant l’égalité, certaines personnes réclament des pensions alimentaires pour les conjoints séparés. C’est pour protéger les femmes, affirment-elles. Les conjoints de fait qui se séparent ne peuvent pas demander une pension alimentaire pour eux-même. C’est ce que vient de refuser la Cour surprême. « N’est-ce pas un peu injuste? », demandait encore ce matin Marie-Claude Lortie sur son blogue de La Presse.

Oui, mais c’est leur choix.

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Pour protéger des conjoints en cas de séparation, faut-il pour autant imposer les règles du mariage aux couples qui ne le désirent pas? Faut-il ramener l’État dans la chambre à coucher pour ceux qui, justement, l’en ont éloigné?

Même la Fédération des femmes du Québec (FFQ), qui encourageait jusqu’à récemment le libre choix, est en voie de changer sa position. Elle demande maintenant qu’on protège légalement les conjoints de fait après la séparation.

Ceci ressemble à un retour en arrière.

Dans un contexte où la grande majorité des femmes avec de jeunes enfants ont aussi un emploi, a-t-on besoin de les considérer encore comme des personnes à protéger? Faut-il encore les placer dans une position de victime et prendre les décisions à leur place, comme c’était le cas avant, sous prétexte qu’elles ne seraient pas en mesure d’être conscientes de leur situation?

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D’abord, il faudrait savoir de quoi on parle : l’absence de chiffres fiables, comme le souligne aussi la FFQ, rend difficile un regard éclairé. Pourquoi, plutôt que changer le Code civil, n’optons-nous pas plutôt pour une campagne de sensibilisation sur la situation légale des couples non-mariés? Entretemps, consacrons plutôt nos énergies pour que les femmes aient enfin un salaire équivalent à celui des hommes.

Twitter : @etiennecp
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