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Tout le monde devrait être obligé de faire du service à la clientèle

Si le client est roi, ramenons la guillotine.

Par
Pierre-Luc Racine
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«BEN VOYONS TABARNAK… PIERRE-LUC? C’EST BIEN TON NOM OU C’EST LE NAMETAG DE QUELQU’UN D’AUTRE? T’AS PAS L’AIR D’UN PIERRE-LUC! VIENS-TU D’ARRIVER ICITTE ESTI?»

J’ai 17 ans. Je porte l’uniforme d’une pharmacie où on trouve de tout, même un ami. Je suis debout dans le rayon des produits ménagers pendant qu’un vieil homme me crie après. Je dois le laisser faire.

Cet homme de l’âge de mon père est en train de me piquer une crise en public parce qu’un produit n’est pas disponible. Voyez-vous, on vend deux types de bouteilles de nettoyant pour vitres. Celle avec la pompe à poush-poush et un refill. La bouteille de remplissage contient cinq millilitres de plus que la bouteille avec le pistolet de plastique.

Ce monsieur trippe vraiment sur l’odeur de baies des montagnes (ou un nom du genre). Son problème actuel c’est qu’il n’y a plus de bouteille de refill de baie des montagnes dans notre inventaire, mais on a celle avec la pompe. Sauf que ce malotru veut vraiment une bouteille de refill et il la veut maintenant.

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Je lui dis qu’on va en recevoir bientôt, mais au moins il peut prendre des bouteilles avec la pompe, même si elle a une petite affaire de moins de liquide. Comment ai-je osé lui offrir un produit qui n’est pas exactement ce qu’il cherchait?

Après m’avoir vociféré toutes les insultes qui lui venaient en tête, incluant des insultes racistes, ce quidam est retourné à sa vie normale.

Nous sommes dans une impasse. Sa solution: me crier après. Comme si ça allait faire apparaitre l’objet manquant. Après m’avoir vociféré toutes les insultes qui lui venaient en tête, incluant des insultes racistes, ce quidam est retourné à sa vie normale. Et moi, je suis allé retenir mes larmes dans le backstore.

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Imposer deux ans obligatoires de service à la clientèle

Plusieurs pays ont imposé à leurs citoyen.ne.s un service militaire obligatoire, même que certains sont encore en vigueur aujourd’hui. Je crois qu’on devrait ramener ce concept, mais avec le service à la clientèle. Peut-être que ça inculquerait quelques notions de respect de base aux personnes qui ne comprennent pas ce que c’est d’être de l’autre côté de la caisse enregistreuse.

J’ai perdu le compte des fois où je me suis fait hurler après par un.e client.e qui jurait «ne plus jamais remettre ici».

Alors que j’étais à la boulangerie d’un supermarché, je me suis déjà fait chicaner par un client parce qu’il ne nous restait plus de gâteaux tiramisu. Cet homme m’a traité comme si j’étais son fils qui avait oublié d’amener les maillots de bain à la plage et qu’on le réalise une fois sur place.

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J’ai perdu le compte des fois où je me suis fait hurler après par un.e client.e qui ne jurait «ne plus jamais remettre ici» pour ensuite le revoir faire son épicerie comme si de rien n’était. Chaque fois, j’étais subjugué!

En plus, ces gens venaient faire leur épicerie tout bonnement et me croisaient bien relax, détachés de toutes émotions… alors qu’ils me criaient après il y a quelques jours seulement!

On dirait que pour ces êtres à la patience courte, un humain ou le terminal tactile du McDo, c’est la même affaire.

Si le client est roi, ramenons la guillotine

Parlez à un barman ou une barmaid, à un.e caissier.ère ou à n’importe qui ayant un contact direct avec le public et les histoires d’horreurs pulluleront. Les téléphonistes de centres d’appels reçoivent en moyenne 10 coups de fil de gens en colère par jour. C’est énorme.

C’est quand même traumatisant de se faire ramasser de la sorte par des inconnu.e.s, surtout lorsqu’on est jeune.

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Toute cette furie dirigée envers les employé.e.s comporte de graves conséquences. Après une formation de quelques heures, je n’étais pas équipé pour faire face aux excès de rage de client.e.s. Je suis censé placer des objets sur des étagères, c’est tout! Et me voilà victime d’adultes (c’est toujours des adultes…) incapables de gérer leurs émotions!

C’est quand même traumatisant de se faire ramasser de la sorte par des inconnu.e.s, surtout lorsqu’on est jeune. Je me souviens de toutes les questions qui me passaient par la tête: ce monsieur a-t-il raison de me crier après? Qu’est-ce que j’ai fait de mal pour mériter ça? Qu’est-ce que je peux faire en ce moment? Est-ce que je peux lui dire de se calmer? Est-ce que ma patronne va me renvoyer si je lui réponds?

Tout ça pendant que j’encaisse les insultes.

Tirer sur le messager

J’ai l’impression que les gens qui maltraitent les employé.e.s du service à la clientèle ne réalisent pas leur impuissance. Je comprends que des frustrations viennent en magasinant et que des insatisfactions se fassent sentir lorsqu’on se sent incompris. En fait, 33% des client.e.s se sont déjà fâchés.e envers quelqu’un du service à la clientèle.

rappelez-vous que vous êtes en train de vous obstiner avec un.e employé.e sous-payé.e pendant que le grand patron se verse des millions en bonus.

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Mais l’affaire, c’est que lorsque vous vous en prenez à Marc ou Claudine au Canadian Tire, vous ne vous adressez pas à Canadian Tire l’entreprise, vous êtes en train de malmener un.e citoyen.ne qui ne s’y connait (peut-être) pas plus que vous dans les tondeuses.

Sachez simplement que les fantassins du plancher ne sont pas des magiciens. Leurs pouvoirs sont limités. Si vous sentez la colère monter en vous, rappelez-vous que vous êtes en train de vous obstiner avec un.e employé.e sous-payé.e pendant que le grand patron se verse des millions en bonus.

Pour vous donner une idée, les cadres de Canadian Tire et Loblaws se sont accordé des bonus qui frôlent le million pendant que les employés tentaient de se faire comprendre des clients à travers des plexiglas et des masques.

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Pognés pour sortir de leur définition de tâches

Les personnes qui travaillent au service à la clientèle sont souvent coincées avec des situations hors de l’ordinaire. Je me souviens de la fois où nous avions accueilli un autobus de personnes âgées à l’épicerie. Une madame souffrant de démence avait été aux toilettes et elle avait étendu ses excréments partout sur les murs. Quelqu’un devait s’en occuper. Pensez-vous vraiment que le propriétaire va venir laver la merde d’une inconnue dans son établissement?

Heureusement que j’étais seul à la section de la boulangerie et que je devais rester à mon poste…

on devrait imposer un deux ans obligatoire de service à la clientèle à tout le monde.

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Le service à la clientèle est un milieu ingrat. Et, souvent, les employeurs n’aident pas non plus. Au lieu d’offrir de meilleures conditions à leurs salariés, plusieurs compagnies sont indifférentes au bien-être des gens qui travaillent pour elles et se contentent d’un roulement d’employé.e.s fréquent.

Pourtant, les marques avaient de bons services à la clientèle font 5.7 fois plus de revenus que leurs compétiteurs. C’est dans l’intérêt des entreprises de bien traiter leurs employé.e.s afin qu’ils soient enthousiasmé.e.s, ne fassent pas d’erreurs et restent longtemps au même endroit.

Et tout ça, c’est ce qui me porte à dire qu’on devrait imposer un deux ans obligatoire de service à la clientèle à tout le monde. Peut-être que tous les client.e.s comprendraient la réalité du plancher et que le respect suivrait.

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À toutes les personnes ayant affronté cette pandémie entourées de gens propulsant leurs gouttelettes en leur direction, vous avez tout mon respect et ma reconnaissance!