Le sport professionnel n’est pas exactement r éputé pour son ouverture d’esprit en matière de diversité sexuelle.
Quelques histoires de coming out ont su réchauffer les cœurs au fil des années, notamment celles de Jason Collins au basketball et de Robbie Rogers au soccer, mais ces moments ont été vécus aux abords ou au jour même de la retraite. Au hockey, il n’y a à ce jour qu’un seul joueur ouvertement gai avec un contrat de la LNH, Luke Prokop. Repêché en 2020, ce dernier n’a toujours pas joué dans le circuit Bettman au moment d’écrire ces lignes.
Même si les choses ont avancé depuis dix ans, l’homosexualité est encore un pas pire tabou et il va sans dire que le milieu est loin d’être prêt à parler de non-binarité ou de transidentité. Une chose à la fois.
Ceci dit, cette culture encore très répressive ouvre un espace à la fantaisie (et au fantasme). Un espace dans lequel la nouvelle série de « romance sportive » Heated Rivalry s’est insérée avec autant de vélocité que le gars qui voulait rentrer dans la police, mais qui est finalement rentré dans le mur. Bref, tout le monde parle de Heated Rivalry depuis la parution conjointe de ses deux premiers épisodes sur Crave et HBO Max vendredi dernier.
Pas juste au Québec ou au Canada, mais partout en Amérique du Nord. Et pourquoi ça fait autant jaser ? Est-ce que c’est bon ? Est-ce que ça risque d’ouvrir les esprits ? Je vous explique tout ça.
Le hockey y est (extrêmement) accessoire
Heated Rivalry raconte l’histoire de Shane Hollander (Hudson Williams) et Ilya Rozanov (Connor Storrie qui n’essaie pas tant d’avoir un accent russe réaliste), les deux espoirs les plus prometteurs de leur année de repêchage et qui tombent éperdument amoureux après s’être regardés nus sous la douche pendant trente secondes. La série suit l’évolution de leurs carrières respectives, mais aussi de leur désir dévorant l’un pour l’autre.
Adapté de la série de romans de l’autrice néo-écossaise Rachel Reid Game Changers où tous les joueurs de hockey professionnels (ou presque) entretiennent des passions homosexuelles secrètes, Heated Rivalry est présenté comme une romance sportive, mais à la lumière des deux premiers épisodes, force est d’admettre qu’on est beaucoup plus dans l’érotisme que dans les histoires de cœur.
Ça fourre.
Énormément.
Pas mal plus que dans Lance & Compte, genre.
D’un côté, rien de plus normal pour deux jeunes athlètes bourrés d’hormones que de vouloir se faire jouir l’un et l’autre (parlez-en à Jonathan Roy), mais après la quatrième fellation en vingt-cinq minutes, on est en droit de se demander qu’est-ce qu’on est en train de regarder au juste. À qui la série s’adresse-t-elle ?
Sommes-nous dans la libération de la parole et de l’expérience LGBTQ+ ou dans les fantasmes d’une femme hétérosexuelle qui fait écho au malheureux épisode culturel de 50 Shades of Grey qui semble maintenant si loin ?
Voyez-vous, on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent à part du sexe. Beaucoup de sexe. Ça en devient presque un jeu d’alcool. Bien que Rachel Reid se décrit comme une fan de hockey et affirme s’être inspirée de la rivalité entre Sidney Crosby et Alexander Ovechkin pour concevoir Game Changers, l’aspect hockey des romans est traité par la série avec un manque d’intérêt et un mépris à la limite risible. La preuve : dans la séquence d’ouverture où Shane et Ilya s’affrontent au championnat mondial de hockey junior, les deux joueurs affrontent des membres de leur propre équipe…
C’est peut-être un aspect de Heated Rivalry qui s’est perdu dans l’adaptation, mais la série semble aussi très peu intéressée à développer ses propres personnages. Au début du deuxième épisode, on y fait une ellipse où Shane et Ilya ne se touchent pas pendant plus ou moins dix-huit mois, et au lieu d’apprendre à les connaître ou de développer leur relation à leur famille respective — celle d’Ilya est compliquée au possible et laisse entrevoir des conflits intéressants —, on se contente d’un montage de sexting à la Rocky.
Si le sexe n’est pas accessoire à Heated Rivalry, tout le reste semble l’être. Les scènes érotiques sont longues, détaillées et aussi graphiques que possible sans tomber dans la pornographie. Sans vouloir tirer de conclusions sur une série que je ne finirai résolument pas, disons qu’il n’y a pas mille raisons de s’intéresser à Heated Rivalry.
Est-ce que c’est moi qui suis homophobe ?
La question à 100 $.
Je vais me garder une petite gêne sur l’autodiagnostic, mais Heated Rivalry m’a fait sentir plus prude qu’homophobe. Assister aux ébats d’une sexualité qui n’est pas la mienne est une chose, mais lorsque ceux-ci sont dénués de toute autre construction narrative, je me sentirais franchement plus honnête de regarder de la porno.
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de dire que Heated Rivalry est de la porno. Loin de là. Mais la série est quand même à quelques décisions près de l’être.
J’veux dire, les couvertures des romans parlent d’elles-mêmes :
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Sans le tumulte familial d’Ilya, on en serait encore plus près. Prisonnier d’une famille qui lui met énormément de pression et qui ignore tout de son orientation sexuelle, il débarque en Amérique pour y vivre sa meilleure vie et cette liberté nouvellement acquise dépend de ses performances sportives. Même si Shane le traite constamment de trou de cul (parfois avec un sourire coquin), Ilya est de loin le personnage le plus sympathique auquel on peut arriver à s’identifier. Il assume ses problèmes et n’essaie pas de tout contrôler.
En fin de compte, si j’ai envie de regarder une jolie femme ou un homme au physique athlétique se doigter les orifices, je vais regarder de la porno comme une grande personne. Tel est mon privilège d’homme blanc cis-hétéro : je peux faire absolument n’importe quoi sans me sentir mal (sauf blesser autrui, bien sûr). Je suis aussi conscient que Heated Rivalry n’est pas du tout écrite pour ma sensibilité, mais je me demande à qui, exactement, c’est censé plaire.
Je pourrais vous dire que c’est écrit pour la communauté LGBTQ+ ou pour les femmes qui fantasment sur les hommes dans le placard (cette hypothèse est la plus probable), mais j’ai l’impression que l’intérêt risque de se dissiper très vite. Une fiction érotique avec la pédale au plancher comme ça, c’est un phénomène nouveau sur une plateforme grand public et j’ai l’impression que c’est surtout pour ça que tout le monde capote. Une fois l’onde de choc passée, on verra bien ce que Heated Rivalry a dans les pantalons… ou si elle en porte, tout court. Parce qu’à l’écran, le port du pantalon est très optionnel.
Bref, même si votre projet est de vous émoustiller devant la télé, vous pouvez franchement demander mieux.

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