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L’autre jour, à la SAQ, un commis à la dégustation m’a fait goûter un vin dont je ne saurais même me rappeler la couleur de l’étiquette. Devant un non verbal ne signifiant pas grand emballement, le jeune sommelier-malgré-lui a déclaré presque solennellement: «C’est sûr que tous les goûts sont dans la nature».
Tous les goûts sont dans la nature. C’est bien vrai. C’est tellement vrai qu’il est complètement inutile de le dire. Entre «tous les goûts sont dans la nature», et «c’est bon manger», il y existe un florilège de phrases toutes aussi insipides telles que «c’est ça la vie» et «tout le monde a droit à son opinion».
Tout le monde a droit à son opinion. C’est si vrai, que j’ai oublié de le souligner à grands traits dans mon dernier billet. Tout le monde a droit à son opinion, et tout le monde a même le droit de l’exprimer en public. Comme l’a fait Dominique Charron dans une lettre ouverte récemment envoyée au Devoir.
C’est sûrement pour honorer ce grand principe démocratique que nous avions publié, dans un journal de région où j’ai travaillé à l’âge de 19 ans, la lettre ouverte d’une citoyenne outrée par le fait que la ville ait opté pour des bacs à recyclage bleus, au lieu de bacs à recyclage verts. «Quelle honte, nous serons la risée de toutes les Laurentides», exprimait-elle en substance.
Tout le monde a droit à son opinion. Cela ne veut pas dire que chaque opinion se vaille. Ce matin, à la radio, un gars ayant probablement englouti un pichet par période était interviewé à la fin du match de nos non-glorieux : «Heille, c’est pas possible que les Canadiens aient perdu j’en r’viens pas chu tellement déçu». Ceci est une opinion. Et je comprends le journaliste d’avoir conservé cet extrait qui n’est pas sans valeur. Il a une valeur d’ambiance.
Évidemment, l’opinion de Dominique Charron était mieux articulée que celles du gars saoul d’hier et de notre anxieuse de Prévost. Elle valait plus. À vrai dire, je trouve que la fidèle auditrice avait raison sur plusieurs points, et que le débat qu’elle a lancé était nécessaire.
J’ai été dérangée par deux ou trois détails, dans sa lettre. Par un certain choix de mots peu nuancé, et aussi, par la personnification d’un débat qui dépasse largement les compétences d’Annie-Soleil Proteau et des autres. J’ai aussi été chicotée par le titre dont madame Charron s’est affublée : «responsable de la page Entendu à la radio publique sur Facebook». Facebook a plusieurs utilités, pas celle d’asseoir la crédibilité de qui que ce soit. Sinon, je pars une page sur les carlins et m’ouvre une école de dressage pour pugs demain matin.
Dominique Charron s’exprimait à titre de citoyenne. Comme Muguette Paillé, ce symbole du peuple créé durant le débat des chefs, récemment promue chroniqueuse au Journal de Montréal. Sa chronique s’appelle justement «Voix du peuple».Et c’est très bien comme ça.
Puisque vous aimez ça, les opinions populaires et la politique, j’ai décidé de vous révéler pour qui j’allais voter : Jack Layton. Comme plusieurs Canadiens, j’aime sa moustache, je trouve qu’il a l’air sympathique et je suis vraiment touchée par le combat qu’il a livré contre le cancer. En plus, il marche avec une canne et je le trouve sexy. Vous ne trouvez pas qu’il a un petit quelque chose de Hugh Hefner? C’est mon opinion de blogueuse.