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Top 5 des films québécois de marde

Les nanars les plus exquis du terroir

Par
Sarah-Florence Benjamin
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C’est la Saint-Jean et il se peut que vous soyez emporté.e par le violent désir d’écouter Heureux d’un printemps qui me chauffe la couenne, de Paul Piché, de vous pitcher par-dessus un feu de joie (sous la supervision de vos ami.e.s, je vous en prie) ou de revisiter les plus grands joyaux du cinéma québécois. Ce que je vous propose, c’est de faire tout le contraire. Ce 24 juin, pourquoi ne pas vous organiser une petite projection des plus hilarantes erreurs de parcours de notre cinéma?

Voici, pour votre plus grand plaisir, le top 5 des films qui vous feront dire : «(malheureusement) je me souviens».

Rogers Normandin et la quatrième Dimension (Rogers Normandin, 1985)

Aucune liste de nanars québécois ne saurait être complète sans ce tour de maître du cinéma amateur. Si vous n’en aviez qu’un à regarder, c’est celui-là, sans hésitation. De l’hésitation, par exemple, il y en a dans les yeux des pauvres acteur.ice.s qu’on entend buter sur les dialogues improvisés tout au long du Magnum Opus de la plus grande star de Shawinigan (oui, oui, même devant Jean Chrétien). Une vingtaine d’années avant leur passage remarqué chez Denis Lévesque pour discuter d’une sordide affaire de lancer de couteaux, Rogers Normandin et sa conjointe de l’époque, Nadia Lafontaine, ont joué dans ce feu roulant de mauvais effets spéciaux et de faux raccords coécrit par le couple.

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Mario Valentino (Normandin) se retrouve plongé dans la quatrième dimension un beau matin après s’être pris le pied dans la balayeuse. Cette mésaventure lui confèrera aussitôt le pouvoir de lire les pensées. Mario prend alors la décision d’utiliser ses pouvoirs pour devenir un justicier et faire régner la justice [sic]. S’en suivra plusieurs scènes où, grâce à ses nouveaux pouvoirs, notre bon Mario mettra des bâtons dans les roues de divers.e.s criminel.le.s en leur disant que ce n’est pas très bien de faire ce qu’iels font là dites donc… En leur répétant au moins trois fois chacun.e. Si vous cherchiez de l’économie et de la précision dans le dialogue, vous êtes au mauvais endroit!

Si vous aviez envie de voir toutes les options funky qu’une caméra pouvait avoir en 1985 ainsi que de longs moments où Rogers Normandin mange la face de sa très jeune blonde, là par exemple…

Après-ski (Roger Cardinal, 1971)

«On s’amuse pas, on jouiiiiiit» est une des nombreuses répliques cultes de cette comédie érotique mettant en vedette Daniel Pilon (et sa moustache). Dans l’explosion tantrique du «porno sirop d’érable» qui a suivi l’assouplissement de la censure au cinéma et le succès de Valérie, Après-ski raconte l’histoire de moniteurs de ski qui passent pas mal plus de temps à courailler qu’à faire du ski. Est-ce réaliste? Vous me direz, moi, j’ai toujours juste fait du ski de fond.

Même si ce n’est pas à proprement dit un film pornographique, sachez tout de même qu’il y aura assez de paires de seins sur votre écran pour faire sourciller vos colocs.

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Devant tant d’absurdités folichonnes, de rapports genrés qui ont très mal vieilli depuis les années 70 et d’ébats à même les bancs de neige, on rigole autant qu’on serre les dents en regardant ce chef-d’oeuvre du mauvais goût. Fait intéressant, c’est le seul film au Québec qui a été condamné pour obscénité au criminel, ce qui est étonnant pour un film sans aucune nudité frontale masculine. Même si ce n’est pas à proprement dit un film pornographique, sachez tout de même qu’il y aura assez de paires de seins sur votre écran pour faire sourciller vos colocs si vous ne les avez pas averti.e.s du genre de film que vous alliez regarder.

Faute d’avoir une bande-annonce pour Après-ski, voici plutôt un extrait suintant de malaise mettant en scène un René Angélil très chevelu donnant des conseils de séduction à son collègue des Baronets, Pierre Labelle, à qui on a clairement demandé de jouer comme si c’était la première fois qu’on le laissait sortir de la maison depuis 15 ans. Un chic film, quoi!

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Papa est devenu un lutin (Dominique Adams, 2018)

Ce film, distribué dans tous les cinémas de Vincent Guzzo (qui d’autre?) , a fait beaucoup jaser à sa sortie en 2018 où on se demandait si ce n’était pas le pire film de l’histoire du Québec. Le tout a été tourné en sept jours dans un chalet avec une équipe de cégépien.ne.s pleine de bonne volonté… et ça parait. Ajoutez à cela une enfant actrice au jeu peu fluide, de longs moments où on a clairement dit à Jean-Marie Corbeil «je sais pas, fais ce que tu veux» et des blagues aux sous-entendus douteux et vous avez un navet qui n’amusera qu’une très petite partie de la famille.

Le montage et la réalisation donnent l’impression d’assister à une inquiétante psychose plutôt qu’à un conte de Noël.

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À la fois film de Noël et huis clos imposé pour le tout petit budget de la production, Papa est devenu un lutin raconte l’histoire classique d’un père (Corbeil) trop absorbé par le travail pour apprécier la magie des fêtes avec sa famille. Sa fille, excédée, fait alors le souhait que son père devienne un lutin pour qu’il soit enfin heureux. Lorsqu’il se réveille le lendemain, le père est effectivement possédé par l’esprit d’un lutin s’appelant Pedro. Cependant, le montage et la réalisation donnent l’impression d’assister à une inquiétante psychose plutôt qu’à un conte de Noël.

Avec la vue en hauteur de la route à travers la forêt qui mène au chalet dans la première scène du film, on se demande si ça ne va pas finir à la The Shining avec Jean-Marie Corbeil qui terrorise sa famille hache à la main en costume de lutin. Ça aurait été sans doute plus intéressant que de le regarder mettre du sucre dans son café pendant deux minutes.

Autre fait intéressant, des membres de l’équipe ont perdu leur chemin dans la forêt pendant le tournage et ont dû se faire un feu pour survivre à la nuit glaciale. Je suis sûre qu’il aurait été fascinant de faire un film sur la production de ce film. Apocalypse Now, Papa est devenu un lutin, même combat.

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Angelo, Frédo et Roméo (Pierre Plante, 1996)

On peut s’imaginer que si je prends la peine de mettre ce film dans la liste, c’est parce que je vous suggère de le regarder. Dans ce cas précis, pour l’amour de tout ce qui est bon et même parce qu’on vous donne accès au film complet sur YouTube, ne le regardez pas. C’est pour votre bien que je vous dis ça. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été averti.e.s.

S’en suit alors une suite de sketchs qui vous feront regretter la profondeur et le doigté de LOL.

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On raconte qu’Angelo, Frédo et Roméo aurait été retiré d’une salle à Lévis après que la clientèle ait demandé trop de remboursements. Le film raconte l’histoire d’un héritier naïf (Martin Drainville) qui se fait embarquer dans les magouilles d’un réalisateur véreux (Benoît Brière). S’en suit alors une suite de sketchs qui vous feront regretter la profondeur et le doigté de LOL. Il va sans dire que tout cela a vieilli aussi bien que du lait au soleil un jour de canicule. Pour vous faire un exemple, voici la liste des rôles que Benoît Brière a eu le bonheur de jouer dans ce film selon IMDB: « Angélo/ Li Ping (le réalisateur chinois)/ Marco (l’amoureux argentin)/ Don Sergio (le réalisateur italien)/ La mamma italienne/ Balou-Balou (l’aborigène néo-zélandais)». Est-ce que tout cela s’accompagne de maquillage yellowface et des pires imitations d’accents possiblement imaginables? Eh bien, pourquoi pas, hein?

Angelo, Frédo et Roméo est la preuve que, oui, six sketchs écrits sur un coin de napkin, cachés dans le même trenchcoat, peuvent se faire passer pour un film. Cependant, ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on devrait toujours le faire.

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Les Dangereux (Louis Saia, 2002)

Qu’est-ce qu’on obtient en alliant un immense budget, de gros noms du vedettariat québécois et le réalisateur des Boys? Un flop monumental? Oupelaille! Clairement animé par l’espoir d’être le Snatch made in Québec, Les Dangereux raconte l’histoire d’une chanteuse de renommée internationale (jouée par Véronique Cloutier qu’on peut entendre faire tout ce qu’elle peut dans la chanson thème du film) qui se fait kidnapper par des malfrats et du comptable ordinaire (Stéphane Rousseau) qui doit amener la rançon à ses ravisseurs. Ce que Francis, le comptable, ne sait pas, c’est qu’il est aussi poursuivi par des tueurs à gages engagés par le père de notre starlette, un producteur pas très orthodoxe.

Ce n’est pas parce qu’on a les meilleurs ingrédients pour faire une recette qu’on ne va pas servir de la marde.

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Malgré toutes ses bonnes intentions et moult explosions de char, Les Dangereux s’enlise dans un humour qui se veut noir, mais qui ne ressort que niaiseux et crasse. On y a aussi une collection peu enviable de personnages antipathiques et de placement produit à faire pâlir les Transformers. Cet incroyable navet a inspiré Marc-André Roy, plus grand fan autoproclamé des Dangereux, à produire un balado exclusivement sur le film où il s’entretient avec tous les gens y ayant participé de près ou de loin.

Encore une fois, on peut tirer une belle leçon de ce film: ce n’est pas parce qu’on a les meilleurs ingrédients pour faire une recette qu’on ne va pas servir de la marde.

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Bonus : Livrés chez vous sans contact (Gaëlle D’ynglemare, 2021)

C’est une grande joie pour moi de voir Vincent Guzzo et Jean-Marie Corbeil tenter une récidive. Distribué et fortement publicisé dans tous les cinémas Guzzo de la province, ce film raconte l’histoire de deux humoristes à succès (Corbeil & Maranda) dont la tournée est annulée à cause d’une pandémie globale. Nos deux joyeux lurons décideront alors de se recycler en livreurs. «Leur cargaison? Des sketchs! » Il y a encore peu de critiques disponibles de ce film sorti le 18 juin, mais j’ai comme un pressentiment persistant en lisant le synopsis, une intuition, que dis-je, une prescience, qu’il a la trempe d’un nanar bien de chez nous.

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