Logo

TOP 4 – Pourquoi je n’ai pas la fièvre du voyage

Publicité

Quiconque est sur Facebook ou Instagram sait qu’il y a quelques rares sujets rassembleurs faisant presque toujours l’unanimité : les vidéos de petits chiens maladroits, les enfants avec le visage barbouillé de spaghetti et les souvenirs de voyages au soleil.

Nombreux attendent avec impatience les fatidiques deux semaines de vacances estivales. Ils espèrent secrètement sauter une journée de travail pour se la couler douce ou crier “Bye bye boss!” avec un drink dans un fruit avec des petits parasols colorés.

Le voyage, c’est le rêve.

Tout le monde aime voyager, moi le premier… mais je n’ai pas la fièvre du voyage.

  • Ça ne me manque pas.
  • Je ne compte pas les dodos avant mes vacances.
  • Économiser de l’argent pour un voyage? Bof.

Je suis un indécrottable cynique, de la grisaille d’une oreille à l’autre et un quotidien à gérer mes attentes à la baisse.

Si voyager est un rêve, il m’est particulièrement anxiogène quand je dois en parler.

Je n’ai officiellement pas la fièvre du voyage, voici pourquoi :

Publicité

1- Si mon quotidien est laborieux ici, pourquoi serait-il différent ailleurs?

Le problème avec les voyages, c’est qu’ils deviennent les moments marquants de nos vies. Deux semaines par année, on accumule du bonheur, des souvenirs, le “sens de la vie” pis toute. Mais, je fais quoi durant les 50 autres semaines?

Le poids du quotidien n’est pas un mythe. Métro-boulot-dodo pimenté de brassées de lavage et d’heures perdues à l’épicerie.

Si l’idée de s’évader de tout cela est alléchante, le retour est forcément pénible. C’est comme avoir le droit de manger des fruits juteux deux semaines dans l’été pour ensuite se contenter de raisins secs le reste du temps. Ça te décale le bonheur, les attentes, les envies. Le haut devient trop haut pour les bas du quotidien.

Ce qui me déplaît des voyages, c’est qu’ils se terminent. Pour certains, c’est un moment à atteindre, un nirvana, la fin qui justifie les moyens – c’est-à-dire travailler à temps plein, épargner et manger ses restants qui s’accumulent dans des tupperwares. Pour moi, voyager est la démonstration concrète que ma tête est lourde face à mon quotidien. Un rappel que oui, je suis capable de légèreté, mais avec un effort soutenu.

Publicité

2- Et si je ne revenais pas complètement?

Une autre angoisse reliée aux voyages : celle de ne jamais complètement revenir.

J’ai peur de partir et de perdre mon envie de revenir, parce que malgré la grisaille, ma vie elle est ici. Ma vie familiale, ma vie amoureuse, ma vie professionnelle. La vie que je me suis construite. Cette vie à laquelle je tiens.

Plus jeune, l’exil était une pensée récurrente. J’ai voulu, dans l’ordre : étudier à l’étranger, travailler à l’étranger et puis finalement déménager pour me réinventer. Je l’ai fait à petite échelle en quittant ma région natale pour Montréal et je n’y suis jamais revenu.

Si un petit mouvement latéral de quelques heures de route est devenu aussi permanent, imagine la tentation d’un grand élan et de plusieurs heures de vol.

Le corps se déplace sans problème, mais j’ai peur que ma tête ne revienne jamais. Qu’elle reste prisonnière de ses envies lointaines, des promesses d’une vie meilleure et de l’ivresse de l’exotisme.

Partir m’angoisse parce que la dérive existe.

Publicité

3- Si les gens me déçoivent ici, pourquoi faire des heures de route pour aller les voir là-bas?

Je suis inconfortable autour des gens, je ne me sens pas à ma place. Je ne suis pas à l’aise dans un groupe et mon rapport à l’autre est toujours alourdi par la perception que je présume qu’il a de moi.

Cette dualité entre le moi réel et le moi existant dans l’œil de l’autre est un fardeau que je traîne, comme Atlas et la Terre sur ses épaules.

En voyageant, je confronte mon inconfort face à l’Autre en y ajoutant une dose supplémentaire d’inconnu et d’imprévisible. Comme je suis en perpétuelle périphérie des gens, l’expérience humaine m’échappe souvent. En voyage, cette vie en périphérie ne change pas, l’expérience m’échappe et je suis déçu par cette vie que je ne contrôle pas.

4- Et si voyager c’était admettre nos échecs rien qu’un petit peu?

Quand ta passion c’est le voyage, est-ce que c’est parce que ta vie est une déception perpétuelle? Si tu ne vis que pour tes voyages, pourquoi se donner le mal de vivre tout court?

On me dit souvent que je rate quelque chose en ne voyageant pas beaucoup. Quelque chose comme le sens de la vie.

Publicité

Mais où est le mal si je souhaite améliorer ma vie de tous les jours, celle qui occupe la très, très grande majorité de mon temps, avant de consacrer de l’énergie à ses fameux voyages qui “forgent” la vie, la jeunesse?

Je suis un être pragmatique. Quand je trouve une formule où je me lève le matin avec l’envie de sourire, je n’ai pas besoin de décrocher, de prendre une pause au loin. Le voyage, dans cette quête d’alléger le quotidien, devient anecdotique, voire facultatif.

Oui, c’est plaisant voir du pays, faire autre chose, usé ses pneus sur le bitume américain, mais est-ce que c’est nécessaire? Est-ce que ça me démange à un point où tout tourne autour de l’achat d’un billet d’avion?

Non, je ne crois pas. Quand le voyage devient nécessaire, c’est peut-être parce que ta vie ne t’est pas satisfaisante… et ça c’est pas mal plus inquiétant que l’impression de “manquer quelque chose” parce que je n’ai jamais dormi dans une auberge de jeunesse.

Toi qui fais des “X” sur ton calendrier jusqu’à la petite case sur laquelle tu as dessiné un soleil avec un bonhomme sourire, je te plains un tout petit peu.

Publicité

***

Publicité