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Il y a deux mois, quand j’ai commencé à fréquenter le palais de justice pour ces chroniques, je croyais que j’allais être confronté à l’extraordinaire sale, alors que je suis désormais confronté à l’ordinaire le moins extraordinaire du crime.
Jeudi 9 octobre au matin, j’arrive trempé de sueur de bord en bord dans la salle 4.07 du Palais de justice de Montréal. J’ai pris une douche (chose rare) une heure auparavant, mais j’empeste déjà l’ours mal léché. J’ai mal dormi parce que ma vie, ces temps-ci, va pas tellement bien (un euphémisme). Je suis tellement visqueux que je me ferais même pas un fist bump à moi-même. Je m’écœure à mort.
Gab Roy, la star déchue du web québécois, est inscrit au numéro 32 sur le rôle pour les comparutions. Oui, 32 ! Faque, encore une fois, avec la patience d’un doberman à qui on a promis un steak, j’assiste sagement aux hostie de comparutions en rotant discrètement le McSaucisse que j’ai avalé en quatre bouchées en descendant la ligne orange. Fuck — j’ai mangé dans le métro, je m’écœure à mort.
— … vol d’un fer à friser.
Je lève les yeux, j’oublie les tatas qui veulent ma place, j’enligne straight le pauvre type menotté dans le box des accusés. J’ai l’esprit assez fort pour voyager dans le temps et je remonte quelques secondes en arrière.
L’homme, un pas commode juste à l’orgarder, plaide coupable pour le…
— … vol d’un fer à friser. Ce sera 6 mois de prison vu vos antécédents. Vous n’aurez plus le droit d’aller à la pharmacie Jean-Coutu située au 9021 boulevard Saint-Michel. Vous comprenez ?
— Oui.
— Je crois qu’il s’agit d’un bon moment pour vous de vous prendre en main. J’espère que cette sentence vous fera réfléchir. Il faut prendre vos médicaments, monsieur.
— Oui. Je sais.
L’homme quitte le box des accusés escorté par un gardien de sécurité. Un avocat se lève, parle d’une nouvelle cause, une affaire de voix de faits, il fait signe à son client, le gros beef qui me fait peur à côté de moi se lève et va s’adresser à la cour.
Il y a deux mois, quand j’ai commencé à fréquenter le palais de justice pour ces chroniques, je croyais que j’allais être confronté à l’extraordinaire sale, alors que je suis désormais confronté à l’ordinaire le moins extraordinaire du crime.
J’ai quitté la salle 4.07 parce que j’ai appris que Gab Roy n’y viendrait pas finalement (il y sera le 11 décembre), et je suis allé assister, pendant 3 heures, à l’horrible rapport d’autopsie de Jun Lin.
* * *
Je ne suis pas un spécialiste ni du droit, ni de l’appareil judiciaire, j’ai seulement une curiosité (un peu morbide, soit) envers le crime. Candidement, je ne fais que vous partager mes observations de « spectateur » en assistant à des audiences au Palais de justice de Montréal. Je me garde d’émettre des opinions tranchées sur les causes auxquelles j’assiste — je ne suis ni jury ni juge.
Il y a quelques semaines, le cloune qui commente l’actualité sur Sympatico, le glorieux Renart Léveillé, s’est fendu d’une chronique complètement débile à propos de la non-responsabilité criminelle. Léveillé, qui n’a pas trop l’habitude de réfléchir avant de parler, y empile niaiserie par-dessus niaiserie comme s’il s’agissait d’un buffet all you can eat.
« Quand je regarde Magnotta se défendre avec sa maladie mentale diagnostiquée avant le meurtre, je me dis qu’il avait au moins eu l’opportunité de faire preuve de responsabilité en prenant en main sa maladie avec de l’aide au lieu de suivre son délire meurtrier. »
Ça, c’est crissement du gros n’importe quoi, ça en est même vulgaire.
Et surtout, c’est très mal connaître la maladie mentale.
Qu’un média comme Sympatico permette à un de ses collaborateurs de publier de telles grossièretés, c’est totalement irresponsable.
Heureusement, dans les commentaires sous le billet, l’avocate Véronique Robert pulvérise le texte de Léveillé avec une chute impitoyable :
« […] vous admettez que son état mental l’a rendu incapable d’un meurtre au premier degré, et que le verdict aurait donc dû être un verdict de meurtre au deuxième degré. C’est quand même pointu comme « jugement », vous étiez au procès pour être aussi précis dans l’analyse de l’état mental de l’accusé? »
Léveillé n’a toujours pas répondu à ce commentaire. Il n’y répondra probablement jamais parce que, t’sais, c’est difficile d’avouer qu’on a parlé à travers son casque quand tout le monde sait depuis longtemps que tu parles à travers ton casque.
Quand je lis de telles sottises, voilà ce que je vois :
Le Canada a un excellent système judiciaire. Le remettre en cause pour une question émotive, c’est crissement tata (revoir la vidéo postée ci-dessus).
C’est triste de voir un « chroniqueur » exposer ainsi son ignorance devant tout le monde pour une poignée de clics. Je préfèrerais largement qu’un photographe de Nightlife vienne nous poser dans la salle de débordement du procès Magnotta, ou que Ton Petit Look fasse un reportage sur les magnifiques talons hauts que portent les avocates qui déambulent dans les couloirs du palais de justice. Ça, au moins, ça aurait le mérite d’être honnête.
Edouard H. Bond,
Montréal, octobre 2014
Image par MHP
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