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Une histoire banale, entendue mille fois.
Une histoire de cœur bien sûr. Les tranches de vie, c’est comme la psychopop : ça pogne et même si on connaît toutes les lois du bonheur pis du succès par cœur, on ne se lasse jamais de réaliser à quel point tout un chacun on patauge dans des bouettes semblables.
Et quand la bouette des autres est pire que la nôtre, c’est mieux.
Ça fait comme un baume par inversion.
Je vais donc entamer notre relation en embrassant ces paradigmes, l’ami. Parce que je suis comme toi, j’aime parler de moi. Et j’ai l’impression (très superficiellement, disons-le) qu’en me purgeant de la sorte, je vais me sentir nettoyée. Bien que j’en doute fort. Je suis ainsi, l’ami : du type enthousiasto-sceptico-assumée.
Bref.
Y’a deux ans, un beau matin d’hiver, je me suis réveillée pis j’ai su que c’était fini.
Fini, comme dans done deal, magie style, je me suis retournée vers moi-même, pis c’était fini.
Comme.
Quelque chose était laid, mort. Nécrosé. Quelque chose avait démissionné.
J’aurais pas su dire quoi. À ce moment-là, je sentais plus rien.
J’ai pensé, c’est moi le problème… C’est moi et mon endurance qui sommes finis. À tous niveaux. Je ne suis plus assez forte. Être dans mon corps me répugnait tout autant qu’être dans mon appartement.
J’ai pris sur moi. J’ai voulu être grande — raisonnable. Encore une fois.
Surtout ne rien montrer. Souris, fille, aweye. Il faudrait donc pas que le monde devine que t’as démissionné pis que t’es sur le bord de faire tes valises, et qu’à cause de ça, ils aient pitié de toi. Hahaha LOL potoum tish. Une blaguette qui n’attendait pas l’autre. Le festival Juste pour Rire des pauvres.
Ça voulait dire me punir pour être si faible. Me priver des choses qui me semblaient essentielles.
Parce que quand on est élevés comme je l’ai été, la faiblesse et l’échec, ça se punit. On s’en fait une loi intérieure.
Ça voulait dire, entre autres choses, me tasser de nous.
Toi pis moi, comme dans 5 ans de partage — d’échanges — de sexe brutalement bon pis de drôleries qui n’appartenaient qu’à nous. J’avais de l’expérience dans le ditchage du mâle, je savais que j’avais tout ce qu’il fallait de caractère pour te crisser dehors.
Déjà, premier signe de bizarrerie. Il fallait te mettre à la porte. À ce moment-là, je ne réalisais pas très bien. Je sentais que j’avais besoin d’espace, de plus d’espace. Tes objets avaient envahi mon lieu de vie. Tes idées avaient envahi ma tête. Du blabla politique. Notre intimité était conspirationniste. Toi pis moi contre le monde.
Et mon corps… mon corps qui ne t’appartenait qu’à toi. Je me punissais même intérieurement de penser à un autre. “Ta yeule, instinct de marde.” Je t’aimais tellement. Mon corps sans toi, je le savais, ce serait une poche de peau bien morne. Et un cerveau bien vide. Mais c’était plus toi pis moi, c’est rendu toi ou moi. Certains appellent leur psy dans la détresse, moi j’avais la toune du clan Panneton en boucle dans’tête à longueur de journée. Signalez le 937-0707. Monsieur le chauffeur du camion, j’ai pas d’électros à déménager, mais moi je suis ben lourde. Pouvez-vous-tu juste conduire longtemps pis me domper ailleurs? Juste ailleurs.
Je me suis levée ce matin-là — mon appartement sentait la litière et mon haleine aussi — comme tous les autres matins dans le fouillis de ce qui m’appartenait versus ce qui appartenait à d’autres : vieux t-shirts, souvenirs d’enfance, héritages familiaux, héritages de la société… le vélo stationnaire pour tighter mon cul, gogosses — gogosses — gogosses, les affaires que nos mères nous avaient offertes pis une bunch de bibelots du dollarama – WTF sérieux les bibelots. Pourquoi garder tout ça comme un musée cheap? De quoi avions-nous peur?
Y’avait d’autres choses aussi. Des choses d’amis, de collègues, et de la paperasse, de la paperasse à n’en plus finir. Nos vies en tas de papier brochés – décourageants.
Ouais.
Je me suis vue pour la première fois, dans ma maison à l’image de mon être.
Envahie.
Moi pis mon gros bon sens parti vivre aux Bahamas. Pis qui donne plus de nouvelles. Depuis un crisse de boutte.
Alors je t’ai mis à la porte.
Mais c’est fucked up, parce que tu m’as laissé tes affaires pendant 6 mois.
Métaphoriquement ça fait du sens tsé. C’est pas parce que quelqu’un prend la décision de faire du ménage dans sa vie que le ménage se fait. C’est long, pis tu peux pas payer une femme issue d’une minorité ethnique pour faire ça.
Aussi, tu as arrêté de payer ce que j’appelle aujourd’hui tendrement “les objets de notre affection”. Les huissiers sont venus parce que tu n’avais pas fait tes changements d’adresse. Et tu as tout simplement disparu en me laissant seule avec un prêt impayé. Blablabla poutine de séparation poche.
La gang du clan Panneton était un peu fatiguée de mes appels. “J’ai toujours pas beaucoup de choses à bouger, mais je suis de plus en plus lourde. Ça se fait-tu, juste me swinguer dans le fleuve? Il semble que ce serait le moving le plus astucieux. Pis je suis pas capable de le faire toute seule.”
Tu avais démissionné toi aussi. Mais contrairement à moi, tu n’avais pas l’intention de faire le ménage. Tu voulais juste domper ta marde ailleurs, quelque part. Ça te convenait parfaitement qu’elle soit dans les jambes de tout un chacun.
Surtout les jambes de celle avec qui tu avais partagé tous ces tendres moments.
J’ai eu l’impression d’avoir été abandonnée, tsé, comme un petit chat cute par des bobos qui s’achètent un condo de luxe. C’était long, ce 1er juillet-là. Une longue journée qui n’en finissait plus. Pendant des semaines, j’ai survécu avec un bruit de drone entre les 2 oreilles. Un genre de son assourdissant plein de gravité qui me buzzait nuit et jour. Les gens me parlaient et tout, et je sais que j’avais le Crazy Eye, tsé le petit sourire un peu too much… “Nenon ça va, ça va bien… je ne mange plus, je ne dors plus, mais fuck estie j’ai tellement pris la meilleure décision de ma vie là! Wouhou! Estie que je suis fière !”
J’ai cherché partout un fuckin sauveur. Une personne pour me sortir de ça. J’ai fait du pouce, pis j’étais prête à me faire ramasser. Je m’étais autodéclarée vieux meuble de bord de rue qu’on sacre là les jours de vidange.
J’ai hurlé : “pourquoi mouuuuuhaha” en buvant trop de shooters avec des gars louches de Longueuil.
Je me suis amourachée de gars qui me disaient que j’étais trop grande pour eux, qui pleuraient dans mes bras. Qui tentaient de me choker dernière seconde – nenon, je suis sauce traditionnelle moi, j’aime mieux respirer pendant l’acte.
Je me suis prise d’amitié pour un like dans Instagram. Je lui ai donné du sens, à ce like. Qu’est-ce qu’on ferait pas quand on est fucked up. Donner de l’importance à un mouvement de pouce qui dure exactement 1 seconde. Wow. Quelque part, on pense à moi. Le cœur qui bat pis toute.
Je t’ai appelé dans la nuit pour te dire n’importe quoi 8 fois de file en me disant que je m’étais trompé, de revenir. Estie que tu devais trouver ça weird. Toi que j’ai crissé dehors, reviens et reprenons cette relation toxique que nous avons construite sur des années! Je le sais que c’est pas bon, t’es comme une barre Mars qu’on aurait swingué dans de la friture… je te digère pas, mais tu goûtes tellement bon.
“Salut, c’est moi. Juste parle-moi, je veux juste que quelqu’un me parle. Viens ici. Viens juste me parler. Oh pis mets une cape rouge SVP, pis si tu pouvais me soulever de terre, pis qu’on s’envole pis qu’on décrisse loin loin, ce serait top, ok bye.”
J’avoue que parfois, je l’espère encore ce sauvetage-là. Mais je me gère. L’autre jour j’ai rencontré Robert Lepage et ça s’est très bien passé. Je n’ai pas déchiré mon t-shirt en criant “SAUVE-MOI BOB”. Ça m’a même pas tenté. Faut croire que je chemine.
J’écoute des conférences d’Alan Watts.
Je médite sur la puissance de l’énergie et de la pensée.
Je lis des livres.
Je bois des jus verts.
Je prie. Fuck man tsé. Je prie. Tu te rends compte ? Estie que tu rirais de me voir, le cul sur mon boulder, en train de mentalement m’imaginer te remettre une rose blanche. Je prie même pour toi. Namasté tabarnak.
Des fois, sur mon tapis de yoga, j’ai des vagues de colère tellement grandes qui me traversent que je suis obligée de m’étendre pis de brailler, encore. Et je sais qu’une émotion est un nuage dans le ciel. Mais des fois, ça me traverse comme un gros orage, qui m’enlève la foi, tu comprends. Ça me transperce encore et je me surprends des fois à commencer à pitonner malgré moi le numéro du Clan P.
Parce que ç’a pris 1 an et demi pour me détacher légalement de toi.
1 an et demi de menaces de faillite personnelle, de téléphones de la banque et d’incertitudes. De silence de ta part. Ton inconséquence fut vengeresse. Et notre rupture fut à l’image de notre amour : je l’ai gérée toute seule.
Je pense que je peux officiellement dire que j’ai des petits neurotransmetteurs de maganés.
Avant je sentais rien.
Là, je sens toute-toute-toute.
Comment à grands coups de taloches en arrière de la tête, la vie m’a hurlé tout ce temps que je m’étais abandonné moi-même. Je t’ai fait passer en avant de moi, de toutes choses.
Je me suis mise dans tes mains, pis j’ai espéré que tu me sauves.
Et tu m’as sauvé. Tu sais.
Te crisser dehors a été le premier véritable jour de ma vie.
La première vraie affaire que j’ai faite pour moi.
Mon appartement est encore désordonné. Et non, je ne suis pas déménagée. Ça fait deux ans, mais des fois, je découvre (encore) des petits bouttes d’affaires qui portent ton odeur.
Et je ne suis pas guérie. Moi, mon impatience pis mes lois intérieures, on se trouve ben poches des fois d’être encore en train de trier des ustensiles en pleurant sur du Adèle. On fait pas exprès, Adèle, ça te pogne tout le temps par surprise anyway. Cette fille-là est venue sur Terre pour purger nos ruptures de marde, alors acceptons-le pis c’est toute.
Mais je sais que tout cela ultimement n’a aucune importance. Si je t’écris tout ça aujourd’hui c’est que je fête maintenant avec un nouveau calendrier. T’es comme Jésus man, mais tu splittes pas l’Ancien Testament du Nouveau… t’as sacré une bombe dans ma vie, qui m’a fait naître dans cette étable, entre le bœuf et l’âne gris.
Faque merci, garçon-fantôme. Tu as mis le feu dans ce qui était faux. Tu m’as révélé à moi-même.
Mais surtout, high five, petite fille qui apprend (encore) à marcher. Qui plus jamais n’aura besoin d’être sauvée par qui que ce soit.
NB — Mon ménage est pas pire pour vrai.
VARO
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Pour lire un autre texte sur la rupture amoureuse : “Depuis que mon ex a live-tweeté notre rupture” de Rose-Aimée Automne T. Morin