Logo

Tirez-moi un Éric dans l’cœur

(arrachez-moi les Crocs de la tête)

Par
Catherine Ethier
Publicité

Mes hommages.

Ces dernières semaines, j’ai, pour la première fois depuis sept ans, pris de vraies vacances. Pas de courriels, pas de meetings, pas de brassière. La liberté à la glotte et le cutex sur les orteils qui sèche par la fenêtre du char, j’ai mis le cap sur les Îles-de-la-Madeleine (à défaut de mettre le Cap sur l’été).

Sitôt arrivée, sitôt émue. On me l’avait dit, on m’avait prévenue en m’empoignant par le collet de chemise avec la petite flamme de l’épicurien qui a vu du pays et qui a de la misère à faire le ménage dans sa phrase entre bateau-galets-Madelinots-clams-être-sua-sauce-à-Cap-aux-Meules: c’est beau, les Îles.

Et c’est qu’il y avait de l’activité et de la gens de qualité au pouce carré dans l’archipel, je vous en passe un papier. Quand c’était pas Pierre-Karl en coat jeans après fumer sa Craven A pendant l’entracte du show de Paul Piché (PAUL PICHÉ Y ÉTAIT), c’était ce bougre de prince russe d’Alex Nevsky qui étrennait son nouveau et si délicieusement rafraîchissant couvre-chef en poussant chansonnette pour le bon peuple et ses laissés pour compte qui ne savent pas différencier le marron du jaune moutarde.

Publicité

Six jours. Six jours à pas savoir si je devais vivre le nightlife maritime dans une salle de spectacle devant des chanteurs meilleurs que le Pepsi ou sur un quai à suçoter de bigorneaux. Chaque fois, le coucher de soleil (avec des tostitos) l’emportait sur l’artiste.

Mais un soir, un soir j’ai cédé.

J’ignore qui de mes mains ou de ma tête a pris le dessus sur la transaction, mais un samedi soir, avant même de comprendre ce qui se passait, j’avais des billets pour Éric Lapointe. Pas donnés. Pas offerts ironique par un chummé ni brandis en échange d’un article ou d’un clamato. Un achat de type « pleine conscience ».

Les vacances m’allaient décidément mieux que tout ce que j’avais espéré. Parce qu’avant de partir, je m’étais promis de dire oui à tout. De me perdre l’arche du pied dans du sable fin, d’être malade au pot-en-pot et d’arborer fièrement la pancake capillaire madelinoise issue du croisement entre l’air salin et le vent qui t’écorne le bœuf de la tête. Ouverte à tout. Je ne m’attendais simplement pas à passer mon premier samedi soir aux îles à fredonner « OUÉ, VIVE LE CUL! » en me dandinant devant Ti-cuir.

Faut saisir le jour, qu’ils disent. Et jour fut saisi.

Publicité

D’abord, le premier constat que tu fais quand tu vas voir Éric Lapointe aux Îles, c’est que t’avais pas prévu aller voir Éric Lapointe aux Îles quand t’as fait ta petite valise. Ça fait que t’es rassuré d’arriver à la salle de spectacle et de constater que t’es pas tuseul en Crocs.

L’ambiance était guillerette. Électrique-sexée. Mais une fois ma Budlight en main et mon coupe-vent noué autour de la taille, la première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est: « Quessé que je fais icitte? ».

Deuxième constat: je savais pas pantoute ce que je faisais icitte.

Lovée entre deux groupes de pêcheurs qui avaient certainement pas l’intention de pas profiter de CHAQUE INSTANT du plus gros happening à leur secouer les gumboots depuis le début du homard et bumpée toutes les quatre secondes par une secrétaire rockeuse en nuisette qui a hâte d’opiner de la couette fontaine sur l’énoncé attestant qu’il n’y a certes rien de plus tendre qu’une paire de fesses, je me suis dit que tout ce qui me restait à faire, c’est de me laisser porter (comme Alexandre Champagne au moment de choisir ce qu’il allait se faire tatouer sur les omoplates).

Publicité

Après tout, Éric a bien écrit « N’importe quoi ». Elle est pas pire. Son époque « Invitez les vautours » m’avait charmée. Et il est plutôt fortiche en balades et en chemises de lin sur un catamaran. Plus j’y pensais, plus ce show-là était tout indiqué pour mon Compostelle aux Îles.

Mais j’étais là pour l’expérience. Rire en coin, là. J’étais pas fan (t’acoup on m’apercevait et m’étiquetait du coup de fan transie. Mon faciès se devait d’afficher une indifférence teintée d’une curiosité scientifique. SCIENTIFIQUE).

Éric arrive. Il est en forme. Et il est aussi emotional.

« Ça fait 20 ans que je travaille pour venir jouer icitte »

Vingt ans.

Vingt ans de carrière, de cirrhoses et de faces puffées dans le 7 jours POUR VENIR JOUER AUX ÎLES, qu’il nous disait. Une vie à se battre. Une vie pour venir roter dans le micro pour nous-autres.

Je me tenais droite. Éric allait pas m’avoir.

Publicité

Deux minutes plus tard, je pleurais comme une Madeleine sur « Un beau grand slow », vulnérable comme les cannes de Luc Picard paraplégique dans le clip.

Et pas qu’une humidité de coin d’œil. UN TORRENT DE LARMES. Un sortir du placard.

C’est que ce petit verrat de Ti-Cuir sait faire. Je suis loin d’avoir assisté au concert du baquet magané qui échappe sa robine sur sa setlist auquel je m’attendais. Éric était fougueux, réglé au quart de tour et connaissait les rouages du déhanchement en boléro de cuir comme pas un. Le professionnalisme de Madonna combiné à la sudation d’un sac de fromage en crottes mûr pour la dégustion. Un raisin gorgé de soleil. La Toscane dans des jeans cigarette.

Bon. Je suis peut-être encore sur le high du retour de vacances. Vulnérable. Mais je vous laisse tout de même sur la phrase qui a mis fin à ma veillée rock:

« Moé, j’ai pas faite une croix sué femmes. Mais j’ai faite une croix su’ l’amour »

J’ai couru me cacher aux toilettes; mes pleurs devenaient sonores.

La bise.

PS TENDRESSE :: les Îles, c’est trop pour moi.

***

Pour lire un autre texte de Catherine Ethier : “Ralentir le groupe”

Publicité