.jpg)
Tinder, ce n’est plus pour moi
Je vais commencer avec un aveu : j’y crois encore que Tinder peut substituer le hasard d’emprunter de l’assouplissant à une belle fille à la buanderie pour faire des rencontres marquantes. J’en suis la preuve vivante – j’ai eu une longue relation avec une fille rencontrée sur Tinder lors d’un rendez-vous impulsif en fin de soirée.
J’y crois encore à la magie de construire du beau après la pulsion initiale de s’explorer mutuellement la chaire… même si Tinder n’est clairement plus pour moi.
Pourquoi j’ai l’impression que Tinder n’est plus pour moi?
C’est du moins la conclusion hâtive que j’en tire après un peu plus de deux semaines à fouiner sur l’application.
Je l’avais délaissée depuis tellement longtemps que j’étais étrangement nostalgique de la chose, je n’en gardais que les beaux souvenirs, mais le charme s’est vite dissipé.
Pourquoi j’ai l’impression que Tinder n’est plus pour moi? Pour les mêmes raisons que je n’ai jamais été le gars téméraire (ou idiot) qui sillonne les bars en solo dans l’espoir d’accoster une femme quand les lumières se tamisent. Il y a une joute qui se joue sur Tinder qui me dépasse, sûrement parce que je vois les ficelles et elles m’empêchent d’embarquer dans le jeu.
Je suis d’une banalité troublante.
Je m’explique.
Tout d’abord, je n’ai pas de photos de moi en train de faire de l’escalade après un color run avec Guillaume Lemay-Thivierge et un animal exotique. Je suis d’une banalité troublante – c’est-à-dire un père trentenaire à temps partiel qui cache son air bête avec sa barbe.
Ensuite, j’ai l’impression que toutes ces filles passionnées par les voyages et les «bonnes choses» sont générées aléatoirement par un algorithme. Il n’y a pas de trait de personnalité perceptible derrière, c’est une collection de photos de voyage avec des mots-clés : bonheur, rire, vin, voyage, alouette. Que des évidences étalées, comme une singulière similitude.
Si tu as de l’intérêt, oublie les règles du jeu et daigne dire bonjour.
Alors, tu «swipes» sans même faire la différence. Gauche ou droite, elles n’existent probablement pas et, si par malheur un match s’illumine sur ton écran, tu te doutes que tu es un match parmi tant d’autres et l’initiative ne viendra jamais d’elle.
Je peux comprendre que s’est blasant d’être trop sollicité sur ce genre d’application, mesdames, mais faire les premiers pas n’a jamais tué personne. Si tu as de l’intérêt, oublie les règles du jeu et daigne dire bonjour. Personne de ton entourage ne va te juger, c’est promis.
Des selfies torse nu dans le miroir, c’est non.
Autre truc qui recoupe ce que je disais plus haut : qui, dans la vie, n’aime pas les bonnes choses, voyager, rire et le plaisir? Pourquoi tu te sens le besoin de le souligner? Tu veux écarter qui au juste? Ceux qui capotent sur la mauvaise nourriture, aiment se faire chier avec une passion vibrante et brailler toute la soirée le vendredi? Tant qu’à ça, vous pourriez ajouter que vous respirez de l’air au quotidien.
Aussi, j’en jasais avec quelques amies qui m’avouaient que les gars, souvent, n’avaient pas le tour de se mettre en scène sur les photos. Des selfies torse nu dans le miroir, c’est non. Mais mesdames, des photos de vous avec vos chats, ça ne nous intéresse vraiment pas. Si les «douchebags» vous font swiper à gauche automatiquement, je peux vous assurer qu’une fille qui parle de ses chats comme de ses enfants provoque le même effet.
J’ai l’impression que les gens utilisent Tinder pour meubler du temps quand ils sont sur le bol de toilette.
Si, par un hasard incompréhensible, des messages sont échangés sur l’application, je réalise rapidement que mon sarcasme naturel ne passe pas toujours bien – surtout quand «hihi» est une réponse beaucoup trop fréquente. Posez-vous la question: si quelqu’un vous parle dans la vie, allez-vous simplement lui répondre par un petit rire timide en regardant ailleurs? Non, alors pourquoi le faire sur une application qui, supposément, existe pour faciliter les rencontres?
Quand je dis que Tinder n’est plus pour moi, c’est parce que j’ai de plus en plus l’impression que les gens l’utilisent pour meubler du temps quand ils sont sur le bol de toilette. On regarde des photos de gens, on juge, on se compare, on ferme l’app pour s’essuyer et on passe à autre chose.
L’envie de substituer les hasards de la vie n’existe plus – sauf dans les comédies romantiques ou tu peux vivre ta vie avec l’espoir d’un jour te faire frapper par la voiture de la femme de ta vie qui se couvrira d’excuses avant de t’ouvrir son cœur.
Je suis blasé et amer, c’est vrai, mais à ma défense Tinder ne m’aide pas. Ça exacerbe la rancœur que je trimballe au quotidien et ça me confronte à des questions déstabilisantes.
– Je cherche quoi, au juste?
– Si je croise une amie Facebook sur Tinder, dois-je swiper à gauche ou à droite?
– Même chose pour une collègue de près ou de loin, c’est quoi la consigne là-dessus?
– Et les connaissances d’ex-fréquentations, on fait quoi avec ça?
– Est-ce que ça existe une femme de mon âge qui ne me perçoit pas comme un géniteur potentiel?
– Est-ce que je suis sur Tinder seulement parce que je trouve ça difficile de savoir que mon ex a une nouvelle fréquentation alors que j’ai la disponibilité émotionnelle d’une roche qui calle dans un lac?
Je me rends compte que je juge beaucoup trop les gens sur des détails anodins.
Tinder n’est plus pour moi à cause de toutes ces questions et du grand vide que je ressens, le soir, dans mon lit, quand je swipe de gauche à droite avec le FOMO au bout des doigts au lieu de dormir paisiblement.
Aussi, je me rends compte que je juge beaucoup trop les gens sur des détails anodins – et je me trouve laid d’être instinctivement comme ça alors que je suis très vocal sur l’égalité, le féminisme et la possibilité d’être authentique sans se faire juger par les autres.
On va le se dire, être confronté à sa propre laideur en cherchant de l’affection sur son téléphone, ça relativise pas mal tout. Mais si vous me cherchez, vous pouvez me trouver sur Tinder dans le rayon des blasés qui veulent encore y croire, malgré tout.