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TikTok: le terrain de jeu des créateurs de demain
Après plus d’un an à explorer l’application TikTok, je suis toujours aussi fascinée qu’aux premiers jours.
L’app a beaucoup fait parler d’elle, notamment en ce qui concerne le manque d’information sur la nature et la quantité de données des utilisateurs que celle-ci récolte, mais aussi sur l’usage qu’elle en fait.
Bien entendu, il faut rester prudent et critique à ce sujet. Cependant, ce qui me fascine réellement, c’est la façon dont les jeunes utilisateurs utilisent la plateforme. Comment ils se la sont appropriée, à quelles fins ils l’utilisent, comment ils repoussent les limites du médium, comment ils détournent ou inventent de nouveaux usages aux outils de l’app.
S’y intéresser sous cet angle, c’est ouvrir non pas une, mais plusieurs fenêtres sur la psyché de la génération Z, ça permet de découvrir quels sont leurs intérêts, comment ils communiquent entre eux, comment ils voient le monde, quelles sont leurs inquiétudes, etc.
Une application pour jouer
J’ai souvent lu et entendu des commentaires de parents et d’adultes comme quoi les jeunes sont tout le temps sur leur téléphone, qu’ils n’y font rien de bon, qu’ils passent leur temps à se prendre en selfie ou à d’autres activités superficielles. On se plaint surtout de ne plus voir les jeunes jouer «comme avant» à des jeux «classiques».
TikTok est un véritable terrain de jeu pour les artistes et les créateurs de demain.
Or, si j’en crois mes observations et mes recherches, les jeunes que je vois sur TikTok n’ont pas cessé de jouer, et encore moins de jouer à des jeux «classiques». Au grand contraire.
TikTok est un véritable terrain de jeu pour les artistes et les créateurs de demain. Je suis toujours époustouflée par la créativité présente sur cette app.
Et à cet égard, je pense qu’il est important au minimum de reconnaître les bénéfices créatifs de cette application, au lieu de la craindre ou de croire qu’il ne s’agit là que d’un simple réseau social superficiel ou pire, de croire que les jeunes n’y font rien d’intéressant.
Les plus grands artistes jouaient, eux aussi
Laissez-moi vous proposer d’abord une réflexion historique, question de normaliser un peu plus l’attrait des jeunes pour la plateforme.
C’est un fait bien connu, le jeu est essentiel au développement des humains (et même des animaux). C’est en jouant qu’on développe des habiletés physiques, motrices, cognitives, et le langage. C’est en jouant qu’on explore nos émotions, qu’on connecte avec d’autres, qu’on apprend à vivre avec d’autres, qu’on apprend comment vivre point.
C’est aussi en jouant qu’on développe notre créativité. On peut d’ailleurs le constater en s’intéressant aux juvenelias de grands artistes, c’est à dire leurs oeuvres de jeunesse.
Mozart, par exemple, a composé sa première pièce à l’âge de 5 ans.
La fratrie Brontë, c’est à dire les autrices Charlotte, Emily, Anne et leur frère Branwell a passé l’essentiel de leur enfance et de leur adolescence à créer minutieusement des univers imaginaires peuplés de nombreux personnages à propos desquels ils écrivaient différentes histoires et aventures. Ils consignaient ces histoires dans de tout petits livres qu’ils fabriquaient eux même.
Source: Smithsonian Magazine
Entre 6 et 10 ans, Salvador Dali s’amusait à peindre des paysages sur des cartes postales.
Source: Musée Salvador Dali
À l’âge de 10 ans, le réalisateur Wes Anderson créait des films avec son frère Mel, sur la caméra Super 8 de leur père. Les courts films muets mettaient en vedette les enfants du voisinage.
Avant même l’école, c’est à travers le jeu que ces artistes développent leur créativité, explorent leur imaginaire, s’amusent avec les codes, les couleurs, les compositions, les narrativités.
Avant même l’école, c’est à travers le jeu que ces artistes développent leur créativité, explorent leur imaginaire, s’amusent avec les codes, les couleurs, les compositions, les narrativités.
Les historiens de l’art reconnaissent depuis longtemps l’importance des oeuvres d’enfance dans l’évolution d’un artiste. En 2017, l’organisme ProjectArt a organisé une exposition intitulée «My Kid Could Do That», qui présentait les oeuvres d’enfance d’artistes et d’illustrateurs contemporains célèbres. L’exposition avait pour mission de mettre en lumière l’importance de l’éducation artistique pour les enfants.
À la lumière de tous ces exemples, on peut aisément faire un parallèle avec ce que certains jeunes créatifs font sur la plateforme TikTok.
Qu’il s’agisse de sketches humoristiques,
de mini-films,
de montages esthétiques,
de segments d’animation,
de création de memes,
de reconstitution d’événements marquants de leur vie,
ou simplement de contenus amusants ou absurdes,
Les jeunes Z s’amusent avec les fonctions de l’application (le montage, l’habillement sonore, les effets visuels, etc.) pour créer et développer des habiletés autant techniques que narratives qui leur seront précieuses dans plusieurs aspects de leur vie créative et professionnelle.
Et il ne faudrait pas négliger non plus la visibilité que leur procure l’app, ainsi que les possibilités de connecter avec d’autres créateurs.
Pour toutes ces raisons, je pense qu’il est important de ne pas réduire l’importance et l’impact de cette application et que ça vaut la peine de s’y intéresser et de s’intéresser à ce que les jeunes y créent comme contenu.
Cette app contient des perles d’innovation en termes de créativité et de story-telling, sans aucun doute les germes de futures tendances globales.
Alors la prochaine fois que vous verrez un.e jeune les yeux rivés sur son iPhone et que vous sentez le jugement et l’exaspération monter en vous, souvenez-vous qu’il ou elle est peut-être tout simplement en train de créer.