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« The Rising » : votre mélodrame goth du temps des Fêtes

Une série parfaitement imparfaite, c'est encore mieux qu'une série parfaite!

Par
Benoît Lelièvre
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Vous souvenez-vous de la série Angel?

Ce dérivé de Buffy contre les vampires un peu boboche mettant en vedette le beau David Boreanaz? C’était ridicule, mélodramatique, un tantinet mal écrit et plutôt excellent. Ça se regardait sans faire d’efforts, comme un équivalent télévisuel de manger des chips. (Pas si) secrètement, j’adorais ça.

Les standards de ce qui constitue « de la bonne télé » étaient beaucoup plus bas à l’époque. Les prestigieuses séries comme Oz, The Sopranos ou The Wire représentaient l’exception et non la norme. J’aimais ça, moi, les séries un peu ridicules écrites avec cœur et ambition : Friday Night Lights, Dr. House, Lost et compagnie. Elles demandaient peut-être un peu plus de bonne foi, mais elles compensaient avec une intensité qui n’en avait que faire des modèles classiques de narration dramatique.

Ces séries existent encore aujourd’hui, mais elles sont devenues plus rares pour des raisons commerciales : la compétition est beaucoup plus forte qu’elle ne l’était à l’époque alors que toutes les plateformes veulent que leur série devienne le sujet de conversation de l’heure. J’ai cependant trouvé l’un de ces petits bijoux.

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The Rising est une minisérie britannique qui fait le bonheur des fans de séries parfaitement imparfaites depuis trois semaines sur Crave. Avec encore cinq épisodes à diffuser à raison d’un par semaine, ce délicieux mélodrame gothique promet de vous garder au chaud pendant les Fêtes.

Enquêter sur son propre meurtre

The Rising, c’est l’histoire de Neve Kelly (Clara Rugaard), une adolescente rebelle qui se réveille un beau matin au fond d’un lac. Transie et sans aucun souvenir de sa veillée, elle se dépêche de rentrer chez elle pour se rendre compte que sa mère ne la voit pas et que son cou est cerclé d’une ecchymose qu’on retrouve chez les victimes de meurtre par étranglement. Neve est morte, mais elle est la première à le découvrir.

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Impuissante, elle doit assister à la dévastation de ses proches lorsqu’ils retrouvent son cadavre.

Pour Neve, pas de paradis, pas d’enfer. Pas même d’au-delà. Rien n’a changé, sinon la tristesse et le deuil de tout le monde qu’elle connaît.

Bon, je vous le donne. C’est wild comme prémisse. Il faut avoir un penchant pour les intrigues surnaturelles et une patience pour les incongruités, comme le fait que Neve ne peut toucher personne, mais peut encore inexplicablement conduire sa moto. Ceci dit, l’idée d’une victime de meurtre qui doit enquêter sur son propre sort est géniale et le traitement de l’équipe de création (ils sont huit concepteurs) est anxiogène à fond. Pour Neve, pas de paradis, pas d’enfer. Pas même d’au-delà. Rien n’a changé, sinon la tristesse et le deuil de tout le monde qu’elle connaît.

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Donc, The Rising est une série surnaturelle en théorie, mais son atmosphère repose sur le principe freudien de la défamiliarisation. Ce n’est pas épeurant en termes de fantômes et de phénomènes paranormaux. Ce sont plutôt des scènes comme celle où Neve assiste à sa propre autopsie qui resteront avec vous. Malgré les stéréotypes comme le père alcoolique, le beau-père condescendant et le chum athlétique qui a secrètement une mauvaise estime de lui-même, The Rising réussit à tirer son épingle du jeu à travers la transcandente Clare Rugaard. C’est à travers l’expérience terrifiante de Neve qu’on compatit avec elle et qu’on s’investit dans une histoire digne d’un roman d’Edgar Allan Poe.

Le problème existentiel avec la mort

The Rising n’est pas qu’un rouleau compresseur de suspense et de scènes émotionnelles. La série propose aussi quelques réflexions intéressantes à propos du deuil. Surtout lorsqu’il est question de morts violentes.

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L’un des points forts de la série (du moins, au courant des trois premiers épisodes), c’est le sentiment d’injustice qui dévore Neve alors qu’elle observe son entourage pleurer, faire des vigies et tranquillement essayer de donner du sens à sa mort afin de pouvoir passer à autre chose. C’est humain de vouloir faire son deuil après la mort d’un.e proche, mais lorsque cette personne a injustement perdu la vie, l’exercice ne devrait-il pas viser de leur rendre tout d’abord justice?

L’un des points forts de la série (du moins, au courant des trois premiers épisodes), c’est le sentiment d’injustice qui dévore Neve.

Parce qu’au-delà d’une enquête surnaturelle gothique, The Rising est un portrait d’une petite ville étouffée par sa propre inertie. Un puissant besoin de réconfort règne chez ses habitant.e.s. Ils et elles souhaitent presque tous silencieusement que « ça redevienne comme avant », même si ça signifie laisser Neve dans le passé.

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Quand on meurt, on laisse une trace dans la mémoire de nos proches. C’est donc leur responsabilité qu’on se souvienne d’une personne décédée pour les bonnes raisons et c’est un peu la quête de Neve.

« Je ne serai pas une victime », résume-t-elle au deuxième épisode.

Il reste cinq semaines de diffusion à The Rising. Prenez le temps de regarder les trois premiers épisodes en rafale et de faire la paix avec les personnages de soutien un peu mal dégrossis. La quête de justice de Neve Kelly en vaut la peine!