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THE OWLS ARE NOT WHAT THEY SEEM

Twin Peaks, House of Cards, les Russes et Seth Rich…

Par
Mathieu Roy
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Morpheus, La Matrice

***

Ceux qui, comme moi, ne pouvaient rater une seconde du retour, 25 ans plus tard, de la série télé Twin Peaks, de Mark Frost et David Lynch, auront probablement été soufflés par la beauté de cette pièce qui concluait l’épisode 5, suivant l’énigmatique Doug — alias agent Cooper — catatonique devant la statue d’un homme pointant son revolver vers le ciel.

Je ne dirai rien sur l’intrigue de la série qui s’est achevée le week-end dernier, ni ne spoilerai quoi que ce soit, sauf pour dire que Lynch a offert à mi-saison une séquence hypnotisante et sublime, terrifiante mais fascinante, un épisode-voyage rompant avec les codes de la série télé et rivalisant cinématographiquement sans gêne avec la séquence de genèse de Tree of Life de Terrence Malick ou la séquence Star Gate de 2001 : Odyssée de l’espace de Kubrick.

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La saison 3 de Twin Peaks confirme donc le génie de David Lynch, qui réfléchit lui aussi aux ramifications de l’État profond, jonglant habilement entre réalisme, occultisme et symbolisme et présentant des trames narratives enlevantes sous le couvert d’enquêtes policières, de disparitions, de meurtres inexpliqués et de projets militaires secrets.

The owls are not what they seem – cette phrase emblématique issue de la deuxième saison de Twin Peaks diffusée il y a 25 ans — ne m’est jamais sortie de la tête lorsque j’ai découvert et suis devenu maniaque de cette série maintenant devenue culte. Il faut dire qu’elle est dite à l’agent spécial du FBI Dale Cooper, tel un indice révélé en rêve par un géant! Cette phrase revient plus tard dans l’intrigue, ici par exemple dans cette étrange conversation entre Cooper et le Major Briggs.

Plusieurs analogies ont été faites entre l’histoire fictive de House of Cards et les activités criminelles alléguées imputées au clan Clinton.

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« The owls are not what they seem » se traduit littéralement par « les hiboux ne sont pas ce qu’ils ont l’air », mais il ne faut pas prendre cette métaphore au premier degré. L’œuvre de Lynch englobe une multitude de symboles et d’énigmes. Ici, cette expression codée sous-entend que des forces du mal se masquent et n’apparaissent pas sous leurs véritables identités.

Une expression que les héros de House of Cards n’auraient pas la moindre difficulté à saisir! Même si Twin Peaks offre à mon avis une expérience bien plus inspirante et enrichissante, j’avais tout de même englouti ce printemps la dernière offrande de House of Cards, qui, outre quelques répliques de Robin Wright, ne donnait rien de très intéressant à ruminer sauf l’apparente compréhension éclaire de Frank Underwood vers la fin de son « mandat » que « the real power is not here in this (white) house, but lies deeper with corporate power (…) I could be of much more help to us in the private sector with defense contractors… », ce qui se traduit par : « Le vrai pouvoir n’est pas dans cette maison (blanche), mais se cache plus profondément dans les sphères financières et corporatives. Je nous serai plus utile dans le complexe militaro-industriel… »

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Mieux vaut tard que jamais, ont dû se dire les scénaristes, qui ont même inclus une scène montrant des rituels d’une société secrète qui rappelait l’infâme club Bohemian en Californie.

Plusieurs analogies ont été faites entre l’histoire fictive de House of Cards et les activités criminelles alléguées imputées au clan Clinton.

C’est à ça que je réfléchissais en lisant cette nouvelle relatant la mort de Klaus Eberwein, un haut placé du gouvernement haïtien qui devait témoigner devant une commission sénatoriale haïtienne pour exposer les crimes de la Fondation du clan Clinton qui aurait détourné d’importantes sommes vouées aux efforts de reconstruction suite au dernier ouragan ayant frappé l’île. Eberwein avait déjà dit en entrevue : « The Clinton Foundation, they are criminals, they are liars, they are thieves, they are a disgrace. » Traduction : « La Fondation Clinton, ce sont des criminels, des menteurs, des voleurs. Ils sont une disgrâce. » Comme dans une trame narrative de House of Cards, il semble que le pauvre Eberwein se soit (fait) suicidé (r) juste avant de témoigner devant ladite commission! Quel timing!

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SETH RICH vs LES RUSSES

Mais le feuilleton estival préféré des chaînes traditionnelles d’information aura été celui du soi-disant « hacking russe » dans l’élection présidentielle américaine ayant couronné Trump.

Si vous avez sagement choisi de fermer le téléviseur cet été, je vous confirme que cette histoire a monopolisé les bulletins de nouvelles et a engendré un délire politique ubuesque qui montra la porte de sortie à un directeur du FBI, en recyclant un ancien pour soi-disant enquêter sur cette collusion.

Le feuilleton estival préféré des chaînes traditionnelles d’information aura été celui du soi-disant « hacking russe »

En marge des grands réseaux de télévision et journaux du mainstream, plusieurs anciens analystes de la CIA, dont Ray McGovern, et de vétérans journalistes tels que Seymour Hersh et Robert Parry continuent de dire depuis des mois qu’il n’y a eu aucun « hack » (piratage) des serveurs du Parti démocrate, mais bien un « leak » (une fuite).

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Le site Newsbud de l’ancienne du FBI et tireuse d’alerte Sibel Edmonds présente dans une courte vidéo un récit quelque peu différent qui cartographie les arcanes des fameuses 17 agences de renseignement américaines. Il y est question de l’influence de l’Atlantic Council, de Crowstrike, de Debbie Schultz du DNC, de George Soros et d’autres étoiles de la constellation Clinton… ce qui nous ramène à la fuite.

Entre en scène Seth Rich, un employé du parti démocrate qui est assassiné près de chez lui à Washington le 10 juillet 2016.

Depuis ce meurtre, plusieurs journalistes et sites de nouvelles en marge des médias grand public enquêtent et soulèvent rapidement la possibilité que Rich ait été à l’origine de la fuite libérant des dizaines de milliers de courriels des serveurs du DNC dont plusieurs très compromettants d’Hillary Clinton, de John Podesta et d’autres bonzes du parti démocrate. En somme, ces fuites confirment que le Parti démocrate n’allait pas laisser Bernie Sanders l’emporter et que tous les coups étaient permis pour faire couronner Hillary.

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Le journaliste Mike Whitney publiait en mai dernier une analyse intéressante dans laquelle il se demande pourquoi les médias n’enquêtent pas sur le cas Seth Rich, préférant blâmer les Russes.

Cette question est d’autant plus pertinente qu’il semble maintenant très probable que Rich soit entré en contact avec le journaliste d’enquête Gavin McFadyen, aujourd’hui décédé, qui dirigeait Wikileaks depuis Londres. Rich aurait ensuite rencontré Craig Murray, ancien ambassadeur britannique et proche de Wikileaks, en secret dans le boisé d’une université américaine. C’est Murray lui-même qui a offert de témoigner publiquement et ainsi révéler hors de tout doute l’identité de celui qui a fait couler les courriels d’Hillary Clinton vers Wikileaks. Personne n’a, à ce jour, relancé Murray sur son offre.

« Un homme de 27 ans qui travaillait pour le Parti démocrate a été assassiné sans raison apparente.»

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Sans confirmer que Seth Rich était bel et bien la source de la fuite du serveur du Parti démocrate, Assange et Wikileaks ont offert une récompense de 20 000 $ à quiconque pourrait aider à éclaircir son meurtre. « Un homme de 27 ans qui travaillait pour le Parti démocrate a été mortellement atteint par balles dans le dos, assassiné sans raison apparente alors qu’il marchait dans une rue de la ville Washington » expliquait Assange en entrevue quelques semaines après le meurtre.

Cette histoire est aussi très bien décortiquée dans le média britannique The Canary, qui rapporte les enquêtes d’anciens agents des services de renseignement mettant en doute les allégations émanant de 17 agences de renseignement américaines qui accusent la Russie.

Même le très libéral média Salon ose une incartade en discutant honnêtement du cas Seth Rich et de la possibilité que toute l’histoire russe, pour laquelle aucune preuve n’a encore été mise de l’avant, ne soit en fait qu’une immense diversion. Après tout, Seth Rich avait un accès aux serveurs du DNC. Il avait un motif d’agir considérant que les actions de ses patrons — notamment pour éjecter Bernie Sanders — n’étaient ni légitimes, ni légales, ni morales.

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Ce qui me sidère dans cette histoire, depuis plus d’un an, c’est le délire collectif dans lequel s’isole la classe dirigeante américaine (et occidentale), journalistes, politiciens, agents de renseignements, etc., et qui consiste à alimenter une polémique — les Russes ont influencé le résultat de l’élection américaine — qui ne repose sur aucun fait.

Un an plus tard, l’hystérie antirusse atteint de nouveaux sommets et Donald d’Arabie continue de faire le pantin.

Que le Kremlin ait ou non déployé des effectifs et de l’énergie pour faire vaincre Hillary Clinton — la chose est en soi considérable — ce ne sont quand même pas eux qui ont rédigé les dizaines de milliers de courriels compromettants et démontrant que des fraudes et des activités illégales ont eu lieu chez les Démocrates. Voilà le fond de la question. On tente par tous les moyens possibles de raviver l’esprit patriotique de la guerre froide et de cacher les visages de Clinton et compagnie par des masques russes. Personne, ni chez les Démocrates, ni du côté du camp Clinton, n’a eu la décence de reconnaître ses fautes.

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Un an plus tard, l’hystérie antirusse atteint de nouveaux sommets et Donald d’Arabie continue de faire le pantin, de vendre pour des milliards d’armes et de prolonger la présence militaire américaine en Afghanistan. Business as usual…

Les coulisses de cette affaire sont probablement bien plus sombres et complexes que ce que nous pouvons en déduire des recherches et enquêtes effectuées jusqu’ici, mais à la lumière des faits connus jusqu’ici, il semble plausible que ce soit Seth Rich qui, guidé par des principes d’intégrité et afin d’exposer de macabres collusions et tricheries internes chez les Démocrates, aient pris contact avec Wikileaks afin de faire couler l’information.

Pour lire un autre texte de Mathieu Roy: «La valse médiatico-ballistique»

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