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Les smart drugs sont des médicaments utilisés par les étudiants — en fin de session généralement — pour augmenter leur concentration, donc leur performance scolaire. En gros, c’est un genre d’EPO pour étudiants, qui n’a rien à voir avec les Smart Drinks en poudre des années 1990. Edouard H. Bond en a testé quatre pour nous.
Ce texte est extrait du Spécial ÉTUDIANTS, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Coke, speed, ecstasy, meth ou bien héro, j’ai touché à peu près tout ce qui se fait comme drogues. À mon tableau de chasse, il manquait cependant les smart drugs. Comme tout le monde, j’en avais entendu parler ici et là dans des reportages aux titres alarmants, du genre « Nos cerveaux de demain : tous des drogués ? »
Je n’avais jamais essayé les smart drugs parce qu’en fait, je n’en avais jamais eu le désir. Je me drogue pour me changer les idées — « pour fuir » diront les psycho-quelque chose —, ou pour m’amuser tout simplement. Les seules autres fois où je consomme des psychotropes, c’est lorsque je suis en période de création.
Ce numéro Étudiants devenait donc l’occasion rêvée de faire de nouvelles expériences.
Première étape : trouver des smart drugs. Par le passé, un soir où j’étais mal pris, j’ai osé lancer un appel à tous sur Facebook pour trouver de la moulée à danseuse. Cinq minutes plus tard, j’avais le numéro de cell d’un livreur. J’ai donc utilisé la même technique pour les smart drugs. À ma grande surprise, j’ai découvert que plusieurs personnes parmi mon entourage virtuel consommaient ces médicaments de performance. Et pas seulement des étudiants, des professionnels aussi ! Tous plus généreux les uns que les autres. Au bout du compte, je me suis ramassé avec un joli butin composé d’Adderall, de Concerta, d’Effexor, de Ritalin et de Vyvanse.
Deuxième étape : trouver le moyen de rendre compte adéquatement de l’efficacité de ces drogues. Je ne pouvais pas me contenter de gober chaque pilule en attendant de voir quel effet ça fait, il me fallait des buts bien précis à atteindre. Puisqu’il s’agissait de smart drugs, je me suis fixé des objectifs « intellectuels » : apprendre un texte par cœur, lire un livre d’une traite, résoudre un casse-tête chinois, etc. Des défis pouvant paraître ridicules pour certains, mais qui, pour moi, tata average, s’avéraient plutôt ardus.
Finalement, il ne me restait plus qu’à me mettre au boulot. Facile à dire ! J’avais beau avoir croqué des tas de pills louches fabriquées dans des laboratoires clandestins à Blainville ou en Russie; au moment de les avaler, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai été pris d’une peur étrange quant au danger de l’expérience. Peut-être était-ce le fait d’être obligé de consommer toutes ces drogues sur une aussi courte période (deux semaines), j’avais pourtant déjà passé trois jours d’affilée sur les speeds et la coke en m’en tirant plutôt bien. Peut-être étais-je effrayé par tous ces nombreux effets secondaires détaillés sur l’autoroute de l’information. Ou peut-être était-ce tout simplement la peur de l’inconnu — mon premier trip d’acide s’était soldé par moi, incapable de communiquer avec la parole, bavant abondamment sur mon t-shirt de Jim Morrison chaque fois que j’ouvrais la bouche.
Puis j’ai enfin décidé d’arrêter de niaiser et je me suis lancé dans ce banc d’essai que tu ne verras jamais à L’Épicerie à Radio-Canada. J’ai regardé le flacon rempli de pilules, je les ai étalées sur la table, et je me suis dit ce que je dis généralement aux femmes : « Enweille, ouv’ grand pis avale ! »
Smart drug no 1
Nom : CONCERTA (méthylphénidate)
On prescrit ça pour : Traiter le trouble de déficit de l’attention.
Mission à accomplir : Apprendre par cœur trois fables de La Fontaine et les réciter à ma fiancée.
Description de l’expérience : Pour faire mon smatte, j’ai fait ce que beaucoup d’étudiants font : je me suis tapé une journée d’étude avec un solide hangover. Assis sur la terrasse en arrière de chez moi, à l’ombre du crisse de soleil, lunettes fumées quand même, le dernier album de Champion dins oreilles, pas trop fort, j’ai gobé ma première smart drug à même la bouteille de San Pellegrino.
Le Concerta vient sous forme de petites Tic Tac grises, mais ne rafraîchit pas l’haleine. Empestant donc le fond de tonne, je me suis attaqué à trois fables complètement inconnues — tellement inconnues que je ne me souviens même plus de leurs titres au moment d’écrire ces lignes. Vous comprendrez alors que je ne me souviens évidemment pas non plus de leurs mots, et encore moins de leur morale respective. C’est que j’ai été victime d’effets secondaires plutôt incommodants : sueurs froides, étourdissements, nausées, name it ! Une demi-heure après que la drogue eut kické, j’étais au lit, faisant l’étoile au milieu du matelas, fixant le plafond en appelant à l’aide d’une voix faible n’importe qui. Je n’ai pas réussi à m’endormir, mais j’ai compté plus de quatre mille cinq cents moutons (lire : battements de cœur) sans sourciller.
Lorsque les effets se sont enfin estompés, il était environ 15 h. Je me suis extirpé de la flaque de sueur dans laquelle je baignais depuis le matin, et mon down a pris la forme de la honte, c’est comme si pour aucune raison valable j’avais foxé un examen important. J’ai bien essayé de me remettre à l’étude, mais sans succès. Je n’avais plus le goût de rien, faque je me suis branché à ce satané Netflix et j’ai fixé sans émotion quelques épisodes d’Arrested Development.
Quand ma fiancée est rentrée du boulot, j’ai bafouillé une excuse bidon pour expliquer mon incapacité à lui réciter les fameuses fables. C’était comme un retour dans le passé, quand j’arrivais à la maison avec un mauvais bulletin.
Note globale :
Je n’étais pas dans le meilleur des états pour évaluer correctement cette drogue, mais comparé à l’efficacité d’un café un lendemain de veille, le Concerta trouble beaucoup plus qu’il n’aide. C’est pourquoi je lui accorde une note de 1/5.
Ce texte est extrait du Spécial ÉTUDIANTS, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania