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Tenet en cinq temps

Ce qu'il faut savoir à propos du premier gros blockbuster de l’ùre COVID

Par
Jozef Siroka
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DĂ©voilĂ©e vendredi dernier, la bande-annonce officielle de Tenet s’amorce avec l’apparition de John David Washington l’air extĂ©nuĂ©, les Ă©paules molles, le visage partiellement camouflĂ© par un masque Ă  oxygĂšne transparent. Le protagoniste du rĂ©cit, positionnĂ© face Ă  la camĂ©ra, semble offrir au spectateur le reflet de sa propre image. AccoutrĂ© d’un dĂ©rivĂ© de l’accessoire emblĂ©matique de notre triste Ă©poque, il nous manifeste symboliquement compassion et empathie, avant de nous inviter Ă  le suivre dans un univers de science-fiction complĂštement dĂ©paysant; un Ă©chappatoire temporaire Ă  notre calvaire quotidien.

Le onziĂšme long mĂ©trage de Christopher Nolan a beaucoup de pression sur les Ă©paules. On parle tout de mĂȘme du premier gros blockbuster de l’ùre COVID. AprĂšs des mois passĂ©s Ă  dĂ©poussiĂ©rer des siĂšges vides, les exploitants de salles de cinĂ©ma espĂšrent renflouer les coffres dĂ©garnis de leurs box offices, et du mĂȘme coup rassurer les studios qui hĂ©sitent Ă  sortir leurs mĂ©ga-productions cet automne.

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Par exemple, deux films de super-hĂ©ros, Black Widow et Wonder Woman 1984, doivent en principe prendre l’affiche dĂ©but octobre et dĂ©but novembre, respectivement. Mais rien n’est coulĂ© dans le bĂ©ton. Aux dires d’un dirigeant d’une chaĂźne de cinĂ©mas interviewĂ© par Variety : «Il est impossible de prĂ©dire ce qui va se passer avec la rĂ©ouverture des salles. Les studios font tout le temps des choses qui n’ont pas de sens».

Plus encore, les cinĂ©philes voient en Tenet le «sauveur» de l’expĂ©rience communautaire que seules les salles sombres peuvent procurer aux amoureux du 7e art. Un Ă©ventuel Ă©chec commercial risque de mousser la VOD Premium, ou autres modĂšles d’affaires reposant sur la diffusion en streaming le jour mĂȘme de la sortie sur grand Ă©cran. Un bĂ©nĂ©fice quant Ă  l’accessibilitĂ© des Ɠuvres cinĂ©matographiques, certes, mais une Ă©niĂšme dĂ©faite pour le raffermissement du tissu social Ă  l’heure du coronavirus.

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TENET EN CINQ TEMPS :

1 – Date(s) de sortie

Tenet a pris l’affiche mercredi soir dans plusieurs salles du QuĂ©bec, ainsi que dans de nombreux pays d’Europe et d’Asie. Aux États-Unis, il faudra attendre une semaine de plus. Et ce n’est pas tous les AmĂ©ricains qui pourront s’acheter un billet; en raison de la crise sanitaire, les villes les plus durement touchĂ©es comme New York et Los Angeles attendent toujours la confirmation d’une date de sortie. À ce jour, seulement 2152 salles de cinĂ©ma en AmĂ©rique du Nord ont repris leurs opĂ©rations, sur un total de quelque 6000.

Initialement, Tenet devait prendre l’affiche le 17 juillet. Mais la pandĂ©mie a forcĂ© un report au 31 juillet, puis au 12 aoĂ»t
 Le critique Matt Zoller Seitz a proposĂ© le mois dernier une solution Ă  ces dĂ©boires : «Christopher Nolan devrait dĂ©placer la sortie de Tenet Ă  l’étĂ© 2019». Clin d’Ɠil savant et ludique aux casse-tĂȘtes spatio-temporels frĂ©quents dans l’Ɠuvre du fameux cinĂ©aste, qu’on pense Ă  Memento, Inception ou Interstellar.

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2 – RĂ©union de famille partielle

On retrouve au gĂ©nĂ©rique de Tenet plusieurs membres de la «famille Nolan». Michael Caine, dans un petit rĂŽle, renoue une huitiĂšme fois avec le rĂ©alisateur britannico-amĂ©ricain. Kenneth Branagh, qu’on a vu dans la peau d’un vaillant commandant de la Royal Navy dans Dunkirk, interprĂštera l’antagoniste du film, un oligarque russe.

Robert Pattinson, quant à lui, collabore une premiÚre fois avec Nolan, quoique les deux hommes partagent une éminente affinité à travers leurs implications dans la franchise Batman.

DerriĂšre la camĂ©ra, notons la participation du Prix Nobel de physique Kip Thorne, co-concepteur d’Interstellar, qui a cette fois-ci agi Ă  titre de consultant sur le scĂ©nario. Enfin, le directeur de la photographie nĂ©erlando-suĂ©dois Hoyte van Hoytema a prĂȘtĂ© son formidable flair visuel Ă  Nolan pour une troisiĂšme fois d’affilĂ©e.

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Une absence de taille nĂ©anmoins : le lĂ©gendaire compositeur allemand Hans Zimmer n’a pas participĂ© au plus rĂ©cent film de son rĂ©alisateur-fĂ©tiche, pour qui il a Ă©crit six bandes originales. Il a prĂ©fĂ©rĂ© suivre Denis Villeneuve et son adaptation de Dune, dont la production a Ă©tĂ© entamĂ©e Ă  peu prĂšs en mĂȘme temps que celle de Tenet.

3 – Une saveur de James Bond

FidĂšle Ă  son habitude, Nolan nous propose un titre de film empli de mystĂšre. La dĂ©finition moderne de «tenet» signifie «principe organisateur». Le terme fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă  l’un des cinq mots du carrĂ© Sator, artĂ©fact datant de l’époque de PompĂ©i et reprĂ©sentant un palindrome parfait. Dans ce contexte, l’inscription latine TENET peut se traduire par «maintenir le pouvoir».

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Intrigue d’espionnage Ă  consonance apocalyptique, Tenet a permis Ă  Nolan de rendre hommage Ă  la sĂ©rie James Bond, en particulier The Spy Who Loved Me (1977) qu’il a vu quand il Ă©tait enfant. «Mon pĂšre m’y avait emmenĂ© et ce pur divertissement m’a marquĂ© Ă  vie», a affirmĂ© le rĂ©alisateur lors d’une confĂ©rence de presse virtuelle.

Mais, contrairement Ă  ses prĂ©cĂ©dentes productions, Nolan n’a pas organisĂ© de projections de films afin d’inspirer son Ă©quipe en vue du tournage (il a par exemple montrĂ© le thriller policier Heat avant de filmer The Dark Knight). Il s’est mĂȘme personnellement abstenu de revoir 007 Ă  l’écran durant le façonnage de Tenet, dĂ©clarant «vouloir travailler Ă  partir d’une mĂ©moire liĂ©e Ă  ce genre, plutĂŽt qu’à partir de ses Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques».

4 – Pousser l’audace jusqu’au «ridicule»

DotĂ© d’un budget de quelque 225 millions $ US, il s’agit du film le plus coĂ»teux de la filmographie de Christopher Nolan, exception faite de ses trois Batman. Le roi incontestĂ© du cinĂ©ma-spectacle n’a pas lĂ©sinĂ© sur les moyens afin de procurer le plus de vraisemblance possible Ă  son rĂ©cit invraisemblable.

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Dans ce qu’on peut dĂ©jĂ  dĂ©signer comme l’une des sĂ©quences pyrotechniques les plus extravagantes de l’histoire du cinĂ©ma, on peut voir un vĂ©ritable Boeing 747 s’écraser dans un bĂątiment, avant de se transformer en une Ă©norme boule de feu.

Il y avait certes la possibilitĂ© d’utiliser des miniatures, mais Nolan n’est pas ce genre de cinĂ©aste. Il voit grand, et prĂ©fĂšre employer le moins de trucages possible. De fait, Tenet ne compte que 280 effets visuels, un nombre infĂ©rieur Ă  ce que l’on trouve dans la plupart des comĂ©dies romantiques!

En entrevue Ă  GQ, Robert Pattinson rĂ©sume parfaitement la vision crĂ©ative de son rĂ©alisateur : «C’est tellement audacieux que c’en est ridicule.»

5 – Critiques relativement mitigĂ©es

Les attentes Ă©taient si Ă©levĂ©es, et l’espoir de retrouver le sauveur du cinĂ©ma si fĂ©brile, qu’on ne doit sans doute pas s’étonner de la note plutĂŽt tiĂšde de 71% sur l’agrĂ©gat Metacritic. De tous les films de Nolan, seuls Batman Begins, The Prestige et Following y ont obtenu des scores plus bas. Certains critiques reprochent Ă  Tenet son ton froid et une intrigue alambiquĂ©e. D’autres, plus enthousiastes, saluent un film «étourdissant», «stimulant», «dingue» ou «dĂ©concertant».

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L’autre agrĂ©gat de rĂ©fĂ©rence, Rotten Tomatoes, se montre plus gĂ©nĂ©reux avec 83%, et clame : «Casse-tĂȘte visuellement Ă©blouissant Ă  dĂ©mĂȘler pour les cinĂ©philes, Tenet livre le spectacle cĂ©rĂ©bral auquel le public s’attend de la part d’une production de Christopher Nolan».

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Le studio Warner a mis en ligne mercredi en guise de préambule un making-of de Tenet :

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