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Des gens plein de bonne volonté qui, en se levant ce matin-là, avaient des objectifs précis comme d’aller essayer ces belles bottes en vente, ou d’épater leurs collègues de bureau avec une salade de pâtes. On a tous des objectifs. On veut tous, un jour ou l’autre, impressionner quelqu’un.
Et c’est souvent PRÉCISÉMENT ces jours-là que la toast tombe du mauvais bord. Je sais ben pas pourquoi, mais c’est de même. Et toute la volonté dont le saint ciel t’a coiffé ce matin-là n’y changera strictement rien.
Sans que tu t’en rendes compte, te v’là parti de chez toi avec une verge de White Swan qui s’agrippe à ton chouclaque en ondulant au rythme de tes pas carriéristes comme les mascottes en ballounes bizarres en proie à une violente crise épileptique aérienne sur le toit des concessionnaires auto.
T’as la fly ouverte.
Une maille aux bas de nylon.
Ou t’as juste oublié de découdre CE PETIT X qui relie la fente derrière ton nouveau manteau Simons, ce fameux petit fil qui tient en place la coquetterie le temps du transport de la marchandise en magasin. MAIS QUE TU DOIS RETIRER quand tu l’achètes.
– Messieurs, surtout messieurs, CE PETIT X, vous devez le découdre. Tirer dessus. Avec un gun, s’il le faut. C’est très important. Vous croyez nul doute qu’il s’agit là d’un gage de pérennité ou d’un beau petit détail de bas de veston, mais non. C’est juste un tabarli de petit fil QU’IL FAUT RETIRER, sans quoi, t’as l’air tizèffe. Pour la vie. C’est ici, aujourd’hui, qu’il fallait que je te le dise. Mais poursuivons –
Bref (je déteste dire « bref »), y’a de ces jours de Mickey Mouse où tu passes la journée avec un grain de poivre entre les palettes et où personne, PERSONNE n’aura eu la candeur d’âme de t’en avertir. Même si tout le monde l’a remarqué. Même si ta sœur l’a noté au moment même où il signait le bail avec ta gencive.
Un beau, beau jour, au sommet de mes quatorze ans et demi, je m’abandonnais aux rythmes furieusement chorégraphiés de mon cours de ballet classique. Avec un pianiste, pis toute. J’avais beau avoir la souplesse d’une ânesse sur le retour d’âge, j’assurais grave. J’y repense et je souris. Mais ce beau jour-là, je travaillais fort en crime bine. J’avais chaud. JE ME DONNAIS. Si bien qu’il m’a probablement fallu vingt bonnes minutes pour que mon regard soit aspiré vers ma fourche (une fourche baignée de grâce, est-il important de le mentionner. Je vous rappelle que nous sommes en pleine leçon de ballet).
QUELQUE CHOSE N’ALLAIT PAS.
Le collant était parfait. Ma cuisse, certes galbée. C’est juste qu’y’avait une sapristi de grosse traînée de sang qui se frayait un chemin vers la fin de mon innocence.
Je sais pas comment ça s’est passé pour vous-autres, mais moi, j’ai commencé mes règles dans un cours de ballet. J’ai pigé cette option-là dans le casse à catastrophes. Et y’a pas un stifi de chat qui a eu le guts de me le dire. T’sais, quand tu préfères laisser ta chum faire des sauts de biche le fond de culottes baigné de l’équivalent d’un don à la Croix Rouge (J’AVAIS CHAUD, ne me jugez pas. Je connaissais pas ça) plutôt que de lui tendre le kotex de la compassion, ben laisse-moi te dire que tu fais dur en crimepof.
T’as pas de cœur. Pis je t’haïs.
Je m’étais alors enfuie, tête haute, en invoquant la fête fictive et confuse de mon oncle Yves à laquelle je devais prestement me rendre, ou la mort.
Depuis ce jour, je me fais un devoir d’alerter mon prochain de tout zip-pas-remonté ou d’étiquette de bas de bikini sorti. Que je te connaisse ou pas. Être bon samaritain, c’est pas juste te faire cracher ta bouchée de bœuf wellington quand tu manques de respire. C’est aussi veiller à la dignité d’autrui.
Parce que, que ça te mette ben mal ou pas, ça se dit.
Oui, il y aura malaise. Petits rires nerveux.
Et tu risques de provoquer joue rougie incrustée de honte à la personne à qui tu viens en aide. Mais c’est toujours ben mieux que de la laisser partir avec sa crotte de nez qui menace à tout moment de quitter l’orifice. Je vois ça de même.
C’est pourquoi quand j’ai vu cette fille ENCASTRÉE dans sa robe-tube agiter ses petites mains potelées en direction du garçon pour qui elle en pinçait visiblement dans le métro, mon cœur a fondu au moment de constater que la pauvre caille, sans doute pressée d’aller retrouver son prince, avait remonté ses collants par-dessus sa belle robe, du côté droit.
Culottes tous azimut. Le wagon entier, LA LIGNE ORANGE, dis-je, était hypnotisée par cette miche offerte à la vie. Et personne ne disait mot. Pas le yâbe.
J’ai donc attendu que la jeune marquise soit sur le point de sortir du wagon pour l’alerter, en catimini, du terrible drame qu’elle vivait sans même le savoir. Pour que son cavalier n’en soit jamais témoin. Pour qu’il la trouve swell toute la soirée.
Eh bien à peine avais-je doucement posé ma main sur son épaule que je me suis-tu pas fait repousser (en voyant ma vie défiler parce que cette jeune caille boudinée dans sa dress avait de la poigne) d’un franc coup de patte et un « Touche-moi pas!» de jouvencelle qui a suivi ses cours d’auto-défense et gradué avec mention.
Saisie, j’ai n’ai dit mot. Les portes se sont refermées.
Et je l’ai laissée quitter, elle, son caractère de marde pis ses grosses culottes aux quatre vents.
Ce qui est ben de valeur, fille, c’est qu’en plus d’avoir le cul à l’air, t’avais du rouge à lèvres sué dents.
Je gage que t’aurais aimé ça, le savoir.
La bise.