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Synth City : la nuit à Montréal dans les années 80

Sortez votre spray net et vos bottes à semelles compensées, on s’en va dans les années 1980!

Par
Mélissa Desjardins
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URBANIA et le Musée McCord s’unissent pour présenter l’histoire de Montréal au temps du new wave et ainsi vous donner envie de vous rendre à la toute nouvelle exposition Parachute : mode subversive des années 80.

Montréal, 1978. L’underground de la ville bouillonne, les clubs débordent et les nuits s’éternisent. On sent la métropole entrer dans une nouvelle ère, portée par une étrange trame sonore. Futuriste et envoûtant, ce nouveau son envahit tranquillement les pistes de danse fréquentées par l’avant-garde.

Ce nouveau son, c’est le new wave.

Pour résumer, mettons que c’est un peu la continuité du sentiment punk de « fuck you la société », mais version fashion futuriste.

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Si le new wave ne porte au départ pas vraiment de nom et ne semble qu’être l’évolution naturelle du post-punk et de la synth-pop de la fin des années 70, il devient, en quelques années à peine, un mouvement artistique complet, qui va finir par marquer l’imaginaire collectif pendant des décennies.

Or Montréal jouera un rôle clé dans l’émancipation du mouvement. Et ce mouvement-là a joué un rôle clé dans l’émancipation de Montréal.

Mais « ce mouvement-là », c’est quoi au juste? Pour résumer, mettons que c’est un peu la continuité du sentiment punk de « fuck you la société », mais version fashion futuriste. Bref, c’est le moment où les punks ont découvert les synthétiseurs.

La nouvelle vague déferle

La montée de ce nouveau courant musical concorde avec les débuts de la scène indie montréalaise. Nos premières maisons de disques indépendantes sont fondées justement pour promouvoir ces nouveaux artistes qui ne fittent pas dans les carcans de l’industrie de l’époque, et de ces maisons apparaissent soudainement une tonne d’artistes aux styles uniques et au son qu’on n’entendait jusque-là nulle part ailleurs.

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Là, je dis pas qu’avant ça l’industrie québécoise, c’était juste une machine à cash qui ne profitait qu’aux artistes qui s’adonnent à être des gars avec des barbes pis des guits acoustiques 12 cordes, mais tsé. En tout cas.

Donc les scènes culturelles et musicales de la province brisent enfin le moule et le new wave prend Montréal d’assaut. Au point où, au début des années 80, les fans du genre rebaptisent la ville – attachez-vous bien… – Synth City.

(lolz)

les boîtes de nuits de la ville payaient des billets d’avion pour l’étranger à leurs DJ pour qu’ils puissent aller chercher de nouveaux albums qui n’étaient pas encore vendus à Montréal.

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Fun fact pour vous donner une idée d’à quel point ce son était important : à l’époque, les boîtes de nuits de la ville payaient des billets d’avion pour l’étranger à leurs DJ pour qu’ils puissent aller chercher de nouveaux albums qui n’étaient pas encore vendus à Montréal.

Tranquillement, à mesure que le mouvement prend de l’ampleur, on commence à se rendre compte que le new wave n’est pas seulement un courant musical, mais aussi un mouvement culturel. Il a un impact sur l’art visuel, les arts de la scène, la technologie et (surtout) la mode. Montréal est en train de donner naissance à des jeunes pionniers de l’art punk, qui façonnent, synthé à la main, le monde à leur façon.

Comme toute bonne contre-culture, le mouvement new wave n’était évidemment pas couvert par les médias de masse de l’époque. Pour se tenir au jus, les adeptes du mouvement traînent donc dans les galeries d’art et les événements musicaux underground. Toutes ces disciplines commencent à s’inspirer les unes les autres, et les artistes de la métropole prennent de plus en plus de risques, deviennent plus avant-gardistes et ambitieux.

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Tout est permis

Bien que le punk était, à la base, le refus de toute norme, force est d’admettre qu’avec le temps, l’idéologie s’était un peu emprisonnée en se créant ses propres normes.

La vague new wave se libère de tout ça et devient beaucoup moins dogmatique que la scène punk qui la précédait. On sent plus de liberté et d’humour dans son art et sa mode, mais elle critique encore autant la société. Juste en se prenant un peu moins au sérieux.

L’important pour les cosmopolites d’avant-garde, c’est d’être différents et de tout réinventer. Chaque musicien possède un son différent, chaque créateur, son esthétique unique. L’éclectisme domine.

Ça n’a pas pris trop de temps avant que l’influence du new wave se fasse grandement sentir dans l’industrie de la mode montréalaise. Vêtements architecturaux aux coupes angulaires, maquillages extrêmes, crinières majestueuses, looks androgynes, sauvages, surdimensionnés et bruyants.

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Ceux qui y étaient pourraient longuement vous parler de Parachute, la marque québécoise devenue culte, fièrement portée à l’époque par les Madonna et David Bowie de ce monde. Le duo de créateurs composé de Nicola Pelly et de Harry Parnass a su se tailler une place de choix sur la scène internationale grâce à son avant-gardisme et à ses créations androgynes.

Plus le look est scandaleux et impitoyable, mieux c’est!

Fortement influencés par la scène new wave montréalaise, les créateurs de Parachute se considéraient comme des artistes multidisciplinaires, et leurs collections audacieuses reflétaient parfaitement l’idéologie du début des années 80. Ils se veulent marginaux et désirent changer les mentalités de l’époque. Et ça marche.

« Nous nous sommes simplement laissé entraîner par la musique », expliquera plus tard Harry Parnass.

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Dans toute l’industrie de la mode, beaucoup de tabous n’existent soudainement plus, et on se retrouve sur un terrain d’expérimentation esthétique qui est, encore à ce jour, typique de Montréal. Les runways sont vibrants, et l’on observe enfin de la diversité dans les défilés. Les créateurs et designers s’inspirent de l’esthétique des Blitz Kids londoniens, la couplent avec l’incohésion de la scène punk et, en toute impartialité, C’EST DU PUR GÉNIE.

Bref, la « club culture » est à son apogée, et ça se sent dans les vêtements des jeunes avant-gardistes montréalais.

Plus le look est scandaleux et impitoyable, mieux c’est!

Bonjour / Hi

En plus d’avoir fait péter des barrières esthétiques, le new wave a aussi ouvert les portes du monde entier à toute une génération québécoise. On se tourne désormais vers des villes comme Londres ou New York, qui influencent fortement les artistes de la province.

À Montréal, le new wave crée pour la première fois un mouvement qui n’est pas fragmenté par la barrière linguistique.

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En fait, le new wave agit vraiment à titre de courant rassembleur. Tant entre les pays qu’entre les différentes scènes d’une même ville.

À Montréal, le new wave crée pour la première fois un mouvement qui n’est pas fragmenté par la barrière linguistique. Bien au contraire, les francophones et les anglophones se mélangent dans la vague, et de cette collaboration ressortent des vêtements, des œuvres et de la musique qui sont complètement typiques de Montréal tout en profitant d’un succès planétaire.

Nos artistes collaborent maintenant autant avec l’Europe qu’avec les États-Unis de manière naturelle, et c’est justement grâce au melting pot culturel et linguistique que représente Montréal que cette connexion est possible.

Encore à ce jour, cette force bilingue élève constamment le produit créatif de la ville.

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* Cris de colères souverainistes et déferlement de commentaires sous cet article qui me traitent de traître contre ma patrie unilingue francophone. *

Si on dézoome et qu’on jette un bref regard sur l’apport du new wave ici, on peut dire qu’il aura donné naissance à une génération d’avant-garde sans laquelle Montréal ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. L’histoire s’est écrite dans une métropole assoiffée de contre-culture, pendant une décennie où les défilés, les galeries et les pistes de danse étaient gouvernés par des weirdos avec des cheveux en piquants et de grandes idées.

Cette période d’expérimentation avait pour but de subvertir la culture par sa frénésie et son urgence, et a fini par faire de Montréal ce qu’elle est aujourd’hui : une ville qui continue d’être le berceau de nouvelles scènes musicales et de mouvements socio-artistiques reconnus partout dans le monde.

Bref, c’est nice icitte!

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Vous aussi, vous voudriez revivre (ou découvrir) cette ère magique? Passez par le Musée McCord dès le 19 novembre pour visiter la toute nouvelle exposition Parachute : mode subversive des années 80.

À l’occasion de son 100e anniversaire, l’accès au Musée McCord est gratuit jusqu’au 19 janvier. Profitez-en!