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Survivre aux fêtes avec une famille toxique
Je suis chanceuse, j’aime ma famille. L’idée de la retrouver autour de délicieux plats très gras me réjouit chaque année. Cela dit, je les vois bien, toutes ces personnes qui angoissent dès décembre. Ces adultes qui craignent leurs parents, qui ne s’entendent pas avec leur fratrie, qui souffrent à chaque retour au foyer. Et si je me sens impuissante devant leur solitude, il existe heureusement des professionnel.le.s pour contrer leur mal-être. Je me suis donc tournée vers Caroline Cohen, une psychologue qui s’intéresse notamment aux relations toxiques, pour trouver conseil.
Allongez-vous, les mouchoirs sont ici et c’est gratuit…
Caroline, est-ce commun de ressentir de l’anxiété à l’approche des réunions de famille du temps des fêtes?
Oh, oui! Ce n’est évidemment pas le cas de tous, mais en général on associe Noël à des souvenirs. Si les fêtes sont liées à quelque chose de positif, c’est parfait, mais suffit que vous ayez vécu un évènement négatif pour qu’elles soient parfois associées à plus d’angoisse.
Comment savoir si notre stress est généré par une famille nocive ou juste par notre nature anxieuse?
Une personne anxieuse va ressentir de l’anxiété en général, mais peut-être encore plus aux fêtes, c’est vrai. Elles peuvent être anxiogènes en tant qu’évènement qu’on ne choisit pas et il faut souligner que dans l’inconscient collectif, c’est un moment joyeux… On peut donc se sentir anormal d’angoisser à son approche. Une personne anxieuse vivra peut-être une double contrariété : elle sera angoissée, en plus de sentir qu’elle ne répond pas aux codes, car elle est « sensée » avoir du plaisir.
Maintenant, il faut prendre un recul sur la situation et analyser : est-ce qu’on est dans une famille où il y a toujours des conflits et où on ne se sent pas à l’aise? Ou alors on arrive à y être nous-mêmes et à communiquer? Est-ce qu’il y a une chaleur dans cette famille, est-ce qu’on s’entraide? Ou est-ce qu’il y a au contraire une distance émotionnelle? Il faut savoir ce qui suscite nos émotions négatives pour déterminer si on est dans une famille toxique ou pas.
Et des fois, il suffit d’une personne extrêmement toxique pour qu’il y ait un impact global sur la famille…
On fait quoi, dans ce cas-là? On évite de côtoyer notre clan au complet ou on confronte la source unique de nocivité?
Si on doit confronter cette personne, on évite de le le faire à Noël, en tout cas! Ce n’est pas le contexte idéal… Puis a priori, si cette personne est toxique, elle l’est pour les autres aussi. Ça peut presque rapprocher les gens et créer plus de force lors de l’intervention.
Si on se sent isolé par contre, qu’on n’est pas à l’aise de se tourner vers les autres membres de la famille, on peut tomber dans un état de fragilité et de sensibilité qui ne rendront pas les fêtes très agréables…
Et que faire donc, si c’est toute notre famille qui se révèle toxique?
Sachant qu’on ne peut pas changer tout le monde, en tant que psy, je vais vous dire de travailler sur vous pour trouver votre zone de confort par rapport à votre famille : est-ce qu’il s’agit de prendre de la distance? De confronter tranquillement chaque membre au cours de l’année pour éviter le chaos de Noël? D’aménager les fêtes de manière à ce qu’elles soient vivables pour tout le monde en changeant les habitudes et en prenant un peu de contrôle sur la situation?
S’enfuir dans le sud à chaque 24 décembre, par exemple?
Pourquoi pas, à l’occasion! Mais pas à chaque année, auquel cas ça deviendrait de l’évitement. C’est une défense pour vous, mais ça peut être perçu comme une attaque par les autres, et le conflit s’en trouve alors encore plus fort. Il faut essayer de trouver des solutions, de prendre du recul et de relativiser un peu : oui, ma famille est comme ça, mais moi qu’est-ce que je vaux? J’en ai pour trois heures, après je retourne à ma vie! Etc.
Et si ça va vraiment mal, j’imagine qu’on peut aussi choisir de boycotter sa famille?
Absolument! Quand je parle de casser les codes, on peut aller jusqu’à se créer la famille qu’on veut, faire du bénévolat pendant le Réveillon ou encore rassembler une tablée d’amis…
Mais votre réponse initiale nous invitait quand même à essayer de trouver un certain confort familial… Est-ce donc dire qu’une famille toxique peut changer? Qu’on peut toujours rêver à de meilleures fêtes?
Hummm… Les gens ne changent pas, mais ils évoluent. Il y a des décès, des mariages, des petits-enfants qui adoucissent les choses, des maladies, etc. Les familles vont forcément se transformer un minimum, on peut donc rester optimiste et se dire qu’il y aura des améliorations avec le temps, oui.
Avez-vous des outils à recommander à une personne courageuse qui choisirait de foncer dans le réveillon familial, malgré l’angoisse et la toxicité?
Je lui recommanderais de faire de la visualisation positive et d’imaginer tout le monde dans le calme; de faire des exercices de respiration; de s’organiser avant l’évènement pour éviter la panique (de faire ses courses en avance, par exemple); de prendre du temps pour elle et de méditer; de relativiser (ils sont toxiques, mais ce n’est que pour une soirée); et si elle le peut, d’emmener tout le monde dans le sud avec elle… Les problèmes seront plus agréables au soleil? [Rires]
Plus sérieusement, quand on est dans une famille, on est accroché à un rôle : le timide, celui qui mange trop, celui qui est bête, celui qui ne se mêle pas de ses affaires… Changer les codes de la réunion familiale, ça permet de casser ces règles-là. Même si c’est juste en changeant la façon de donner les cadeaux, le lieu de la réception ou la date!
Puis dans tous les cas, il faut essayer de s’écouter et de trouver des accommodations personnelles qui nous permettront de passer du bon temps, nous aussi…
Merci beaucoup, Caroline Cohen! Je pense qu’on a écoulé tout notre temps.