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Survivre à la fin du monde : le retour de la série « À Cœur Battant »

Accrochez-vous, ça va (encore) faire mal.

Par
Benoît Lelièvre
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La tête pleine, Christophe L’Allier regarde le fleuve et laisse la vague de pensées destructrices qui l’assaille passer son cours. Il se murmure à lui-même : « J’suis un survivant qui va mourir de sa belle mort. Personne va réussir à me tuer. C’est moi qui décide du moment où je vais partir ».

C’est sur cette image discrète, mais troublante, que la série coup de poing de Radio-Canada À Cœur Battant a repris du service mardi dernier, après nous avoir laissés en haleine au printemps dernier. Direct dans les bibittes de son personnage principal.

La première saison d’À Cœur Battant n’a laissé personne indifférent. La série est tellement dure et confrontante qu’elle n’a peut-être pas initialement rayonné à la hauteur de ses ambitions. On a fait un bout de chemin comme société concernant la violence conjugale, mais c’est encore, à bien des égards, un immense tabou. Même en fiction.

Mais l’implacable série de Danielle Trottier est de retour et elle n’a pas fini de déranger. À Cœur Battant est bel et bien là pour rester. Vous m’excuserez pour l’absence de bande-annonce pour la nouvelle saison, c’est la faute de Radio-Canada. Pas la mienne!

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Le mal qui change le monde

À Cœur Battant, c’est d’abord et avant tout l’histoire de Christophe L’Allier (joué par le bien trop rare et toujours merveilleux Roy Dupuis), un jeune garçon ayant grandi dans une famille violente et abusive qui devient intervenant psychosocial dans les milieux de violences masculines. Il est le fondateur du Centre de Prévention de la Violence, un organisme qui aide les hommes impulsifs à se contrôler et à mieux communiquer.

Christophe croit que la violence est un trouble qui se traite et régler le problème en amont est la meilleure chance d’éliminer des catastrophes comme les féminicides.

Vous avez compris le principe : À Cœur Battant est une série choc qui montre au grand jour des situations difficiles et révoltantes sans dorer la pilule. Le premier épisode de la deuxième saison met en scène Sylvie Desjardins (Sasha Migliarese), une femme qui décide de quitter son conjoint violent après que ce dernier lui ait cassé la jambe afin de la garder à la maison. La violence dont elle est victime est représentée de manière crue et graphique.

C’est rough, je vous avertis. Ça se peut que ça réveille des choses pas joyeuses.

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Si vous avez déjà regardé la première saison d’À Cœur Battant, vous serez heureux d’apprendre qu’elle reprend non seulement exactement là où elle nous avait laissé le printemps dernier, mais qu’elle nous présente aussi le phénomène d’une façon différente à travers le personnage de Christophe, un homme qui (comme vous le savez probablement déjà) est fondamentalement non-violent. Sauf peut-être lorsque vient le temps d’assurer sa survie.

À travers le jeu discret et nuancé de Roy Dupuis, Danielle Trottier nous présente les ravages de la violence à l’extérieur de la dichotomie agresseur/victime à travers laquelle le phénomène est généralement perçu. Christophe, c’est quelqu’un qui s’en est sorti, mais qui a décidé de vouer sa vie à combattre le problème. Il représente un concept troublant, mais qu’on se doit de discuter davantage : les ravages incurables que cause souvent la violence.

C’est un mal qui hante et qui change les gens. Une sorte de fin du monde dont on peut y survivre avec suffisamment de soutien. On ne s’en sort jamais vraiment, mais on y survit.

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À l’envers de la fiction au XXIe siècle

Mis à part les spécificités de l’intrigue de la deuxième saison d’À Cœur Battant, prenons un moment ici pour apprécier le caractère révolutionnaire de la série de Danielle Trottier.

Dans un genre policier où l’objectif principal des personnages est de prévenir le crime (et il en pleut, des séries comme ça), la violence est perçue comme un outil. C’est souvent même quelque chose de désirable, une prise de contrôle nécessaire sur un mécréant afin de protéger ses victimes. On le lance en prison à la fin de l’épisode (ou à la fin de la saison, si vous ne regardez pas Law & Order : SVU) et on l’oublie. Les hommes violents y sont des personnages jetables.

Dans À Cœur Battant, les hommes violents sont les personnages à sauver. C’est un angle extrêmement dérangeant à première vue.

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Mentionnez l’idée de prodiguer des soins de santé mentale à des hommes qui ont commis des actes de violence envers leurs conjointes dans n’importe quelle conversation et c’est certain qu’à un moment donné, quelqu’un va se mettre à hurler : « BEN MOI, J’AIMERAIS MIEUX QU’ON CONSACRE CES RESSOURCES-LÀ AUX VICTIMES! »

Bien sûr, il s’agit là d’un point de vue plus que raisonnable. Sauf que Christophe L’Allier lui, croit que si on traite l’impulsivité et la violence en amont, eh bien il n’y aurait juste pas (ou, en tout cas, moins) de victimes. Cette idée-là implique de prendre la responsabilité de beaucoup de douleur et de souvenirs traumatiques. C’est là le génie de Danielle Trottier : tout le monde vit avec un certain nombre de choses qu’ils ou elles voudraient oublier. Mais envers et contre tous, À Cœur Battant tisse des liens entre nous et des gens qui ont commis l’impensable et souvent même, l’irréparable.

Comme mentionné plus haut, À Cœur Battant a repris du service mardi dernier. Le nouvel épisode est disponible sur le site d’ICI Télé. Si vous n’êtes pas familiers avec la série, je vous conseille encore plus de regarder la première saison sur Tou.tv Extra avant de plonger. C’est nouveau, complètement à l’envers de ce qui se fait partout dans le monde, super bon et en plus, c’est queb. Donnons donc à cette série tout l’amour qu’elle mérite.

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