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Survivre à la fin de District 31
District 31, c’est un peu une religion. Les fidèles vont à la messe du lundi au jeudi et défendent leurs saints bec et ongles dans les conversations autour de la machine à café comme sur les réseaux sociaux. Lorsque son créateur Luc Dionne a annoncé la fin de la quotidienne l’hiver dernier, la nouvelle a eu l’effet d ’une apocalypse annoncée. C’était le début d’un long deuil. Un dernier pèlerinage pour les passionné.e.s du poste de police le plus populaire du petit écran.
Catherine J. Lalonde et Christian Letendre, de Podcast 31, LE balado par excellence sur la quotidienne de Luc Dionne, font partie du lot. Depuis janvier, les deux mordu.e.s savent que la fin s’en vient. Comment vivent-ils avec la fin imminente de la série? On a fait ensemble le bilan de six saisons d’intrigues, de rebondissements et de visites au bureau du commandant Chiasson.
Quelques adieux
« Je ne peux pas dire que je suis tombée en bas de ma chaise quand j’ai appris que ça finissait. Je comprends vraiment Luc Dionne, après 30 000 pages de textes, d’être tanné », mentionne Catherine d’entrée de jeu. « Même chose pour les comédiens, qui veulent sûrement passer à autre chose. Par contre, c’est sûr que ça m’a fait de la peine de savoir que je ne reverrais plus mes “amis” tous les soirs. »
Les adieux ont une saveur un peu plus douce-amère pour Christian, qui passait jusqu’à 20 heures par semaine à travailler sur Podcast 31. Prise de notes, création de mèmes quotidiens, vigie de groupes de fans, enregistrements, montage, mixage, etc. Nouvellement papa, la tâche commençait à peser lourd dans son horaire.
« On a passé tellement de temps à analyser l’émission sous toutes ses coutures, à relever tous ses petits défauts, ses coins tournés ronds, à essayer de pogner ses artisans dans le détour, que j’ai peut-être fini par être désillusionné de la série, raconte-t-il. J’ai vraiment aimé District 31, j’aurais pas passé 20 h par semaine à faire un podcast là-dessus sinon, mais je l’ai beaucoup critiquée, aussi. Et ça a probablement usé mon rapport à l’émission. »
Pour Catherine et Christian, le plus dur sera de tourner la page sur le rendez-vous quotidien avec les personnages. C’est difficile à comprendre pour les non-initié.e.s, mais District 31 était une question de relations.
« Celui dont je vais le plus m’ennuyer, c’est Bruno, dit Catherine. Maudit que je l’aime! Michel Charrette est un excellent acteur comique et tragique. Je l’aime depuis Jean-Lou “le hot-dog” Duval [son personnage dans Radio Enfer]. Bruno, c’était le bon gars, brillant et sensible, le gros bon sens, celui qui va t’appeler “mon chum” quand ça va bien et quand ça va mal. C’est celui aussi qui a eu le plus d’épreuves, que j’aurais voulu serrer dans mes bras à plusieurs reprises. Il va vraiment me manquer! »
«c’est vraiment les personnages secondaires qui m’ont gardé accroché au show. Parce qu’à voir toujours les mêmes faces chaque soir, j’aurais fini par me tanner.»
Christian a plus de difficulté à choisir un personnage préféré. « Difficile d’en choisir juste un! Pour moi, c’est vraiment les personnages secondaires qui m’ont gardé accroché au show. Parce qu’à voir toujours les mêmes faces chaque soir, j’aurais fini par me tanner », m’a-t-il expliqué avant de passer en revue ses nombreux coups de cœur. « Si on me force à choisir, je dirais Brière. Parce que Jeff Boudreault avait l’air d’avoir un fun fou à le jouer et parce qu’il est toujours demeuré sympathique même quand il était un peu trop fouine. Da-Xia, aussi. La sous-estimée du 31. Un rôle ingrat pour Cynthia Wu-Maheux parce qu’il était très redondant, ses répliques tournaient pas mal toujours autour des tours cellulaires, du SARC et de “Ça va me prendre un mandat”. Mais la comédienne les livrait d’une manière qui semblait toujours nouvelle et rafraîchissante. »
Une partie du plaisir de District 31, c’était les fameux punchs du jeudi soir. Une spécialité de Luc Dionne qui gardait l’auditoire sur le gros nerfs et à l’affût pour l’épisode du lundi suivant.
« LE punch le plus mémorable, c’était l’arrestation de Yanick Dubeau, affirme Catherine. Une fois que les enquêteurs ont compris que leur collègue avait tué des femmes et qu’il en gardait captives dans son sous-sol, ils devaient établir un plan et l’arrêter. J’étais ben énervée et j’ai attendu ça avec impatience! Ça a été un excellent dénouement et une des meilleures arrestations! »
Christian abonde d’ailleurs dans le même sens. La saga Dubeau montrait District 31 au sommet de son art : « C’est là qu’on a su que c’était lui qui gardait Sophie Desmarais dans sa cave après des semaines à juste la voir tourner en rond dans sa chambre et faire de l’exercice. On s’est longtemps demandé qui (et chez qui) elle était. La scène où les collègues de Dubeau arrivent chez lui à l’improviste avec de la bière et de la pizza alors que nous, on sait qu’il cache un otage juste en dessous reste un de mes moments préférés de toute la série. »
La vie après la fin
Malgré les hauts et les bas de la série, Catherine et Christian n’ont jamais vraiment considéré décrocher. Catherine me confie même que malgré les semaines moins fortes en émotion elle s’est toujours portée à la défense de la série. Au point même d’essayer de convaincre les auditrices et auditeurs désabusés de donner une deuxième chance à District 31!
« Le podcast m’a un peu empêché de me poser cette question-là [de poursuivre la série ou non], explique Christian. Tant qu’il y avait du monde pour nous écouter, je ne pouvais pas abandonner District 31. C’est sûr qu’en six ans, et même en une saison, il va y avoir des ups and downs. Y’a des semaines où je trouvais qu’il ne se passait pas grand-chose, d’autres où les intrigues étaient un peu trop tirées par les cheveux. Cela dit, même sans le podcast, je serais probablement resté fidèle à l’émission, ne serait-ce que pour le temps déjà investi et l’envie de savoir comment ça allait finir. Pis parce que c’était une bonne série, t’sais. »
Le duo a d’ailleurs vécu une fin-avant-la-fin l’année dernière lors de la mort de Poupou, une décision créative qui a envoyé une onde de choc tellement forte sur les réseaux sociaux que même les plus incultes de District 31 en ont entendu parler.
« L’annonce de son décès a été de loin le moment le plus triste de la série, dit Catherine. Beaucoup plus que celui de Nadine! J’ai pas tellement dormi la nuit suivant l’épisode, j’étais trop triste. La réaction de Bruno qui s’écroule par terre et qui en perd presque ses lunettes et Patrick qui le prend dans ses bras… my god… j’ai encore le moton! »
«Souvent, je ne regarde pas le dernier épisode d’une série que j’ai beaucoup aimée parce que je suis incapable de dire adieu aux personnages.»
Comment les deux fidèles réussiront-ils à combler le vide que s’apprête à laisser District 31 dans leur vie? « JE SAIS PAS COMMENT GÉRER ÇA!!!!, lance sans détour Catherine. J’ai une relation très particulière aux séries que j’adore. Souvent, je ne regarde pas le dernier épisode d’une série que j’ai beaucoup aimée parce que je suis incapable de dire adieu aux personnages. C’est un problème dans ma vie en général; je suis poche avec les deuils. Ça a l’air fou, mais j’ai parlé de la fin de District 31 avec ma psy… pas mon moment le plus glorieux! En ce moment, je suis pas mal dans le déni de cette fin… »
Christian aborde ces adieux avec un peu plus de philosophie. « J’ai l’impression que les médias amplifient beaucoup l’importance de la fin de District 31. Oui, la série a connu un succès qui n’est pas près d’être égalé. Oui, ça a diverti et tenu compagnie à des millions de gens pendant six ans. Mais il y aura autre chose l’an prochain et c’est ben correct comme ça. Personnellement, j’ai une liste d’une trentaine d’autres séries que je veux regarder et qui attendent sagement depuis trois ans que je récupère les heures monopolisées par le podcast pour leur accorder un peu d’attention. Ah, pis j’ai un bébé de deux semaines, aussi. Peut-être passer du temps avec elle. (Après la finale de Survivor, on s’entend.) »
Chaque fin est un nouveau commencement. La place libre laissée par District 31 donnera sans doute lieu à de nouvelles passions pour de nouvelles séries. D’ailleurs, Catherine a déjà l’oeil sur la proposition de Marie-Andrée Labbé. Saura-t-elle conquérir son cœur? À suivre!