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Survivre à la campagne vidéo de la CAQ

Supplice numérique dans l’univers caquiste.

Par
Jean Bourbeau
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« Je vais dire comme j’ai toujours dit, j’suis pas bon dans rien, j’suis moyen dans toute, pis j’essaye d’avancer. Partout, quand même. »

Non, un coach de vie ne se porte pas candidat dans Mégantic : ces belles paroles sont celles de François Jacques, député caquiste, le cœur sur la table dans une récente vidéo mise en ligne par le parti.

Avouons-le d’emblée, trop rares sont nos leaders politiques doté.e.s d’un grand charisme oratoire et hélas, le passage à la réalité algorithmique ne semble pas avoir révolutionné le contenu ni le contenant de la joute partisane.

À l’aube d’une campagne électorale provinciale où la Coalition avenir Québec se frotte déjà les mains en voyant les sondages se consolider en sa faveur, l’enthousiasme démontré par mon entourage est aussi absent que déprimant. Pas la moindre fébrilité pour l’exercice démocratique de cet automne.

Peut-être avec raison. « Continuons » (!).

Bien avant que les affiches n’enlaidissent davantage nos villes, les partis brandissent déjà les armes sur les réseaux.

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Bien avant que les affiches n’enlaidissent davantage nos villes, les partis brandissent déjà les armes sur les réseaux. La cheffe du Parti libéral Dominique Anglade continue de faire des vidéos TikTok sans aucune idée du pourquoi ni du comment alors qu’Éric « Liberté » Duhaime, à la tête du Parti conservateur, joue de dynamisme quétaine en faisant du parachute avec Guillaume Lemay-Thivierge et des chin-ups aux côtés de Georges St-Pierre. La CAQ n’allait certainement pas regarder la parade les bras croisés.

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La Coalition lance donc chaque jour depuis maintenant un mois quelques pépites d’une grande offensive vidéo. À ce jour, c’est une mosaïque d’une soixante de productions qui a été diffusée, oscillant entre familiarité et vanité du pouvoir.

Je dois confesser que je ne suis pas un expert en communication politique, ni en réseaux sociaux ou en marketing, mais plutôt un citoyen curieux des jongleries politiques qui défilent dans le creux de sa main. Afin de nourrir la gourmandise d’un cynisme somme toute bien générique, j’ai creusé le filon YouTube de notre très chère CAQ afin de percer ses mystères.

La mise en scène est la même, un modus operandi incessamment répétée. Emballés dans une direction artistique à la bricole austère, mais sincère de nullité, plusieurs candidates et candidats défilent devant la lentille, vêtus des pantones bleutées du parti. Le décor rassemble deux chaises, deux verres d’eau et un micro. Doit-on comprendre que c’est nous, le peuple, qui sommes assis dans la chaise de l’invité?

https://www.youtube.com/watch?v=D0oLrpUxXt8

Si certaines personnalités se débrouillent mieux que d’autres devant la caméra, le ton généralement sirupeux laisse un goût de carton qui fait demander qui peut bien être charmé par ces saltimbanques endimanchés. La même cassette, en boucle, depuis toujours.

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« Faire plus. Faire mieux » rappelle en effet l’accroche caquiste-léniniste.

Il y a bien ici et là quelques petites fulgurances, comme un doigt qui s’invite dans le plan de Catherine Blouin, candidate dans Bonaventure. Ah, tiens, le foyer n’est pas au focus. Est-ce une tambourine qui tombe sur le plateau durant la minute de gloire de la candidate de Labelle? Quelle simagrée fait l’équipe de tournage pour que l’aspirant de Trois-Riv soit aussi distrait? Pourquoi avoir mis les sous-titres sur la vidéo du candidat de Jonquière? Son accent bleuet n’est pourtant pas si relevé. Maryline Picard, dans Soulanges, donne quant à elle l’impression d’un témoignage à fleur de peau pour Canal Vie. Un gros merci au ministre Ian Lafrenière, qui y va d’une confidence sur son chien.

Bref, dans la torture, on s’amuse comme on peut.

Je fais ma mauvaise langue, mais il y a quelque chose de triste, qui renvoie à notre propre misère. Un populisme criard et maladroit de gentillesse. « J’étais déjà fier des Québécois, là, j’t’encore plus fier des Québécois », insiste le patron en pleine ivresse lyrique.

Il y a quelque chose de triste, qui renvoie à notre propre misère. Un populisme criard et maladroit de gentillesse.

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On louange les forces de cette Coalition peuplée de grandes vedettes inconnues, de faiseux de différences et de mercenaires dédiés aux vrais enjeux terrain. C’est à la fois forcé, prévisible et zéro attachant. Les discours s’articulent sur une panoplie de sujets, mais la fierté de la langue et du travail résonne en maître, sans oublier la beauté des paysages qui revient telle une propagande calquée sur un roman du terroir.

Un point sans cesse réinvesti est la relation des candidat.e.s avec François Legault. Des murmures pleins d’empathie, presque dramatiques de Bernard Drainville à des confidences ou des imitations par ses serfs. « Quand monsieur Legault parle, c’est facile », se réjouit une candidate, visiblement émue. On raconte au passage la première rencontre avec François, le premier souper ou sa visite à la maison. Bref, on ne ménage pas la poly-romance autour du grand chef.

Il ne faudrait pas omettre le récent scandale de la publicité ambiguë avec la fameuse vieille dame au pouce levé. Un faux micro-trottoir déguisé en publicité rémunérée, réitéré quatre ans plus tard devant un chalet en Mauricie. On aura vu mieux côté franchise.

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Mais rien n’arrive cependant à la cheville de la plus délicieuse des propositions jusqu’à ce jour : Justine Savard, candidate dans Viau, qui raconte avec émotion le moment où sa fille a fait ses premiers pas à vie pour marcher en direction de Saint-François Legault. « C’est ça, la magie de la CAQ », dit-elle, ricaneuse de complicité, laissant un public stupéfait par cette anecdote aussi messianique que digne d’un Bye Bye.

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Difficile de faire moins convaincant. La publicité télévisuelle est depuis partagée comme une grande farce à laquelle on peut se permettre de répondre comme des gars de chantier. Coup de circuit marketing ou folie étourdissante? Difficile à dire.

Si chaque vidéo cible un ou une candidat.e d’un comté spécifique, binge watcher l’entièreté du contenu de la CAQ s’est avéré une vilaine idée. La répétition incalculable du jingle porteur d’espoir devient au fil des écoutes le leitmotiv d’un cauchemar éveillé. À vos risques et périls.

Après une consommation aussi boulimique – les vidéos s’ajoutent toujours tel un déluge hors de contrôle –, est-ce que le caquisme radical coule maintenant dans mes veines?

Poser la question, c’est y répondre.

Bonne campagne.