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Survivre à Dawson

Par
Hayder Kadhim
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Hayder Kadhim est l’un des survivants de la fusillade au Collège Dawson, qui a fait deux morts et une vingtaine de blessés. S’il y avait une personne à qui on avait envie de donner la parole dans notre numéro sur les étudiants, c’est bien lui.

« Bleeding by the liters I’m in a critical condition / Still able to be stable it’s a miracle I’m living / I can hardly breath, my life can finish in a minute / Why not?! God can take it the same way it was given. / But I need a second chance to accomplish a mission/ Man if I knew in advance I swear I would’ve listened/ Meanwhile at home my mom is listening to the news/ Hoping the psycho didn’t choose her son to shoot »
– Survive Today, Jiggy (Hayder Kadhim)

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Ayant grandi dans le quartier défavorisé de NDG, j’ai souvent été confronté à la violence même si je ne cherchais pas à m’en mêler. Je me retrouvais dans ces situations, que je savais malsaines, sans pouvoir les éviter. Ces expériences m’ont rapidement permis de prendre conscience des conséquences de la violence de la rue sur un adolescent et de me convaincre que ce n’était pas le chemin à prendre.

Le 13 septembre 2006, au collège Dawson, trois balles m’ont atteint, dont deux à la tête qui y demeureront logées pour le reste de ma vie. Durant cet événement tragique, j’ai perdu une bonne amie, Anastasia de Sousa. Tout ça à cause d’un tireur fou qui, avec un fusil d’assaut semi-automatique, a ouvert le feu sur plusieurs étudiants du collège.

L’étiquette de la victime

La réadaptation a été à la fois difficile physiquement et psychologiquement. Physiquement, je ne serai plus jamais le même. Même après plusieurs années, je vis encore avec des maux de tête inhabituels, qui sont intenses et soudains, ainsi que des migraines pouvant arriver à tout moment, sans raison, à cause des balles que j’ai reçues à la tête. Celle que j’ai dans le cou me donne des douleurs musculaires tous les matins au réveil et, encore aujourd’hui, je dois y porter une attention très particulière et faire des exercices pour calmer la douleur. La troisième balle a traversé mon mollet gauche, laissant deux cicatrices très larges qu’on remarque souvent lorsque je porte des shorts.

J’ai appris à m’adapter et à vivre avec ces changements.

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L’adaptation a été bien plus difficile sur le plan psychologique. La perte d’une amie, cette si bonne personne, toujours souriante, a été très douloureuse. Le fait d’être étiqueté comme « la victime qui s’est fait tirer dessus dans la tuerie de Dawson » est également difficile à vivre, tant par des inconnus me reconnaissant que par des amis qui me définissent de cette façon. Cette étiquette de « victime » déclenche souvent de la pitié à mon endroit et suscite des comportements non désirés.

Cette étiquette est comme un voile qui empêche les gens de voir la véritable personne derrière et de comprendre le problème de la violence dans son ensemble. Je m’assure toujours de donner un point de vue plus positif, plus fort ; je suis un survivant et non une victime. J’ai survécu à une tragédie, j’ai passé au travers et j’en suis sorti grandi. Le tueur était une victime, une victime de la société. Le véritable problème que nous devons collectivement tenter de résoudre, il est là.

Ne jamais baisser les bras

Je me rends compte que cette tragédie aurait pu avoir de graves conséquences sur ma vie. Je n’avais que 17 ans et j’avais traversé déjà bien des épreuves. J’ai perdu quelques amis à cause des armes à feu, en plus d’être moi-même touché directement par la violence. J’aurais pu devenir dépressif, développer un comportement agressif, criminel, même, me joindre à un gang de rue ou autre chose du même registre. En lieu et place, j’ai adopté une attitude de survivant. Ces difficultés que j’ai affrontées m’ont encouragé à entreprendre des actions positives pour parvenir à un changement.

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Depuis la tragédie, quelques professeurs du secondaire m’ont invité à venir partager mon expérience, mon histoire et ma musique. Je parle des principales causes de la violence et des solutions concrètes pour éviter les conséquences de cette même violence. Et je dis aux étudiants que d’aller à l’école est la meilleure solution et le meilleur gage d’un avenir décent.

Bien que j’arrive à la fin de mes études, c’est toujours une bonne expérience. Je crois véritablement faire une différence.

Pour eux, pour la société et pour moi.

« This life is so short so I stand tall on my feet/ I’m fighting for the righteous how hard can it be / Enlighting my mind so in the dark I can see »

– The Spark, Hayder Kadhim

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Traduction: Mathieu Rolland

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Hayder Kadhim est le fondateur, le gestionnaire et le porte-parole de Youth 4 Youth. Avec son équipe, il organise des ateliers sur des sujets touchant les jeunes dans les écoles. Actuellement, il tente de transformer ce projet en une organisation qui permettrait d’améliorer la conscience sociale des jeunes : www.Youth4Youth514.com. Hayder est également musicien et auteur-interprète. Il travaille en ce moment sur son prochain mixtape et à l’élaboration de son site Internet, tous deux prévus pour 2014. Vous pouvez en savoir plus sur sa musique au www.KeepItJiggy514.com.

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Peu de temps après les événements, Hayder Kadhim a écrit une lettre au Premier ministre du Canada pour lui demander de resserrer le contrôle des armes à feu afin d’éviter que ce genre de tragédie se répète. Il s’est également rendu à Ottawa, accompagné des parents d’Anastasia De Sousa et du comité sur le contrôle des armes à feu du collège Dawson, afin de parler directement au gouvernement ainsi qu’aux autres membres du Parlement. Cependant, le Premier ministre et le Parti conservateur ont complètement ignoré leur demande.

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