« Survivor Québec » : La victoire de Nico, roi de la rédemption
*L’auteur est professeur de sociologie.
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Rappel du mot d’ouverture de Joël, durant l’épisode #67 de Survivor Québec : « Le jury ce soir est mitigé et y’a pratiquement aucun vote qui est scellé dans le béton ». Le dénouement de la finale donne tout de même l’impression qu’une partie du ciment avait commencé à sécher. Durant les plaidoiries, le stigmate de l’alliance majoritaire collait à la peau de Chris et Kimberly, et Nico a su manœuvrer dans cette conjoncture pour conquérir le prestigieux titre de dernier Survivant.
CHRIS TYE DIE : L’EX-MOUSQUETAIRE
Finale difficile pour Chris Tye Die. « J’ai haï ça pour mourir », confesse-t-il, après avoir encaissé les interventions de Joël, Sango ou Sandrine, qui l’ont amplement cuisiné sur le volet stratégique de son jeu. Chris sur la sellette présente la trahison de J-J comme un devoir de loyauté envers Kimberly. D’un certain point de vue, sa justification tient la route, car il a effectivement tenté de convaincre son allié des premières heures de traîner Kimberly jusqu’au top 4, sans succès.
À vrai dire, la cause de Chris semblait perdue d’avance. Sur le plan relationnel, il se trouvait trop proche de J-J pour organiser son blindside sans coût électoral.
Car plus le lien de confiance entre des individus paraît fort, plus les comportements perçus comme « déloyaux » risquent de heurter la morale environnante.
Ayant lui-même intériorisé cette morale, Chris se dit « déçu de lui-même » et ses remords ont affecté sa capacité à défendre son parcours avec fougue et conviction.
L’élimination de J-J a été difficile à encaisser pour ce dernier. Durant l’épisode 64, lorsque Chris lui a rapporté ses affaires dans un paquet cadeau, le leader fraîchement éjecté a peiné à contenir ses larmes. Dans les coulisses de leur villa des exclus, il faut savoir que les jurés se trouvaient aux premières loges du choc psychologique de J-J. C’est possible que cela ait joué contre Chris, qui a néanmoins récolté le vote qui compte le plus – celui d’un ami sans rancune qui lui a demandé de garder la tête haute.
KIMBERLY : LA STRATÈGE DISCRÈTE
Calme, souriante, Kimberly est arrivée en finale avec l’intention de dévoiler les dessous de son jeu : « J’ai été le cerveau derrière plusieurs éliminations ».
Durant l’épique conseil de tribu de la semaine 11, la docteure Kim a multiplié les regards complices en direction des jurés pour qu’ils comprennent bien d’où venait le coup d’éclat.
Le soir de la finale, elle a revendiqué ouvertement le renversement de J-J en présentant ce plan de match comme une stratégie défensive pour se hisser jusqu’au carré d’As.
Kim possédait un jeu social complexe. D’abord, Sango a joué son immunité sur elle à la mi-saison. Semaine 7, sur l’île de rédemption, Nico et Sylvain ont reçu le droit d’écrire une lettre à une personne de leur choix dans Pag-Asa et Sylvain (seul survivant à avoir partagé le quotidien avec les tribus originelles) a choisi de communiquer avec Kim, pour consolider son lien avec elle. Semaine 9, après avoir gagné un brunch, J-J a décidé de partager la table avec Karine et Kim… plutôt que Chris. Chris qui, semaine 11, a apprécié Kim au point de quitter les trois mousquetaires pour faire équipe avec elle.
En rétrospective, comme en témoigne son invitation pour un pizzaghetti chez Tiyaga remanié, Kim a occupé une position enviable dans l’alliance majoritaire… Or, la fameuse « alliance des 6 » a dû faire des éliminés et ces exclus ont repris du pouvoir sur le jeu en élisant le candidat de leur choix. Ainsi, ce n’est pas surprenant que 6 membres du jury sur 8 se soient ralliés derrière Nico.
NICO : LE DERNIER SURVIVANT
Nicolas aura passé deux longues semaines en marge du jeu principal. Pendant que Pag-Asa gérait ses conseils de tribus et d’autres tensions internes, il partageait son quotidien avec Sylvain et Coquette, la poule pondeuse. De plus, Sango, Joël, Maryse et Sandrine ont tous et toutes transité par l’île de la rédemption. Nico a profité de cette occasion pour créer ou consolider des liens avec eux, dans un contexte où une épreuve physique (et non des alliances) déterminait la personne qui se faisait remercier par l’animateur.
Le parcours de Nico sur l’île de rédemption lui a permis de faire sa marque pour le volet « épreuves », tout comme sa performance dans un labyrinthe à l’aveugle.
Nico s’est faufilé jusqu’en finale en passant pour « le gars qui sait pas trop ce qu’il fait », même si dans les faits, il a joué un rôle clé dans la scission de l’alliance majoritaire.
Sitôt réintégré dans Pag-Asa, il a fait croire aux insulaires que le jury ne parlait que du « Chris and J-J show ». Karine a mordu à l’hameçon, tandis que Kim a tenu compte du canular pour tendre la main à son plus féroce compétiteur.
Quand Nico s’est fait demander s’il était l’auteur du renversement de J-J ou si ce plan lui était en quelque sorte « tombé dessus », l’agent en communication et marketing a su habilement répondre : « un peu des deux ». Ce positionnement lui a permis de prendre une part du crédit tout en faisant preuve d’humilité – valeur généralement gagnante devant un comité de sélection. « Le jeu que je vous présente ce soir, je vais pas prétendre que c’est un jeu parfait », pour reprendre son pitch d’introduction.
LA TRIBU A PARLÉ
J-J avait raison. La meilleure circonscription pour gagner la première saison de Survivor Québec, c’était l’île de rédemption. Cela n’enlève rien à la remarquable campagne de Nico, qui va jusqu’à perdre connaissance au terme de son porte-à-porte. « La tribu a parlé et Survivor Québec revient pour une deuxième saison », disait Patrice Bélanger après le couronnement. D’ici là, nul doute que Nico assumera avec diligence ses fonctions d’ambassadeur, pendant que QC Scoop continue de chasser la nouvelle.