Inutile de tourner autour du pot, je n’ai trouvé personne qui m’a dit : « J’ai toujours su qu’elle deviendrait un jour présidente des États-Unis! »
Est- ce que ça veut dire que j’ai échoué ma mission? Pas du tout.
En me lançant sur les traces montréalaises de Kamala Harris, j’étais bien conscient que ça serait comme essayer de trouver une aiguille dans une botte de foin.
Après tout, l’actuelle VP démocrate n’a passé que quelques années dans la métropole, il y a plus de quatre décennies, lorsque sa mère est venue travailler comme chercheuse à l’institut Lady Davis de l’Hôpital général juif de Montréal.
Quelques années qui auront néanmoins suffi à marquer quelques personnes que j’ai pu retracer, visiblement fières d’avoir croisé furtivement la route de celle qui s’apprête à en découdre avec l’ex-président Donald Trump.
Mais, avant de vous entraîner dans ce pèlerinage, il me brûle de partager avec vous le meilleur potin. Je vais le mentionner au conditionnel, puisque je n’ai pas trouvé assez de sources pour le confirmer, mais il est possible que Kamala Harris ET la première femme de Donald Trump, Ivana, aient toutes deux vécu sur la même avenue dans Westmount, à deux époques différentes. Si cette rumeur se confirme un jour, vous l’aurez vu ici en premier.
J’y reviendrai plus bas, mais ça me démangeait de balancer rapidement le scoop de ma carrière.
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J’ai d’abord rejoint Mara Rudzitis, une ancienne enseignante d’art du Westmount High, qui avait partagé un témoignage dans le New York Times en marge de la nomination de Kamala Harris comme colistière de Joe Biden.
J’ai aussi entrepris de rejoindre sa meilleure amie d’enfance, Wanda Kagan, qui avait même trouvé refuge chez la famille Harris pour échapper à un beau-père abusif. Mes requêtes sont hélas restées lettre morte.
Loin de me laisser abattre, j’ai mis le cap sur NDG, où me donne rendez-vous l’ancienne prof d’art de Kamala Harris.
De grands arbres d’un vert luxuriant surplombent l’avenue. Mara Rudzitis m’ouvre la porte et m’entraîne d’un pas lent au salon, résultat d’une récente intervention chirurgicale à la hanche. Sa chienne Kali et son chat Big Foot viennent me sniffer avant d’aller s’étendre contre mon hôte sur le sofa.
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Kamala Harris debout au centre vers la droite. Photo fournie par Derek Trott.
À 82 ans, l’ancienne enseignante se souvient parfaitement de la jeune Kamala Harris, qui restait dans sa classe sur l’heure du dîner pour bricoler avec elle. « Je passais mes heures de lunch dans la salle d’art parce que je ne voulais pas fréquenter les autres profs », glousse-t-elle d’un air espiègle.
De Kamala Harris, l’enseignante à la retraite se souvient d’une élève adorable qui avait soif d’apprendre et qui détonnait dans l’école. « À l’époque, on avait une grande proportion d’élèves provenant de milieux défavorisés comme Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne. Elle était différente des autres, parlait avec tout le monde et ne jugeait personne », décrit Mme Rudzitis, amusée d’accorder des entrevues à ce sujet plusieurs décennies plus tard. « C’est mon petit moment de gloire », résume-t-elle.
« Par contre, je ne me souviens pas si elle avait du talent en art », admet l’octogénaire, qui aimerait bien voir son ancien élève battre « this orange creep » aux prochaines présidentielles.
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« Qui est Kamala Harris? »
Prochain arrêt, l’école secondaire Westmount High, d’où Kamala a gradué en 1981. Des travaux majeurs sont en cours dans l’établissement public de la rue Sainte-Catherine. La porte arrière est ouverte et j’entre pour voir si je peux trouver des traces du passage de Kamala Harris. À ma grande déception, dans les corridors déserts, les plus anciennes photos de graduation remontent à 1987.
Outre quelques ouvriers indifférents, personne de l’administration n’est évidemment sur place en cette période estivale.
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Dans la cour arrière, quelques sportifs s’entraînent sur le terrain de football des Knights et sur l’anneau de course autour. Une jeune femme en train de s’étirer écarquille des yeux quand je lui mentionne que l’aspirante présidente américaine a déjà étudié ici même, alors qu’une autre me demande candidement : « Qui est Kamala Harris? ».
Dans le jardin communautaire situé au bout du terrain de l’école, Martine croit que l’élection de Kamala Harris est la seule manière d’extirper les États-Unis de leur mentalité patriarcale et raciste. « Je suis la carrière de Kamala depuis qu’elle est procureure générale de la Californie et dans un débat, elle va manger Trump tout rond », croit cette résidente du quartier.
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Des propos qui trouvent écho chez Derek Trott, un ancien camarade de classe de Kamala que j’ai rejoint à Sherbrooke où il vit aujourd’hui. « Elle était toute petite, mais avait du guts et du caractère. Je ne voudrais pas être à la place de Donald Trump dans un débat contre elle », lance M. Trott, qui m’a fait parvenir quelques images tirées de son album de finissants de l’époque. « C’était une fille super le fun, dynamique et très engagée dans le comité de graduation, la danse et le théâtre », se souvient Trott, qui évoluait pour sa part dans l’équipe de basket-ball de l’école.
Il se remémore le choc qu’il a vécu en voyant son amie de l’époque se faire adouber comme vice-présidente de Joe Biden. « Je pense que les Américains sont prêts pour du changement et qu’elle a de bonnes chances d’être présidente! »
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« Il me semble que l’ex-femme de Trump habitait juste là… »
À quinze minutes de marche de là se trouve l’avenue Roslin. Au fil de mes recherches, j’ai appris que Kamala Harris, sa mère et sa sœur vivaient – peut-être – sur cette rue cossue de Westmount.
Ici, d’immenses maisons que je ne pourrais jamais me payer avec mon salaire d’URBANIA. Je cogne aux portes dans l’espoir de trouver quelqu’un capable de confirmer que la démocrate a déjà résidé ici.
Malheureusement, la pêche s’avère infructueuse, mais on m’oriente, au fil de mes tentatives, vers les doyens de l’avenue. C’est là qu’un couple vivant sur l’avenue depuis 42 ans me largue cette bombe mentionnée au début de ce texte. « On ne sait pas où vivait Kamala Harris, mais il me semble que la première femme de Donald Trump habitait la maison juste là », souligne l’homme, en me pointant du doigt une propriété voisine.
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Il est vrai qu’Ivana Trump a vécu à Montréal dans sa jeunesse avant de déménager à New York où elle a épousé Donald Trump. Je frappe à la porte de la maison en question, où une femme de ménage ne comprend rien à mon charabia sur l’ex de Trump et Kamala Harris.
–Sorry, nobody’s here, tranche-t-elle avant de refermer la porte.
« C’était prestigieux pour moi »
Je termine cette quête à l’Hôpital général juif dans le quartier Côte-des-Neiges, où Shyamala Gopalan, la maman de Kamala, a travaillé comme chercheuse spécialisée dans le cancer du sein. Elle a également enseigné à l’Université McGill.
Le docteur Michael Pollak a étroitement collaboré avec la maman de Kamala, à l’époque. « Elle était très sympa, compétente. À l’époque, c’était rare de voir une Américaine venir travailler ici, c’était prestigieux pour moi », raconte le directeur de l’unité de prévention du cancer à la Faculté de médecine de l’Université McGill et de l’Institut de recherche Lady Davis à l’Hôpital général juif.
Le médecin aujourd’hui âgé de 72 ans ajoute que Mme Gopalan (décédée en 2009) l’avait approché pour prendre le pouls du terrain. « C’était une experte clinique qui n’avait pas de contact avec les patientes et qui voulait aider les femmes. C’est pourquoi elle voulait qu’on collabore. Si Kamala Harris est une idéaliste, ça lui vient d’elle», louange le docteur Pollak, soulignant les méthodes peu orthodoxes de la chercheuse qui pouvait travailler en jeans un jour et avec des v êtements traditionnels indiens le lendemain. « On a déjà obtenu ensemble un fonds de recherche de 64 000$, ce qui était un bon montant à l’époque », souligne le médecin.
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Il régnait selon lui une effervescence particulière dans le laboratoire de Shyamala Gopalan, une des rares femmes à travailler dans le domaine, à l’époque. « Elle se foutait des conventions hiérarchiques. Le travail était sérieux, mais ses étudiants pouvaient l’aborder en tout temps. Pour une cheffe de laboratoire, c’était pas courant », souligne Michael Pollak.
Enfin, il n’a croisé qu’une seule fois la jeune Kamala dans le couloir, lorsque sa mère lui a présenté. « Je pensais que c’était une étudiante et notre rencontre n’a pas dû durer plus de trente secondes », lance le médecin en riant, désolé de ne pas pouvoir m’en dire davantage.
« Quand Shyamala m’a proposé de collaborer, j’aurais dû lui dire : “Bien sûr, puisque votre fille sera un jour présidente!” », plaisante-t-il.
Ceci dit, la portion « québécoise » de la vie de Kamala Harris est certes courte, lointaine et surtout anecdotique, mais il y a fort à parier que l’aspirante à la Maison-Blanche subira moult attaques pour prouver qu’elle est, malgré cet exode, une « vraie » Américaine.