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On compare souvent les hordes de paparazzis à des nuées de «mouches à merde» sans toutefois s’interroger sur la nature du «tas» qui les attire tant. Or on sait tous de quoi se nourrissent les mouches. Cette montagne d’étrons où va copieusement piger la vermine de la presse à potins, c’est ce qu’on appelle plus communément et plus joliment le «star système.»
On ne sait trop d’où vient ce tas. On louche spontanément du côté cette autre gigantesque pile d’immondices couramment nommée «l’industrie.» Le «star système» n’est pas un monde, c’est un monstre ; un immense sac vivant rempli d’ordures semi-liquides, où vont naturellement se repaître les asticots…
J’ignore d’où me vient cette haine, viscérale, du monde des vedettes, qui me fascine pourtant, de même que j’ignore comment on peut admirer quelqu’un sur la seule base de sa notoriété. Une impressionnante majorité des superstars hollywoodiennes n’ont en effet aucun véritable mérite que celui d’être, justement, des superstars hollywoodiennes. Être reconnu pour être connu, cela confine évidemment à l’absurde. La liste serait longue de ces vedettes auxquelles les chroniqueurs et les critiques de cinéma ne savent prêter que des qualités floues et vaporeuses: le «charisme», le «magnétisme», la «présence» ou, plus flou encore, ce fameux «petit quelque chose» qui les distinguerait du commun des mortels. S’il suffit d’un «petit quelque chose» pour atteindre au panthéon des nouveaux demi-dieux, alors Warhol avait raison de penser que n’importe qui peut être une star et qu’on devrait tous avoir droit à notre fameux 15 minutes de gloire. On croise chaque jour dans les rues des masses de jeunes femmes qui ont ce « petit quelque chose » ; aucune d’entre elles ne deviendra Marilyn Monroe, cela même si elles chantaient et jouaient probablement aussi mal que l’icône américaine.
Mon métier m’oblige à m’intéresser à la vie des superstars hollywoodiennes, à leurs frasques, à leurs déboires, à leurs ébats. N’étant qu’un très obscur «journaliste culturel» à la pige, j’ai recours évidemment aux magazines et à l’Internet. Contre mon gré, j’ai fini par prendre goût au potinage mesquin : j’aime voir des photographies de Lindsay complètement fanée au lendemain d’une cuite. Je veux voir, en gros plans, les vergetures et la cellulite de telle starlette qui refuse de vieillir. Je prends un plaisir fou à admirer la décrépitude physique de ces gens parfaitement ordinaires qu’une machine monstrueuse a promus au rang de figures mythiques. Ces gens veulent attirer l’attention, qu’ils en subissent les conséquences. Ils appartiennent au domaine public. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. Les stars chichiteuses revendiquent leur droit à l’intimité. Elles font valoir, dès qu’un micro leur est tendu, la «simplicité» de leur vécu quotidien : «Je suis une personne ordinaire, comme vous et moi», ce qui est une impardonnable sottise. Seuls les gens ordinaires, «comme vous et moi», devraient avoir droit à l’intimité et au respect de leur vie privée. Les superstars s’offrent volontairement en pâture, moyennant des sommes d’argent extravagantes, et font après mine de souffrir des affres de la célébrité. Je refuse de m’apitoyer sur la misère des riches. Les paparazzis sont nécessaires. Les potineurs, essentiels. Ce ne sont pas des mouches mais des abeilles qui récoltent le pollen qui fera le miel de l’Entertainment. Un miel rance et pâteux auquel on prend pourtant goût. Un goût de vengeance : ces vedettes, richissimes monarques de l’ère post-industrielle, ne méritent aucune compassion, aucun élan empathique, aucun accès de pitié. Au contraire, elles doivent consentir à la pression populaire, au harcèlement et à l’humiliation générale. Cela devrait être ajouté à leurs contrats.
Je déplore la couardise de nos soi-disant paparazzis locaux, qui ne sont même pas dignes du nom. Je déplore également la tiédeur et la platitude de nos magazines populaires lesquels rendent chaque Semaine ou chaque Lundi de vibrants éloges à des vedettes (certes paroissiales) qu’on devrait plutôt égratigner méchamment, sourire en coin. Je veux voir, dans les pages d’un torchon, Roy Dupuis sur une plage, en boxers, le pneu à l’air, en train de fricoter lascivement avec sa moitié, seins tombants. Conseil d’ami : Quand vous croisez l’une ou l’autre de nos vedettes régionales, sur Saint-Denis ou Saint-Laurent, pointez-les du doigt en pouffant, même s’il s’agit de sous-fifres comme André Robitaille, Patricia Paquin ou le frère d’Éric Lapointe. Ces gens-là qui s’exposent, qui se montrent, qui se prononcent, qui s’exhibent impudiquement «au nom de l’art» ou du «divertissement», qui se plaignent publiquement des aléas de leur métier, qui osent même émettre des opinions à propos de l’actualité, ces gens-là ne devraient pas être autorisés à connaître la paix de l’anonymat, ces gens-là ne devraient pas vivre ni dormir tranquilles. Faites-les chier.