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Yves Sioui Durand est acteur, dramaturge, metteur en scène et cinéaste. Il est aussi membre de la Nation huronne-wendat
C’est en l’entendant parler de ses périples dans le Grand Nord à l’émission L’autre midi à la table d’à côté qu’on a eu l’idée de lui demander d’écrire dans le numéro 33 de notre édition en magazine, celui portant sur l’hiver québécois. Une belle idée qui résonne encore aujourd’hui.
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Avalée par l’épaisseur duveteuse, ma cabane comme un ventre de bois au creux de la neige. Cabane neigeuse suspendue au-dessus de la voix du fleuve; le noir craquement des glaces qui s’écrasent entre l’île et le cap. Dans le froid vif, le chant s’évapore. La fumée des résines-médecines s’élève, déchiffrée par la lumière crue qui tombe de la fenêtre givrée. Le feu qui respire dans sa cage de fonte.
Il y a la trace des raquettes qui serpente doucement entre les arbres. Le toboggan que l’on tire. Et mon canot enneigé, comme un gros poisson pendu sous les épinettes. La plus grande lenteur, la lenteur du silence sur la terre. Des roches rouges de feu dansent et racontent le début du monde, la sueur du portageur, son chant, son tambour, sa magie.
Voyage dans la blancheur infinie où tout est absorbé; quelle force nous faudra-t-il pour retrouver notre chemin?
Il y a quelques tentes allumées au plus profond de l’hiver. Dans la forêt, encore quelques-uns seulement rêvent aux caribous, aux esprits libres des grandes migrations. Voyage dans la blancheur infinie où tout est absorbé; quelle force nous faudra-t-il pour retrouver notre chemin? Au ruisseau, sous les cèdres, les jaseurs distribuent les étincelles de leurs rires. Et encore, les traces du lièvre fantôme qui se multiplient jusqu’à l’abondance invisible dont on ressent la présence tout autour. Il neige toujours. La joie. La pure joie de tes joues froides, de la pulpe de tes lèvres, de la pureté de ton sourire, de tes dents blanches, de tes yeux, tes yeux noirs, fendus et bridés. La peau brune de ton visage dans la neige absolue.
Ai-je seulement rêvé ? L’ai-je vécu?
La fumée tourbillonnante des cheminées, la saleté des villes et le bruit insoluble des routes qui blessent l’hiver à jamais.
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